Tout nucléaire ou tout fossile la France ?

La Croix -vendredi 31 mars 2017

Débats – courrier :Énergie nucléaire

J’aimerais réagir dans votre journal à l’utilisation parfois déplacée qui est faite (y compris dans la campagne électorale) de notre image de pays « tout nucléaire » (image vantée par les uns, critiquée par les autres)Selon le ministère de l’environnement et de l’énergie, le nucléaire ne représente que 17 % de l’énergie finale que nous consommons – et pour cause, il ne produit que de l’électricité, soit 76 % de nos 36,8 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) d’électricité finale, sur une consommation finale totale de 164 Mtep –, alors que les énergies fossiles caracolent toujours à 68 % (pétrole 45 %, gaz 20 %, charbon 3 %). Ne nous trompons donc pas de cible : c’est bien les consommations de pétrole de nos voitures et de gaz de nos chauffages qu’il nous faut réduire. Notre « arbre » électrique cache bel et bien notre « forêt » 68 % fossile et nous avons encore du chemin à faire pour passer de ce « tout fossile » au « tout écologique ».

Jean-Luc Salanave

Professeur à l’Ecole Centrale, ancien industriel, physicien

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50 % d’électro-nucléaire en France, une fin en soi ?

La politique française officielle, pour l’instant, c’est la LTE, c’est à dire une cible fantasmées à 50% d’électricité nucléaire (donc passer de 17% à 12% de l’énergie) au lieu de 75%, mais le maintien de la puissance du parc pour traiter l’intermittance, ce qui n’est cohérent qu’avec une baisse de charge du nucléaire. Rien à voir avec la sortie du nucléaire de l’Energiewende. C’est une politique mi-chèvre mi-chou, alors que l’Enerwende est complètement chèvre…. 
Mais assez chèvre pour démobiliser la formation et le recrutement de beaux esprits, et décrédibiliser notre légitimité à exporter cette technologie.

Si on occulte le bilan 2016, peu représentatif en raison des problèmes que l’on sait, entrainant 72% seulement de la production totale d’origine nucléaire, et qu’on compare plutôt avec 2015 où, avec 416 TWh elle représentait 76% de la production (et 87% de la consommation), on constate qu’il suffira, en effet, d’une production totale de 832 TWh pour que le nucléaire n’en représente que la moitié.

L’augmentation des exportations (déjà de 65 TWh en 2015), indéniablement liées à la quantité d’intermittence injectée ne laisseraient guère plus de 730 TWh pour une consommation accrue par les nouvelles utilisations de l’électricité. La différence serait pratiquement assurée par + 6 GW de biomasse et + 17 GW de gaz, par exemple, histoire d’arriver à l’équivalent de l’Allemagne.

Hors rentabilité, il n’y aurait alors, en effet aucune différence pour notre parc nucléaire, si c’est le gaz (et la biomasse) qui acceptent d’amortir les aléas de la production d’un parc éolien supplémentaire, aussi considérable soit il.
Et c’est donc ainsi que cela se passe en Allemagne où, contrairement à la France, le parc nucléaire fonctionne obstinément uniquement en base grâce à l’usage massif des fossiles.
Donc, effectivement, pourquoi notre parc nucléaire ne pourrait il pas passer ainsi à une part de 50% de la production, si on accepte le CO2 de la biomasse et du gaz (renoncement aux engagements de la COP), et qu’on en double à grands frais la puissance installée avec des éoliennes pour abaisser leur taux de charge… et qu’on accepte alors de subventionner ces centrales pilotables pour qu’elles ne ferment pas leurs portes pour cause de perte de rentabilité.

La question est donc : y trouve-t-on le moindre intérêt, du moins si l’objectif est bien d’employer au mieux l’argent public pour décarboner l’Europe.
Ce qui serait probable, c’est que les centrales nucléaires seraient appelées à baisser encore leur taux de charge pour accueillir d’avantage d’intermittence.
JPR.

Là où le charbon a disparu, on oublie vite les avantages de l’uranium…

A un lecteur qui doute que remplacer le nucléaire par un charbon très bon marché ne soit pas un bon choix, Jean Fluchère, expert en questions énergétiques et membre de l’ONG http://www.SauvonsLeClimat.org lui rappelle l’historique qui nous conduit à la révolution écologique de l’électro-nucléaire :

« Je réponds à votre message sur la sortie du nucléaire en m’interrogeant sur la raison majeure de cette sortie.

