L’ASN est-elle devenue trop procédurière ? au dépend de l’efficacité et donc de la sureté ?

Témoignage d’un ex-directeur de centrale EDF :

« Nous sommes passés d’une sûreté de stimulation à une sûreté purement administrative qui me paraît plus lourde et moins efficace que la sûreté de stimulation.

Je m’explique, A-C Lacoste avait un passé d’industriel puisqu’il avait été pendant 20 ans ingénieur dans les houillères du Nord-Pas de Calais.

Après chaque évènement, il demandait à EDF les mesures prises pour en éliminer le renouvèlement. Eventuellement il demandait que nous étudions des dispositions supplémentaires. Mais nous restions dans une démarche continue de progression de la sûreté que tout le monde non seulement acceptait mais jugeait pertinente. Il y avait donc une adhésion de l’exploitant aux exigences de l’ASN. Je pourrais raconter l’histoire des traversées de couvercle puisque le précurseur s’est produit sur Bugey 3.

Avec PFC, nous sommes passés dans de la sûreté purement administrative avec un Président de l’ASN qui donne comme certains anciens instituteurs des coups de règles sur les doigts de l’exploitant et des constructeurs, coups de règles avec force médiatisation très souvent humiliante.

Cela n’a jamais été ma vision de la sûreté bien au contraire. Je valorisais toutes les équipes qui avaient fait une erreur humaine en leur demandant d’en étudier l’arbre des causes et de me proposer les dispositions pour que cela ne se reproduise pas. Et Monsieur Lacoste appréciait cette façon de procéder.

Je prends un exemple. Nous avons un code métallurgique, le RCCM plus exigeant que l’ASME des US appliqué partout dans le monde à l’exception de la Russie.

Sans aucun fait initiateur, L’ASN et l’IRSN ont pondu un code dit ESPN absolument délirant. A tel point que même le Haut commissaire Yves Bréchet dit publiquement son désaccord lorsqu’il rappelle devant l’OPECST qu’il ne suffit pas de faire une norme supérieure à la précédente, dont on est sûr qu’elle sera plus difficile et plus onéreuse à appliquer, en se moquant de savoir si les exploitants et les constructeurs considèrent qu’elle représente un plus pour la sûreté.

Mes collègues, Directeurs de CNPE, d’abord peinent à remplir les dossiers et ne comprennent pas toujours très exactement ce que l’on leur demande.

Le rapport sur la réparation de Bugey 5 qui aurait tenu sur 50 pages au maximum a dépassé les 500 pages plus toutes les demandes complémentaires.

La sûreté administrative que nous connaissons aujourd’hui me paraît moins efficace que la précédente. Elle n’aurait pas évité TMI et Blayais. Et je ne sais pas ce qu’elle aurait donné à Fukushima. La seule chose que je peux dire est que si EDF avait eu une centrale comme Fukushima, elle aurait été arrêtée après le tsunami de Banda Aceh en 2004. Et une étude des travaux à faire, s’ils étaient possibles, pour la protéger d’un tel tsunami auraient été engagés et réalisés s’ils étaient de nature à éviter l’inondation du site.

EDF a fait une revue séisme après le séisme de Kobé (cote Ouest du Japon) en 1995 et a été conduit à faire un certain nombre de modifications et de renforcements.

En 2007, lors du vote sur la loi de transparence et de sûreté nucléaire, l’ASN est devenue indépendante du pouvoir politique. En effet les anti-nucléaires contestaient ce lien qui constituaient selon eux une possibilité pour le pouvoir politique d’influencer les décisions dans le sens d’EDF, du CEA, d’AREVA, etc.

Dans la réalité, après 6 ans de Directeur Adjoint et 7 ans de Directeur, j’affirme que je n’ai jamais vu le pouvoir influencer le directeur de l’ASN dans un sens quelconque.

Il nous a échappé que l’ASN devenue indépendante, devenait de facto une autorité absolutiste. Les constructeurs et les exploitants n’ont plus aucun recours après une décision prise par le collège de l’ASN.

Nous avons vu cet hiver qu’en raison de l’instruction du dossier sur les boîtes à eau des générateurs de vapeur, plusieurs unités étaient à l’arrêt et ceci nous a fait frôler les délestages, voire le black-out puisque la marge du jour le plus froid n’a été que de 1 000 MW.

