La réponse est : Non.
Au delà d’un certain pourcentage d’ENR intermittentes (plus de 40% grand maximum), sans base fossile pilotable, seul l’électro-nucléaire peut aider l’hydro-électricité à redémarrer le réseau électrique en cas black-out. Mais avec 40% de rentabilité gâchée, personne ne construira de nucléaire. Idem pour contruire 40% de backup fossile à utiliser en plein hiver.
Et oui, les moteurs ne redémarreraient pas, y compris ceux de certaines STEP. Donc on subirait une catastrophe de longue durée.
Autre question : Y a-t-il un moyen électronique pour simuler le signal en fréquence des machines tournantes ?
* On sait bien sûr simuler la fréquence du réseau, mais cela ne suffit pas pour assurer l’équilibre, la fréquence n’étant que le symptôme (très utile en l’occurrence) pas la cause physique du déséquilibre de puissance, provenant d’une trop grande différence entre production et consommation,
* Avec des réseaux alimentés par les turbo-alternateurs, l’équilibre instantané (qui se joue dans les 10 à 15 premières secondes sur le réseau européen, deux à trois fois plus vite sur les petits réseaux isolés des îles) est assuré par deux facteurs :
– Les régulations primaires des turbo-alternateurs, qui sont rapides et réglées pour annuler les écarts dans les deux sens,
– L’inertie des masses tournantes des rotors, qui introduit des constantes de temps dans le système. Ce qui laisse précisément le temps aux régulateurs primaires de jouer leur rôle. Mais il y a plus : toutes ces masses tournantes se comportent comme des volants d’inertie naturels, qui stockent donc de l’énergie cinétique. En cas de ralentissement (baisse de fréquence), cette énergie cinétique est automatiquement et instantanément transférée au réseau via le couplage magnétique des rotors d’alternateurs. Ce qui constitue un apport supplémentaire transitoire de production ayant un effet stabilisateur de la fréquence.
Le problème est que les EnRi couplées au réseau via des onduleurs n’apportent plus cette inertie (sauf éoliennes équipées de dispositifs particuliers d’extraction « d’inertie synthétique », moins efficaces cependant que l’inertie des turbo-alternateurs). Les EnRi diminuent donc la stabilité naturelle des réseaux, raison pour laquelle l’étude EDF R&D (la seule de ce type à ce jour) arrive à la conclusion que le réseau européen ne pourra dépasser environ 40 % d’EnRi en moyenne (avec des pointes instantanées situées entre 20 % et 70 % selon la charge du réseau). Ou alors, il faudrait faire du déstockage d’énergie via des turbo-alternateurs, soit hydrauliques (STEP) soit à cycles combinées (avec du power to gas to power). Mais comme les STEP ne sont pas du tout à l’échelle des besoins et le power to gas to power complètement hors de prix, la seule solution est de conserver des moyens de back-up très importants…
Il y a cependant un autre moyen de stabiliser les réseaux : disposer de moyens dépourvus d’inertie propre mais capables d’injecter et d’absorber extrêmement rapidement l’énergie, avec des constantes de temps très inférieures aux constantes de temps du réseau électrique. C’est le cas des batteries électrochimiques. Cela fonctionne très bien et a été validé par l’expérience. L’utilité est directe à l’échelle de réseaux petits ou moyens, notamment les réseaux isolés des îles. Mais ce ne peut être qu’une solution d’appoint à l’échelle des grands réseaux européens, au moins tant que les prix des batteries resteront élevés, eu égard aux investissements supplémentaires très importants que cela représente.
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Extrait ci dessus de la conférence de Jean Fluchère à l’Académie François Bourdon sur le fonctionnement du réseau électrique.
Sur la 3ème diapo, on trouve un enregistrement réel de la fréquence lors de la perte de 2800 MW, l’inertie des machines tournantes, comme expliqué plus haut, empêche la fréquence de descendre au dessous de 49,88 Hz. Ensuite, le réglage primaire des machines thermiques et hydrauliques agit pour combler la puissance perdue de façon totalement automatique. Mais comme ceci a rogné les marges du système, il faut les rétablir via le réglage secondaire qui est manuel soit via des demandes des dispatchers aux opérateurs de centrales, soit directement par les dispatchers sur les centrales en téléréglage (puissance moyenne de référence détarée par rapport à la puissance nominale avec une bande en plus ou en moins par rapport à cette puissance de référence). Enfin, si besoin, notamment en situation tendue, les dispatchers vont activer de la réserve tertiaire qui consiste à mettre en route des moyens de production supplémentaires.
Il faut bien retenir que dans tous ces cas, on augmente ou on réduit le fluide moteur qui traverse la turbine via la position des robinets d’admission.