 

Pourquoi sortir d’une énergie propre, sûre, compétitive et créatrice d’emplois de haut niveau de qualification car l’essentiel de la valeur ajoutée d’un MWh nucléaire est faite en France? Quelles en  sont les raisons majeures ? Personne n’a jamais su répondre à cette question. Les asiatiques : l’Inde, la Chine, la Corée du sud, mais aussi le Vietnam et l’Indonésie disent tous que l’on ne fera pas de développement soutenable sans recours au nucléaire. Ils savent ce qu’est la pollution des centrales thermiques.

 

Il se trouve qu’au début de ma carrière j’ai travaillé pendant 2 ans dans la centrale thermique au charbon de Blénod les Pont à Mousson qui comprenaient 4 unités de 250 MW soit une installation analogue à nos tranches nucléaires de 1 000 MW.

 

En fonctionnement continu, cette centrale brûlait 10 000 tonnes de charbon par jour, soit en comptant la modulation de charge du printemps et les révisions de tranches qui se faisaient en été, 3 millions de tonnes de charbon par an. Il s’agissait du charbon lorrain qui contenait 20 % de silice. Nous récupérions via les dépoussiéreurs électrostatiques 99 % de ces cendres volantes soit près de 600 000 tonnes par an dont une partie servaient dans les cimenteries et l’excédent était stocké dans une vallée de l’autre côté de la Moselle.

 

Une tranche de 1000 MW électronucléaire comprends 157 assemblages de 500 kg chacun. Pour une production analogue à celle de Blénod, nous devons recharger un tiers de coeur toutes les années soit 52 assemblages de 500 kg chacun, ce qui donne 26 tonnes de combustibles enrichi à 4,5 %. Après 18 mois en piscine de désactivation, ces 52 assemblages vont à la Hague où ils sont retraités c’est à dire que l’on sépare les matières fissiles, plutonium et uranium résiduel, puis on trie les déchets en fonction de leur nocivité et de leur demi-vie.

 

Pour le charbon de Blénod, mais c’est vrai partout, on trouve des traces de soufre, de phosphore, de mercure, d’arsenic, de cadmium, de tous les halogènes, fluor, chlore, brome, iode, astate, de plomb et donc de toute la filiation de l’uranium, c’est à dire le radon, le radium, le polonium.

 

Mais quand vous brulez 3 millions de tonnes de charbon par an, la somme des traces finit par faire des dizaines de kg.

 

Par ailleurs la combustion se fait dans des chambres dont la température est très élevée d’où une oxydation de l’azote de l’air comburant qui produit des NOx.

 

La centrale de Blénod n’était pas équipée de désulfureurs, ni de dénitrificateurs.

 

Ceci signifie tout simplement que dans les gaz de combustion sortants à la cheminée, nous avions des oxydes de soufre en quantité importante, des NOx, et tous les produits que j’ai évoqué ci-dessus qui sont tous volatils à des températures basses par rapport aux 850 °C de la chambre de combustion. Ils sortaient donc en totalité. Enfin, les dépoussiéreurs électrostatiques ont des rendements de 99 %, c’est à dire qu’ils laissent passe 1 % en masse vers la cheminée et ce 1 % n’est constitué que de particules fines.

 

Les pluies acides existent et nous savons parfaitement d’où elles viennent. Nous trouvons des composés mercuriels dans les lacs isolés à 2 500 m. Et l’on ne peut pas dire que ce sont les activités humaines proches qui sont à l’origine de ces pollutions. Ce sont des retombées issues d’émissions très lointaines. Les nitrates que l’on retrouve dans nos forêts résultent de la recomposition lointaine d’une partie des NOx, la partie principale retombant sous forme d’acide nitrique aux abords du point d’émissions que constitue la cheminée.

 

Donc il sort plus de radioactivité, non comptabilisée, des centrales à charbon que des centrales nucléaires. Il sort des métaux lourds qui se recombinent avec l’atmosphère et retombent aux sols et des halogènes dont on connaît le pouvoir oxydant. En outre, la silice n’est pas anodine puisqu’elle donne la silicose.

 

D’ailleurs en son temps, le Président de l’ASN a fait réaliser par « les Amis de la Terre » des relevés de radioactivité autour des parcs à cendres et des teneurs radioactives des eaux de ruissellement. Vous trouverez ces rapports sur le site de l’ASN. Et il ne s’agit là que des produits radioactifs entraînés par les cendres volantes. C’est-à-dire une valeur infime.

 

Revenir au tout carboné demanderait des quantités de charbon gigantesques. 63 GW X 3 millions de tonnes/GW = 189 millions de tonnes de charbon importées bien entendu ce qui représenterait un déficit de la balance commerciale du pays encore plus fort qu’il n’est.