Or sur un black-out, au mieux 50 % des tranches nucléaires en fonctionnement réussissent leur ilotage. Tandis que l’autre moitié va passer plusieurs heures avec comme seule source électrique, les groupes électrogènes de secours, c’est à dire dans une situation de sûreté assez précaire.

Il n’y avait aucune urgence à contrôler la teneur en carbone des boîtes à eau des générateurs de vapeur. Le rôle de l’ASN était alors de demander le redémarrage de certaines tranches arrêtées pour réduire le risque de black-out et de différer d’un mois ou deux les contrôles. Je pense qu’André-Claude Lacoste aurait pris cette décision car le Président de l’ASN est un haut responsable français dont la mission est précisément de maintenir le parc à l’optimum de sûreté ce qui n’a pas été le cas.

Quand certains médias ont interrogé PFC sur ce sujet, il a répondu que l’équilibre production-consommation n’était pas de sa responsabilité mais de celle de RTE. Je trouve cette réponse particulièrement affligeante. On ne peut pas être le garant de la sûreté du parc et ne pas se soucier des conséquences d’un black-out.

Alors maintenant que cette autorité absolue existe, il est impossible de revenir sur cette loi. Mais on voit que la seule façon de travailler intelligemment est une concertation permanente entre l’ASN et les exploitants. Or ceci n’est possible que si les problèmes ne sont pas mis sur la place publique en les dramatisant sinon la moindre décision de l’ASN en faveur d’une exploitation la plus sûre possible du parc va être utilisée par tous les anti-nucléaires pour discréditer l’ASN et l’on a rien à y gagner.

Tout cela mériterait une réflexion approfondie avant la fin du mandat de PFC qui doit arriver en 2018 car le choix de son successeur sera déterminant.

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Consultation ASN sur l’EPR : la démocratie défouloir

La démocratie représentative suppose le vote. Puis une gouvernance guidée par l’expertise, jugée préférable à celle dictée par la rue.

La dérive actuelle vers la démocratie d’opinion, encouragée par le système médiatique et la publicité dont elle dépend, ainsi que par des politiciens carriéristes, conduit à affirmer que le nucléaire a manqué de concertation dans l’orientation avangardiste prise en 1974, et que l’arbitrage consensuel des experts qualifiés doit être désormais assorti d’une « consultation » des citoyens. L’important semble donc être que chacun puisse verbaliser ses angoisses, avoir l’impression d’être écouté.

Pour relativiser ces témoignages angoissés de citoyens peu au fait des enjeux et réelles solutions techniques et climatiques, voici 6 positions personnelles trouvées sur le site :

https://www.asn.fr/Reglementer/Consultations-du-public/Consultations-du-public-en-cours/EPR-projet-d-avis-de-l-ASN-relatif-a-l-anomalie-de-la-composition-de-l-acier-du-fond-et-du-couvercle-de-la-cuve

N’hésitez pas à créer un compte et déposer une contribution:
https://www.asn.fr/inscription

1) le 27/07/2017 Pacha13
Projet d’avis de l’ASN relatif à l’anomalie de la composition de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de la centrale nucléaire de Flamanville (INB n° 167)
Concernant la cuve de l’EPR, je note les points suivants : 1) le principe de précaution ne s’applique pas : on n’est pas dans une situation où on ne connait pas le risque, au contraire il a été très étudié et les résultats sont favorables 2) les exigences françaises sont les plus contraignantes au monde ; elles ont été encore durcies pour l’EPR 3) sur les résultats des essais : pas d’anomalie par rapport aux critères antérieurs (aux endroits où le flux neutronique est important, il n’y a pas de ségrégation ; aux endroits où il y a ségrégation, il n’y a pas de flux) ; les écarts dans des zones peu irradiées de la cuve ne présentent pas de risque, comme l’ont montré les nombreux tests effectués 4) sur le suivi : examens périodiques de la cuve grâce à un robot développé exprès depuis les premiers réacteurs ; éprouvettes permettant de réaliser un suivi périodique ; les autorisations sont données pour des périodes de 10 ans 5) Sur la procédure : ouverte en impliquant de nombreux experts français et étrangers, et transparente
à noter que pour le couvercle, pour lequel ces examens et ce suivi ne seront a priori pas possibles, l’ASN en a demandé le changement dès qu’un nouveau couvercle aura été fabriqué, avant même l’arrêt décennal En résumé, la procédure suivie est de très haute qualité, tout à l’honneur de la sureté nucléaire française qui est la plus exigeante au monde. Le principe de précaution ne s’applique pas à ces phénomènes étudiés et connus depuis des décennies. Les résultats sont acceptés et le suivi sera effectué durant toute la vie du réacteur, comme c’est le cas pour tous les réacteurs français. En conséquence, les doutes quant aux risques ayant été levés, le démarrage du réacteur EPR peut être autorisé selon la procédure en vigueur.