Si ce sont des éoliennes, il est difficile d’agir sur le fluide moteur, le vent. Enercon propose son modèle de 8 MW avec un système de régulation via le pas des pales. Dit autrement, la machine ne brasse pas tout le vent possible et si le régulateur, après l’interface statique, détecte un écart entre la fréquence de référence et la fréquence réelle, le régulateur va modifier le pas des pales pour brasser plus de vent. C’est un réglage primaire mou. En outre, derrière une interface statique, il n’y a pas d’inertie et sur l’exemple réel donné dans la 3ème diapo, s’il n’y avait que des éoliennes de ce type, la descente de la fréquence serait beaucoup plus profonde.
Ajouté le 15/04/2017:
Et quid des compensateurs ?
Les compensateurs synchrones sont des machines synchrones placées sur les réseaux et qui vont soit produire de la puissance réactive par surexcitation de l’inducteur afin de remonter le niveau de tension, soit absorber de la puissance réactive par sous excitation de l’inducteur pour abaisser le niveau de tension. Ce sont des machines extrêmement souples et présente l’immense avantage de réutiliser des alternateurs existants et sous-utilisés.
Les compensateurs synchrones ont été effectivement très utilisés, et le sont encore à Biblis par exemple, en général pour remonter le niveau de tension ou pour l’abaisser. Les groupes turboalternateurs de la centrale de Martigues ont été beaucoup utilisés pour remonter le niveau de tension sur ce nœud de réseau afin d’avoir une tension correcte en bout de ligne à Nice.
Les Facts ou compensateurs statiques sont aujourd’hui utilisés pour compenser la puissance réactive capacitive introduite par les diélectriques des câbles très haute tension enterrés. On fait en sorte que les FACTS ramènent l’intensité en phase avec la tension afin que la puissance active en bout de ligne soit globalement égale à celle introduite en entrée de ligne.
Ce sont effectivement des compensateurs statiques jouant le rôle d’inductances ou de capacités suivant les cas.
Le problème est qu’ils sont chers et pas très faciles à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle, les opérateurs qui ont des groupes turboalternateurs inutilisés les valorisent en compensateurs synchrones comme on le voit actuellement sur le site de la centrale nucléaire de Biblis
Conclusion.
Tous les vendeurs de rêve sont donc pris la main dans le sac. Le mix idéal n’est pas un mix avec 40% d’ENR intermittentes… mais plutôt avec 10% d’intermittence électrique hors des sites naturels atypiques (Danemark/Norvège). L’électricité pilotable décarbonée nucléaire doit donc, pour nous permettre de respecter le climat, atteindre le plus vite possible plus de 50% de l’énergie finale, et pas le pourtant excellent niveau de 20% que la France a réussi à obtenir.
Donc 75% d’électricité nucléaire sur 600 TWh (450 TWh) doit évoluer ainsi :
Passer la chaleur renouvelable de quelques % à 20% de l’énergie finale ?
Pour intégrer la mobilité et l’industrie électrique : Maintenir les 75% d’électricité électronucléaire (750 TWh sur 1000 TWh grâce aux 90 GW (au lieu des 63 GW) que recommande le scénario Négatep de SLC).
On réduit ainsi les 70% d’énergies fossiles à 20%. Donc l’Europe est notre salut mais pas celui de l’énergie décarbonée vu les « attentes sociales » irrationnelles et la démocratie d’opinion.
Pour en savoir plus sur ces mix :
https://share.orange.fr/#ojfHV03HVC19b55eb014
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In english :
Without a rotating machine, does the 50% RE network have enough short circuit power to ensure that the motors start ? answer is no.
Beyond a certain percentage of intermittent ENR (more than 40% maximum maximum), without a controllable fossil base, only the electro-nuclear can help the hydro-electricity to restart the electric network in case black-out. But with 40% profitability spoiled, nobody will build nuclear. Ditto to build 40% of fossil backup to use in winter.
And yes, the engines would not restart, including those of some turbines and pumping station . So we would suffer a long-lasting catastrophe.
Another question: Is there an electronic way to simulate the frequency signal of rotating machines?
* Of course we know how to simulate the frequency of the network, but this is not enough to ensure equilibrium, the frequency being only the symptom (very useful in this case) not the physical cause of the power imbalance, coming from a big difference between production and consumption,
* With networks powered by turbo-alternators, the instantaneous balance (which is played in the first 10 to 15 seconds on the European network, two to three times faster on small isolated islands networks) is ensured by two factors:
– The primary regulations of the turbo-alternators, which are fast and regulated to cancel the differences in both directions,
– The inertia of rotating masses of rotors, which introduces time constants into the system. This leaves time for primary regulators to play their role. But there is more: all these rotating masses behave like natural flywheels, which store kinetic energy. In the event of a slowdown (frequency drop), this kinetic energy is automatically and instantaneously transferred to the grid via the magnetic coupling of the alternator rotors. This constitutes a transitional supplementary supply of production having a stabilizing effect of the frequency.