 

Pourrions-nous les mettre sur les sites des centrales nucléaires. La réponse est non pour au moins deux raisons:

 

  1. Il faudrait pour un site de 4 tranches de 1 000 MW, un parc à charbon pour tenir 2 mois pendant l’hiver quand le transport est plus délicat soit un stock intermédiaire de 2,4 millions de tonnes c’est à dire une montagne de charbon. Blénod partait en fin septembre avec un stock sur parc de 600 000 tonnes, et c’était déjà une montagne. Le parc à Charbon était beaucoup plus grand que la centrale elle-même. Or nous n’avons pas suffisamment de place disponible sur les sites,
  2. Sur stock et à l’air libre le charbon fermente et exhale des produits volatils qui s’enflamment spontanément. Il faut donc arroser en permanence le charbon pour éviter le feu des stocks mais surtout la perte de pouvoir calorifique si les produits volatils disparaissent avant d’être brûlé en chaudière,
  3. Le charbon est un pondéral. A l’époque, nous brûlions sur le carreau des mines ou presque, soit en Lorraine, soit dans la Nord, soit à Gardanne. Ceci permettait de charger directement les wagons sans rupture de charges. Aujourd’hui, le charbon serait importé dans des ports minéraliers pour y être brûlé directement à la sortie des minéraliers. Or ces ports ne sont pas très nombreux, Martigues-Fos, Le Havre, Cordemais, Calais –Dunkerque et surtout ils ne sont pas conçus pour recevoir de telles quantités de pondéral. Donc il faudrait les réaménager.
  4. Enfin, je vous parle d’une époque où la consommation française était de 250 TWh dont 60 provenaient de l’hydraulique et 190 TWh venaient des tranches thermiques. Aujourd’hui, la consommation française est de 500 TWh dont 90 TWh viennent de l’hydraulique, de l’éolien et du PV. Il faudrait donc que le charbon puisse fournir 410 TWh. Nous aurions à importer 189 millions de tonnes à un cours de 40 $ sur le lieu de départ. Ce prix doit être majoré du coût du transport d’environ 5 $/t. Comptons 45 €/t

Cela donnerait une dépense de 189 X 45 = 8 505 M€ soit 8,5 Mds€ qui s’ajouterait au déficit de notre balance des paiements. A comparer au 0,5 Mds d’€ que représente le minerai d’uranium sous forme d’U3O8. A noter que le solde exportateur électrique de la France est de 2 Mds d’€ grâce aux 50 à 60 TWh de notre solde des échanges qui rembourse ainsi 4 fois nos importations d’U3O8,

5 – Bien que vous ne soyez pas gêné par les émissions de CO2 dont vous ne pensez pas qu’elles aient un impact sur le climat, nous ferions 410 TWh au charbon qui émet 1 kg par KWh soit 1 tonne par MWh. Ce qui donnerait 410 X 10 6 X 1 = 410 millions de tonne de CO2.

 

Je pense que vouloir remplacer le parc nucléaire sûr, propre, compétitif et créateur d’emplois par du charbon mérite ce genre d’approche même si l’on pense que ce ne sont pas les émissions anthropiques qui engendrent des désordres climatiques. »


Alors puisque le renouvelable intermittent et la décroissance ne suffisent pas, regardons bien si cette énergie se serait pas à développer plutôt que de laisser perdurer « l’autre »… 

De la réelle complémentarité entre EnR et électronucléaire.

A propos du débat entre nucléaire et « énergie renouvelable ». EDF se plaît à vanter la « complémentarité » entre l’un et l’autre.

Dans ce débat, « énergie renouvelable » veut dire éolienne et PV et EDF met en avant la nouvelle flexibilité de fonctionnement des réacteurs nucléaires. En fait de « complémentarité », plus il y aura d’électricité intermittente, plus le nucléaire coûtera cher (car le taux de fonctionnement des réacteurs diminuera). Ceci un peu atténué par la hausse des prix et des exportations françaises lors des périodes sans vent.

Il y a une autre façon de montrer en quoi nucléaire et renouvelables sont réellement complémentaires.

  • Les pompes à chaleur qui consomment de l’électricité nucléaire permettent d’utiliser de la chaleur solaire (prise dans l’air ou dans l’eau).

 

  • La production de biocarburant ou de biofioul utilise pleinement la biomasse avec un apport d’hydrogène produit par de l’électricité nucléaire (cela permet de doubler la production de biocarburant par unité de masse de biomasse).

 

  • Pour le chauffage, une combinaison d’électricité en base de chauffage, donc nucléaire, et de biofioul ou biogaz pour écrêter les pointes est une autre forme de complémentarité entre l’électricité et énergie renouvelable.