2) FMB

Faire confiance aux experts

Dans mon domaine professionnel (climat), j’estime avoir une compétence qui n’est pas partagée par le grand public. Je suis payé par l’état pour apporter une expertise indépendante et je trouve assez malvenu lorsque cette expertise est remise en cause par un public dont les connaissances du domaine sont très parcellaires.
J’essaye d’être cohérent avec cette attitude en faisant confiance aux experts des domaines que je ne maîtrise pas. Les experts de l’ASN et de l’IRSN ont donné un avis. J’estime que ces experts sont compétents. Leur avis devient donc le mien.
Je trouve extrêmement surprenant que on demande son avis au grand public sur un sujet aussi complexe. Il me parait clair que c’est là une mesure démagogique et que, au final, on ne tiendra aucun compte des avis donnés dans cette consultation (et je m’en réjouis au vu de la tonalité générale)

Francois-Marie Breon

3) DFe

Je suis pour la mise en marche de l’EPR de Flamanville et la fin du psychodrame qui se joue autour de lui depuis beaucoup trop longtemps Depuis la première mise en œuvre d’un REP, en 1957, premier d’une famille de 250, aucune fracture de cuve n’a été observée. Aucun évènement précurseur d’une telle fracture n’a été observée non plus. L’EPR étant considéré comme un progrès en matière de sûreté, obtenu à grands frais, par rapport aux 250 PWR précédents il est difficile de comprendre ce qui le rendrait plus fragile que ses prédécesseurs. La situation est d’autant plus incompréhensible que l’ASN a exigé qu’une fusion de cœur (qui, elle, est possible, même avec une très faible probabilité) ne provoque aucune irradiation notable des populations, avec des dispositions uniques comme le récupérateur de corium, une triple enceinte, des re-combineurs d’Hydrogène, des dispositifs de rejets filtrant les gaz radioactifs. La question posée sur la cuve, particulièrement le fond de cuve et le couvercle est extrêmement technique. Que signifie, dans ce contexte, cette consultation publique ? Le public doit-il être appelé à voter pour déterminer si on doit appliquer les lois de Carnot et de Newton, sans parler des théories d’Einstein. A quelle démagogie l’ASN s’arrêtera-t-elle ? A-t-elle, en compensation, l’intention de consulter les Académies des Sciences, des Technologies et de Médecine et de publier leurs avis ? Le résultat de cette consultation était attendu : un déluge de commentaires obtenus par copier-coller et envoyés par les militants anti-nucléaires, ne contenant que la répétition ad nauseam de leur mantra : Stop EPR, sortons du nucléaire. Aucune argumentation, de la pure propagande reprenant l’enseignement de Goebbels : mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Malgré ma réserve sur ce genre de consultation, espérant que certains lecteurs des commentaires auront encore le souci d’un vrai débat, je souhaite y apporter ma pierre. Si l’EPR n’est pas réalisé et s’il n’entre pas rapidement en fonction, ce serait un échec majeur d’Areva et d’EDF, qui signerait la fin probable de l’industrie de construction de réacteurs nucléaires française. Ce ne serait pas du tout le début d’une sortie du nucléaire, mais un échec industriel français de plus. Les concurrents de la France dans ce domaine, Russes, Chinois, Sud-Coréens, Indiens, Américains ne s’en plaindront pas. Les anti-nucléaires français iront danser sur la tombe d’AREVA et d’EDF-nucléaire. Car leur vrai ennemi n’est pas le nucléaire mais AREVA et EDF ainsi que les Ingénieurs, techniciens et ouvriers qui ont doté la France du meilleur système nucléaire du monde, un système qui a permis aux Français, même anti-nucléaires, de bénéficier d’un électricité fiable, non émettrice de gaz à effet de serre (le cadet des soucis de la meute aboyant aux trousses de l’EPR), bon marché (le consommateur français paye son kWh deux fois moins que l’allemand). Un système qui n’a causé aucun décès dans le public. Rappelons ici que l’Université de Francfort (dans une étude faite à la demande de Greenpeace) estime à 20000 par an (dont 1000 en France) le nombre de décès causés en Europe par les centrales à charbon allemandes