The problem is that the EnRi coupled to the network via inverters no longer bring this inertia (except wind turbines equipped with special extraction devices « synthetic inertia », less effective however that the inertia of turbo-alternators). The EnRi therefore reduce the natural stability of the networks, which is why the EDF R & D study (the only one of its kind to date) concludes that the European network will not be able to exceed about 40% of EnRi on average (with instantaneous peaks between 20% and 70% depending on network load). Or, it should be destocking energy via turbo-alternators, either hydraulic (STEP) or combined cycle (with power to gas to power). But as the STEP are not at all on the scale of needs and power to gas to power completely overpriced, the only solution is to maintain very important back-up means …
There is, however, another way to stabilize the networks: to have means devoid of own inertia but able to inject and absorb energy extremely rapidly, with time constants much lower than the time constants of the electrical network. This is the case of electrochemical batteries. It works very well and has been validated by experience. The utility is direct at the scale of small or medium networks, especially the isolated networks of the islands. But this can only be a back-up solution for large European networks, at least as long as battery prices remain high, given the huge additional investment that this represents.
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Extract from Jean Fluchère’s lecture at the Académie François Bourdon on the operation of the electricity network.
On the third slide, there is a real recording of the frequency at the loss of 2800 MW, the inertia of the rotating machines, as explained above, prevents the frequency from falling below 49.88 Hz. primary of the thermal and hydraulic machines acts to fill the power lost in a completely automatic way. But as this has trimmed the margins of the system, it must be restored via the secondary adjustment which is manual either via requests from dispatchers to plant operators, or directly by the dispatchers on the remote control plants (average power reference detarée relative at nominal power with one band more or less than this reference power). Finally, if necessary, especially in a tense situation, the dispatchers will activate the tertiary reserve which consists in starting up additional means of production.
It should be remembered that in all these cases, we increase or reduce the motor fluid through the turbine via the position of the inlet valves.
If they are wind turbines, it is difficult to act on the engine fluid, the wind. Enercon proposes its model of 8 MW with a regulation system via the pitch of the blades. In other words, the machine does not bounce the wind and if the controller, after the static interface, detects a difference between the reference frequency and the actual frequency, the controller will change the pitch of the blades to stir more wind. It is a soft primary setting. In addition, behind a static interface, there is no inertia and on the real example given in the 3rd slide, if there were only wind turbines of this type, the descent of the frequency would be much deeper.
Added on 15/04/2017:
And what about compensators?
Synchronous compensators are synchronous machines placed on the networks and which will either produce reactive power by overexcitation of the inductor to raise the voltage level, or absorb reactive power by excitation of the inductor to lower the voltage. voltage level. These are extremely versatile machines and have the great advantage of reusing existing and underused alternators.
Synchronous compensators have been used extensively, and are still used in Biblis for example, generally to raise the voltage level or to lower it. The turbogenerator units of the Martigues power plant have been used a lot to raise the voltage level on this network node in order to have a correct end-of-line voltage in Nice.
Facts or static compensators are used today to compensate the capacitive reactive power introduced by the dielectrics of the buried high-voltage cables. The FACTS is made to reduce the intensity in phase with the voltage so that the active power at the end of the line is equal to that introduced at the line input.
They are indeed static compensators acting as inductances or capacities depending on the case.
The problem is that they are expensive and not very easy to implement. This is the reason why the operators who have unused turboalternator groups value them in synchronous compensators as we see now on the site of the Biblis nuclear power station.
Conclusion.
All dream sellers are therefore caught in the bag. The ideal mix is not a mix with 40% intermittent ENR … but rather with 10% electrical intermittence out of atypical natural sites (Denmark / Norway). For this reason, the decarbonated nuclear controlled electricity must, in order to allow us to respect the climate, reach more than 50% of the final energy as quickly as possible, and not the excellent level of 20% that France has managed to obtain.
So 75% of nuclear electricity on 600 TWh (450 TWh) must evolve as follows:
Pass the renewable heat from a few% to 20% of the final energy?
To integrate mobility and the electrical industry: Maintain the 75% of nuclear electricity (750 TWh on 1000 TWh thanks to the 90 GW (instead of 63 GW) recommended by the Négatep scenario of http://www.sauvonsleclimat.org).
This reduces the 70% of fossil fuels to 20%. So Europe is our salvation but not that of carbon-free energy given the irrational « social expectations » and the democracy of opinion.
To learn more about these mixes:
https://share.orange.fr/#ojfHV03HVC19b55eb014