 

Comme ordres de grandeur :

  • avec les PAC, 70 TWh d’électricité nucléaire permettent de valoriser 140 TWh de chaleur solaire
  • pour le biocarburant, 70 TWh d’électricité nucléaire permettent, avec la même quantité de biomasse (70 TWh), de produire 35 TWh de plus de biocarburant ou de biofioul que sans électricité. Les 70 TWh pour biocarburant ou biofioul seront produits hors période de chauffe par les mêmes réacteurs que les 70 TWh pour les PAC.

 

Il faudrait pour cela 28 GW de nucléaire, valorisant près de 200 TWh d’énergie renouvelable.

A côté de cela, la pseudo complémentarité entre nucléaire et éoliennes ou PV se manifesterait par 28 GW nucléaire de moins contre 4 ou 8 fois plus d’éoliennes ou de PV épaulés par des centrales au gaz ou au charbon pour boucher les trous.

HP

www.hprevot.fr Ces idées ont été présentées dans Trop de pétrole ! et dans Avec le nucléaire.

On peut fort bien viser un équilibre entre production et consommation d’énergie où la consommation d’énergie nucléaire et la consommation d’énergie renouvelable (en incluant l’énergie « pompée » par les PAC) sont égales à 40 % chacune de la consommation totale. Par exemple ici. (un tableau proche de celui de Negatep)

Pour que Enercoop ne soit pas un coucou de l’énergie.

La stratégie du coucou est bien connue. Celle d’un mécanisme lui permettant de « squatter » le nid d’autres espèces en y pondant ses propres œufs

Est-ce la stratégie du « récit » d’Enercoop poursuivi ici ?

   Le pionnier de l’électricité verte Enercoop soigne son positionnement.

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/le-pionnier-de-l-electricite-verte-enercoop-soigne-son-positionnement-634320.html

 

Effectivement. Et sauf erreur cet article est fort mal informé.

La réforme toute récente des Garanties d’origine n’a rien à voir avec les conditions d’achat de l’électricité verte et n’importe qui avait déjà le droit de faire une offre verte même à base d’électricité grise + achat de garantie d’origine.

Certains étaient également producteurs EnR, mais pas tous, loin de là.

Pour faire une offre verte il suffit d’acheter ces garanties d’origine indépendamment des MWh depuis des années.

La principale contestation de l’article est que si on ne sait pratiquement pas stocker l’énergie, il est facile de stocker ces garanties d’origine et les vendre, en s’appuyant sur la base de l’énergie nucléaire, avec la plus value du label vert, même quand il n’y a pas de vent (ou de soleil).

Et ce qui change, au contraire, désormais, c’est que le producteur ne peut plus, depuis quelques mois, cumuler Garantie d’Origine + complément de rémunération, alors qu’il ne s’en privait pas jusqu’alors, grâce notamment au recours gagné devant le Conseil d’Etat, pour la raison que la loi subrogeant l’acheteur aux droits afférents à la production avait insuffisamment précisé ces droits. (*)

Pour revenir à Enercoop, son statut « à but non lucratif » empêche-t-il toute critique ? Non. Les millions d’euros de chiffre d’affaire génèrent de grands intérêts pour les groupes qui s’en emparent. Salaires distribués, influences idéologiques,  fournisseurs privilégiés sont en soi un conflit d’intérêt assez fort pour justifier la contestation d’un modèle non durable pour qui a une vision globale et la préoccupation de l’intérêt général. Seuls les producteurs déconnectés du réseau participent à une démarche vertueuse chez Enercoop (exemple sur la chaleur). Pour le reste des renouvelables électriques, c’est très contestable, quand on est pas anti-nucléaire ni décroissantiste. La base nucléaire aide chaque jour Enercoop à assumer son intermittence sans être rémunérée. Bien que cette coopérative s’en cache. Ceci n’est pas honnête.

Conclusion : A l’instar de la fin de l’article sur le coucou :

Enercoop et d’autres opérateurs, guidés par la facilité, nuisent à la collectivité et les générations futures. Ils vont continuer à développer cette stratégie favorisant la base fossiles car anti-nucléaire , quitte à ancrer une idéologie dangereuse dans l’esprit des consommateurs : à savoir qu’il faudrait davantage d’EnR intermittentes même sans stockage associé. Au prix de la précarité énergétique des plus modestes qui payent la CSPE sur leur facture d’électricité (+20%, bientôt +30%)

Et pour EDF, le « coût médiatique » lié au risque d’éjecter le « 100% garanti d’énergie verte » de son marketing est plus élevé que celui de tolérer ce parasite occasionnel…
JPR/JPB
(*) La loi n° 2017-227 du 24 février 2017 vient d’ introduire via son article 2 le principe de non cumul d’aides d’État avec les Garanties d’origine et met en place le régime juridique y afférent, rappelant que les producteurs n’attendaient pas les 15 ans pour vendre leurs G.O.)

http://observatoire-electricite.fr/IMG/pdf/oie_mars_2017_garanties_d_origine.pdf

 

Pragmatisme, réalisme, conformisme,… fondent ils une stratégie durable ?