sans que cela semble émouvoir les anti-nucléaires français. On peut comparer cette hécatombe au nombre de décès estimés par l’OMS causés par le catastrophe de Tchernobyl, soit environ 5000 pendant les 60 ans après l’explosion. Sur la même période les centrales à charbon allemandes en auront causé 1 million deux cent mille…. D’une façon générale le nombre de décès dus à la production d’électricité a été évalué dans le cadre du programme ExternE de l’Union Européenne. Les résultats ont été publiés par la revue américaine Forbes et sont éclairants : Pour la production de 1000 TWh (deux fois la consommation française) le nombre de décès est de 170000 pour le charbon, 24000 pour la biomasse, 4000 pour le gaz, 1400 pour l’hydroélectricité, 440 pour le solaire PV, 150 pour l’éolien et 90 pour le nucléaire. Il est temps d’arrêter de crier au loup et d’abuser de la crédulité de nos concitoyens. Il semble que chaque mesure supplémentaire prise en faveur de la sûreté nucléaire, au lieu de rassurer les gens, les inquiètent davantage. Les autorités de sûreté sont clairement déficitaires dans ce domaine. Il leur faut absolument relativiser le risque radioactif qui est à l’origine d’une véritable peur hystérique dans de nombreux pays occidentaux dont la France, l’Allemagne et aussi, désormais le Japon. Comment expliquer autrement les réactions de la chancelière allemande qui, à la suite de la catastrophe de Fukushima, ferme brutalement, 7 réacteurs qui n’étaient nullement menacés par un tsunami . Le premier ministre Japonais Naoto Kan était complètement débordé et décidait l’arrêt de tous les réacteurs japonais, même ceux ne risquant rien. Nombreux sont les médias dans le monde qui attribuent les 20000 victimes du tsunami à la catastrophe nucléaire, alors que sur le site de la centrale on n’eut à déplorer que 3 victimes, et aucune, à l’extérieur de la centrale, en relation à l’irradiation. Les normes d’évacuation ne sont pas expliquées aux populations qui, bien souvent, pensent que dépasser ces normes entraîne un risque de décès très élevé. Ainsi la norme d’évacuation de 20 milli-Sievert par an appliquée autour de Fukushima n’est pas expliquée clairement en terme de risques pour la population. Or le risque couru par des individus soumis à une telle exposition est équivalent à celui couru par une personne fumant 3 cigarettes par jour. Alors arrêtons le délire et mettons tranquillement en opération l’EPR de Flamanville après que les tests prévus aient été effectués.

4)

Couvercle et fonds de cuve de L’EPR. Jean Fluchère, ancien Directeur adjoint puis Directeur du CNPE du Bugey

En 2015, comme on pourra le voir dans les extraits de la réunion de l’OPECST en PJ, deux sujets ont été abordés.
Le premier concernait l’évolution de la réglementation et le second les problèmes posés par les ségrégations de carbone sur le fonds et le couvercle de cuve de l’EPR.
Ces problèmes ont été particulièrement bien exposés pour qui veut se donner la peine de lire le rapport.
Au cours de cette audition, AREVA s’est engagé à réaliser un programme d’essais sur deux couvercles sacrificiels fabriqués dans les mêmes conditions que celui de Flamanville 3. Ce programme était soumis par l’ASN à l’IRSN qui devait en vérifier la complétude avant de lancer les essais proposés par AREVA.
Ces essais ont été faits, y compris les études de chargement pendant les cyclages thermiques les plus importants.
Les résultats obtenus par AREVA ont été rendus à l’ASN et analysés par l’IRSN. A la suite de quoi, ils ont été présentés à un large panel de spécialistes en métallurgie et au groupe permanents des Equipements sous pression nucléaire.
Les avis rendus par les spécialistes ont permis à l’ASN de considérer que le fonds de cuve était accepté et que le couvercle pouvait être utilisé pendant 5 ans avant un remplacement sauf si EDF trouvait un dispositif permettant de contrôler son évolution en service.
Jamais une industrie, y compris aéronautique, n’avait conduit des analyses, des essais sacrificiels et des études si poussées.
Mon avis est donc favorable à la prise de position de l’ASN en qui j’ai toute confiance.