03 12 2015

EDF vient de rejoindre la famille des producteurs et distributeurs d’électricité qui proposent des électrons verts à leurs clients.

Couleurs et particules élémentaires étaient déjà appariées, mais il s’agissait de propriétés propres aux quarks et aux gluons, éléments et liants des neutrons et des protons.
C’est donc une avancée majeure en mécanique quantique que savoir désormais étendre ces mêmes propriétés à la périphérie de l’atome, en affectant la teinte verte à certains électrons, plus éthiques que d’autres. Au passage, beau mariage des disciplines, bel exemple de syncrétisme !

Alors qu’il nous est demandé, anciens d’EDF, d’être positifs quant à l’appréciation que nous pourrions porter sur la politique industrielle et sur la communication de notre ex-maison, comment n’être pas interpellés, par l’offre commerciale qui vient d’être lancée.
Elle propose en effet de fournir aux clients « « écolo-sensibilisés » une électricité exclusivement verte, moyennant une mini dîme singularisant encore davantage le caractère volontaire et engagé de ces pionniers de la consommation responsable.

Comme les écologistes qui distinguaient jadis entre la bonne et la mauvaise radioactivité, celle naturellement épandue par la terre et le ciel et celle fabriquée par l’homo-nucleus, il conviendrait désormais, de faire la différence entre les bons électrons, produits par l’eau le soleil et le vent et ceux venant des centrales nucléaires, pas très propres sur eux.

Au-delà de l’entourloupe technique, quel symbole détestable, quelle discrimination assumée ! Comment en aval d’un tel affichage ne pas voir dans le nucléaire un pis aller qu’on s’échine désormais à réduire au plus vite.
Mais à ces reproches, il sera à tout coup opposé le manque évident de souplesse stratégique et l’absence totale de vision, les contempteurs de l’affaire fonçant sans réfléchir sur un pseudo chiffon vert, comme le taureau sur la muleta.
Au passage, si la muleta sert à orienter la charge du taureau, croit-on vraiment qu’une telle offre, au fond si dérisoire, pourrait permettre de mieux drainer les oppositions et d’attirer de nouveau des sympathies vers une maison bleue malhabilement repeinte en vert ?

Pire s’il s’agit d’essayer par ce truchement de gagner quelques clients au portefeuille d’EDF, quelle piètre politique surfant sur un artifice cherchant à masquer la réalité « nucléaire honteuse » de notre outil industriel.

Cerise pas mûre sur le soufflé, en pleine COP 21, période choisie pour le lancement de ce type d’offre (déjà pratiquée ailleurs depuis longtemps, c’est vrai), quel contre signe que d’ostraciser le nucléaire, seul moyen de production électrique réellement efficace pour aider à relever le défi climatique.
Au tour des contempteurs basiques, qui ne seront pas seuls à le relever, de pointer cette bévue (forme faible !), césure artificielle aux effets potentiellement bien délétères.

Service public ne signifie pas complaire à des souhaits idéologiques minoritaires et encore moins à les encourager, mais à répondre au mieux à l’intérêt bien compris du pays et au-delà. Mais cette notion fondatrice s’émousse et même se délite ; pour qui en douterait encore, cette démarche en atteste…sans conteste.

Gerard Petit

« C’est pourtant absurde ! » Fritz Vahrenholt. (traduit de l’allemand)

«Das ist doch absurd!»

«C’est pourtant absurde !»

Au sujet de la politique énergétique allemande et de la Suisse, l’ancien politicien de l’environnement et manager en entreprise énergétique Fritz Vahrenholt.

Article original :

http://verlag.baz.ch/artikel/?objectid=65220896-E8E4-47F7-B662A92292289F0C#.WKa70jkAL1M.twitter

 

Avant de pouvoir compter sur l’énergie solaire et éolienne, de nouvelles technologies de stockage de l’électricité sont à développer, selon Vahrenholt.

Dominik Feusi  18.02.2017

 

Vous appelez le tournant énergétique allemand un désastre ». Pourquoi ?

Fritz Vahrenholt:

Pour commencer, le gouvernement allemand a décidé en l’espace d’un week-end – suite au tsunami au Japon – de renoncer à l’énergie nucléaire qui produisait jusque-là l’essentiel du courant pour l’industrie allemande. Depuis, le gouvernement veut remplacer cette source d’énergie à production stable par du courant solaire et éolien, soumis à de fortes variations de production. Chacun comprend que cela n’est simplement pas raisonnable.

 

Moi, je ne comprends pas. Expliquez-moi.  

Nous avons de cinquante à cent jours, parfois plusieurs semaines par année, des périodes de calme plat, et à faible ensoleillement. Durant ces périodes,

nous produisons moins de 10 pourcents du courant nécessaire. Et si le vent souffle et le soleil brille, il y a trop de courant dans le circuit puisque les capacités de stockage manquent, alors nous débranchons des éoliennes. Nous sommes confrontés à un problème croissant : trop, ou trop peu d’électricité.

 

Pourquoi le problème est-il croissant?

Parce qu’avec chaque nouvelle production d’un courant aussi instable, soit avec chaque nouvelle éolienne et avec chaque nouvelle cellule photovoltaïque, les écarts de production augmentent.

 

Commençons par le commencement: l’énergie nucléaire n’a pourtant pas d’avenir.

C’est une décision politique, quand bien même aucune crainte sérieuse n’était émise à l’égard des centrales nucléaires allemandes.

 

En Suisse, il est prévu de laisser fonctionner les centrales nucléaires tant que leur niveau de sécurité le permet. 

C’est une solution intelligente. Ainsi, vous gagnez du temps, jusqu’à ce que des capacités de stockage suffisantes soient développées, peut-être.

 

Et les déchets radioactifs?

La question du stockage des déchets radioactifs est complètement indépendante d’un fonctionnement sur 30, 40 ou 50 ans d’une centrale nucléaire. Après Fukushima, seules la Suisse et l’Allemagne ont décidé le tournant énergétique. Même le Japon mise à nouveau sur l’atome et le charbon. En 2022, la dernière centrale nucléaire allemande sera arrêtée et aucune production d’électricité ne sera plus garantie dans le sud de l’Allemagne. Nous dépendons de plus en plus des forces de la nature, d’autant plus si nous renonçons encore aux centrales à gaz et à charbon.

 

En quoi cela est-il mauvais

Je n’ai rien contre l’énergie solaire ou éolienne si elle permet de produire un courant sûr, fiable, de manière économique. Mais cela ne sera le cas qu’une fois la question du stockage réglée. Vous devez transformer les forces de la nature en source fiable d’énergie.

 

Il suffit d’avoir suffisamment de centrales solaires et de production éolienne. 

Non, même en triplant la capacité éolienne, la production par calme plat est proche de zéro. Idem pour le solaire, en particulier la nuit. L’éolien ne produit en électricité que l’équivalent de 90 jours par année à puissance maximale. Pour le photovoltaïque, ce sont l’équivalent de 35 jours. A ces chiffres, il est évident qu’une production fiable est ici impossible tant que la question du stockage n’est pas réglée.

 

Quelle importance?

Il faut se rendre compte de ce que fournit le système. En cas de besoin en électricité quelque part, le courant doit être livré dans la même seconde. Si, un soir d’hiver, les projecteurs du FCB sont enclenchés, le courant supplémentaire doit être disponible instantanément. Avec la production éolienne ou solaire, cette montée en puissance immédiate n’est pas possible.

Qu’est-ce que cela signifie?

Lorsque le soleil brille ou le vent souffle, nous produisons trop de courant en Allemagne. Nous bradons alors ce courant à l’étranger, à prix négatifs souvent. Du fait de la priorité du courant vert, ce sont d’abord les centrales conventionnelles à gaz ou au charbon dont la production est réduite, puis des éoliennes, qui sont alors payées tout en ne produisant pas. Entretemps, cela nous coûte un milliard d’Euros par année, c’est pourtant absurde ! Encore une fois : les nouvelles énergies ne seront une source fiable qu’une fois le problème du stockage du courant résolu.

Il existe déjà de telles technologies. 

Oui, il existe des possibilités, comme le pompage-turbinage, avec des lacs de retenue. L’eau est pompée dans le lac de retenue pour entraîner une turbine lorsque le courant est nécessaire. Or, rien que pour faire face à un calme plat de quatre jours, il faudrait pomper le lac de Constance à un bon niveau pour y faire face (500 km2, profondeur 100 m).

Pourquoi cela n’est-il possible avec des batteries? 

Cela sera peut-être possible un jour. Alors, les sources irrégulières que sont l’éolien et le solaire auront une chance. Aujourd’hui, le prix est trop élevé – quelques 20 centimes d’euros par KWh – auxquels s’ajoutent les coûts du courant et les taxes. Seules, les ménages aisés peuvent fiancer un tel luxe. Toute utilisation industrielle de l’électricité devient impossible avec de tels niveaux de prix.

 

En Suisse, nous avons beaucoup de stations de pompage-turbinage. Elles ont été rentables durant des années. Actuellement, elles ne dégagent plus aucun bénéfice.

La raison de cette situation se trouve dans la production débridée et incontrôlée de courant éolien et solaire en Allemagne. Par temps venteux, nous poussons notre surproduction vers nos voisins à travers les frontières. Ce courant est en effet déjà payé à sa production via les subventions étatiques. Donc, il ne nous coûte rien et a même un prix négatif. Les stations de pompage-turbinage, elles, ont besoin d’un prix de 8 centimes d’euros pour survivre économiquement. Voilà quel est le grand dilemme pour la Suisse. De ce fait, sa production nationale – pour ainsi dire exempte de CO2 – est soudainement remise en question.

 

Cette surproduction met en danger notre production hydroélectrique.

Nous avons en Allemagne 50 000 Megwatts de capacité de production éolienne. Si toutes ces capacités produisent, les centrales à charbon et à gaz doivent réduire leur production, puis l’éolien, faute de quoi, le système menace de s’effondrer. Si tout cela ne suffit pas, notre production est envoyée par-delà les frontières, détruisant la capacité de production de nos voisins. A l’inverse, ce sont nos voisins qui doivent nous aider lorsque le vent ne souffle pas chez nous. La Pologne ne tolère plus un tel système et a installé des oscillateurs à déphasage à sa frontière pour être en mesure de réguler l’arrivée de la surproduction allemande. Les Tchèques prévoient de faire de même.

La Suisse pourrait-elle faire de même ? 

Je peux imaginer que le débat ait lieu un jour en Suisse et que l’on s’interroge: „Est-ce à nous de porter les conséquences de la politique énergétique arrogante et irréfléchie de nos voisins allemands? » Il est possible que certains, en Suisse, répondent par la négative. Je le comprendrais.

Mais alors, la Suisse devrait être autosuffisante, ce pourquoi de nouvelles centrales à gaz seraient nécessaires.

Lorsque des centrales nucléaires sont débranchées du réseau, des centrales à gaz, flexibles, doivent prendre le relais. Or, la politique énergétique allemande, avec le tournant énergétique, a rendu le courant produit à gaz non rentable, du fait de la surproduction. Une centrale à gaz moderne, en Bavière, a dû fermer un jour après son inauguration, car non rentable.

Parlons argent. Le courant devient toujours plus cher pour le consommateur, et toujours meilleur marché sur le marché international. Comment est-ce possible ? 

C’est très simple: Le courant solaire et éolien est toujours encore deux à trois fois plus cher que le courant conventionnel. Pour corriger cette différence, une taxe est perçue auprès du consommateur et distribuée aux producteurs de courant éolien et solaire. Chaque entrepreneur éolien ou solaire touche une indemnisation pour le courant produit, lui garantissant une rente juteuse sur 20 ans. Ainsi, le courant renouvelable est payé à l’avance et est injecté à un prix nul dans le réseau, repoussant le courant conventionnel du marché. De ce fait, les prix de l’électricité chutent en bourse. La combinaison de ces deux effets conduit à une augmentation du prix pour le consommateur privé.

Auparavant, on subventionnait simplement les centrales nucléaires. Le courant électrique a donc toujours été cher.

En Allemagne, les centrales nucléaires n’étaient pas subventionnées et je peine à me l’imaginer pour la Suisse. La recherche et le développement de l’énergie nucléaire par contre ont été subventionnés, ce qui ne semble pas problématique.

 

Et les risques? Les centrales nucléaires ne devaient pas en assurer la totalité. 

Ceci reflétait une décision politique et de société. Aujourd’hui, les choix seraient différents. Mais la question ne se pose pas, étant donné qu’il n’est pas possible d’exploiter de nouvelles centrales nucléaires de manière rentable.

 

L’alternative que vous proposez consiste à laisser fonctionner les centrales nucléaires plus longtemps et à miser sur le développement de capacités de stockage du courant électrique.

Si nous parvenons à développer des capacités de stockage économiquement rentables, nous serons en mesure d’utiliser des sources aussi fluctuantes que l’éolien et le solaire.

 

Selon vous, la question est de savoir dans quel ordre faire les choses?

Exactement. Il ne faut pas mettre le char avant les boeufs et construire des centrales éoliennes et photovoltaïques alors que nous savons que ces technologies ne sont fiables qu’en lien avec une capacité de stockage qui nous fait défaut. Tout autre démarche me semble peu intelligente.

 

Quelles conséquences pour l’industrie?

Aujourd’hui déjà, nous avons un déficit de production en Bavière et dans le Bade-Wurttemberg. Il est possible de contourner le problème en construisant des lignes depuis le nord. Cela durera cependant des années et coûtera très cher, du fait des oppositions aux lignes à haute tension aérienne. La Suisse et l’Allemagne sont proches l’une de l’autre. Une pénurie a également des effets en Suisse.

 

N’y a-t-il pas de réticences de la part de l’industrie?

L’industrie intensive ne montre pas d’opposition, étant exemptée des taxes correspondantes – tout comme en Suisse. L’industrie de l’acier, la chimie, le cuivre, l’aluminium profitent même des prix très bas pratiqués sur le marché international. En réalité cependant, le système est dans l’ensemble devenu bien plus cher. Le prix est payé par les ménages et par les petites entreprises. Nous remarquons une tendance à la baisse des nouvelles investitions industrielles. L’on n’investit pas dans un pays sans savoir quels seront les développements des prix de l’énergie. A côté des prix, c’est également la fiabilité de la production d’énergie qui compte. Cette fiabilité baisse un peu plus à chaque nouvelle éolienne installée.

 

Quels sont les dangers des éoliennes?

J’ai moi-même fondé et développé une entreprise active dans l’éolien en l’an 2000. Je connais très bien cette technologie. Je n’aurais jamais osé imaginer prétendre qu’une telle source soit utilisable pour faire fonctionner un réseau ferroviaire. Nous devons tous en apprendre. L’énergie éolienne n’amène pas que des effets positifs. En Allemagne, une éolienne est planifiée en moyenne tous les 2.7 km alors que nous savons que des rapaces, des chauves-souris et d’autres espèces menacées disparaîtront à cause de ces éoliennes. Le milan royal est menacé. Les 26 principales espèces d’oiseaux sont en diminution. Les effets del’éolien sur les espaces naturelles sont énormes, tant pour les plantes que pour les animaux. Si une centrale nucléaire détruisait autant d’environnement naturel que l’énergie éolienne, elle aurait été mise à l’arrêt depuis bien longtemps.

 

Comment expliquer le silence des organisations de protection de la nature?

La raison principale est la suivante: Les Verts se sont fait du tournant énergétique un programme, quel qu’en soit le prix. En Allemagne, les Verts n’étaient en fait jamais réellement un parti au service de la protection de la nature mais un parti anticapitaliste, engagé contre l’énergie nucléaire et l’industrie. C’est pour cette raison que les thématiques réelles de la faune et de la flore les laissent indiférents. Bien évidemment, certaines organisations sont alignées sur cette ligne politique, tandis que d’autres organisations de protection de la nature prennent leur travail à coeur. Mais pour la première catégorie, le tournant énergétique est autrement plus important que la protection de la nature.

 

Mais il y des oppositions aux éoliennes. 

Oui. Dans les régions rurales, le potentiel de résistance est énorme et provient des forces politiques bourgeoises. Cela me rappelle les débuts du mouvement antinucléaire, ironiquement. Aujourd’hui, la situation est la suivante : Le rêve d’une certaine élite urbaine de disposer d’une source d’énergie so-disant propre est propagé sur le dos de la population rurale, dont on détruit le patrimoine.

 

Economiquement, qui sont les gagnants, qui sont les perdants ?

Ceux qui sont subventionnés pour un toit solaire ou qui investissent dans des fonds dédiés à l’industrie éolienne ne proviennent le plus souvent pas des couches populaires. Les employés, les bénéficiaires de l’aide sociale, les locataires de maisons plurifamiliales sont ceux qui passent à la caisse et doivent financer les rentes étatiques de vingt ans garanties à ceux qui ont eu les moyens d’investir.

 

Vous esquissez deux directions de développement: continuer de trafiquer, ou corriger.

Nous allons devoir corriger , au plus tard après les premiers crashs du réseau. Plus cela dure, plus les difficultés augmentent. Si nous disposons, dans dix ans, d’un genre de superbatterie capable de stocker le courant au prix de cinq centime d’euro par KWh, les choses rentreront peut-être dans l’ordre. Mais ceci serait de la politique reposant seulement sur une vague espérance. Je n’y mettrais pas ma main au feu et, en tant que politicien, je n’y forcerais encore moins un pays entier. (Basler Zeitung)

 

Fin