5) JP Riou

Principe de précaution

Le principe de précaution, appliqué à lui même, s’interdirait tout seul tant il est dangereux. 
La gestion des risques est un métier, des milliers de vies humaines dépendent de la pertinence de ses choix.
Et l’argent public n’étant pas renouvelable, un excès de précautions dans un domaine interdit de sauver des vies dans un autre.
Une rupture d’approvisionnement électrique telle que celle qui a été frôlée le 25 janvier dernier aurait notamment des conséquences incalculable, jusque sur la sécurité même de plusieurs réacteurs nucléaires. La gestion et les contrôles du parc nucléaire impliquent d’envisager le risque dans sa totalité, les experts sont là pour permettre aux décideurs un choix éclairé.
Demander l’avis d’une population manipulée par des marchands d’angoisse sur une question aussi technique que celle de cette consultation est un non sens.

Les avis d’experts permettent d’éclairer les décideurs.

6)

Réponse au Projet d’avis de l’ASN relatif à l’anomalie de la composition de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de la centrale nucléaire de Flamanville (INB n° 167)

Je suis frappé par le nombre de citoyens de bonne foi qui ont du mal à comprendre qu’un composant comportant une anomalie règlementaire puisse néanmoins assurer sa fonction en toute sûreté et donc être déclaré « bon pour le service ». Il me semble donc très important, pour l’acceptation du nucléaire par le public, d’en expliquer les raisons qui résultent de la « conception française » de la règlementation nucléaire qui, sauf erreur, a perduré depuis l’origine de cette industrie quel que soit le statut administratif des entités responsables du contrôle de la sûreté nucléaire dans notre pays, jusqu’à l’ASN actuelle. D’autant plus que c’est une excellente approche, garante de la sûreté réelle et pas seulement « administrative », porteuse en outre de progrès des connaissances, donc de futurs progrès de sûreté.
Il faut donc d’abord rappeler, me semble-t-il, qu’une règlementation technique en général et nucléaire en particulier est avant tout issue des connaissances scientifiques et techniques et de leurs progrès, des règles de l’art industrielles des domaines concernés, etc. et stipule des objectifs multiples et complémentaires qui permettent de garantir globalement des marges de sécurité importantes dans la conception, la construction et l’exploitation des composants.
Le problème qui est posé ici concerne l’anomalie (ou non-conformité) d’un paramètre majeur, la teneur en carbone, dans quelques zones de deux pièces qui pèsent chacune quelques centaines de tonnes. Comment traiter cette anomalie ?
Une conception étroitement juridique aurait consisté à rebuter purement et simplement ces pièces. La conception française rappelée ci-dessus consiste au contraire à remonter aux sources de la règlementation, c’est-à-dire à faire de la science et de la technique pour examiner quelles sont les conséquences physiques réelles de l’anomalie sur les marges de sécurité et donc sur la sûreté d’usage de la pièce concernée.
C’est ce qui a été fait, avec un programme rigoureux d’essais et d’analyses d’une très grande ampleur, qui a duré 2 ans et porté sur plus de 1 800 échantillons prélevés sur des pièces fabriquées dans des conditions strictement identiques. Tous ces échantillons ont été analysés de manière extrêmement approfondie et leurs caractéristiques réelles ont été introduites dans les codes de calcul de mécanique de la rupture. Verdict : les marges de sécurité sont diminuées mais restent suffisantes.

L’ASN, sur la base des avis de ses supports techniques, l’IRSN et le Groupe permanent d’experts du domaine, deux entités complémentaires disposant de toutes les compétences et expertises requises, a donc proposé l’acceptabilité des pièces concernées, sous réserve cependant que la diminution des marges soit compensée par des contrôles supplémentaires lors de l’exploitation, en sus des contrôles déjà normalement prévus sur les tous les réacteurs nucléaires. Ceci ne soulève pas de difficultés particulières pour le fond de cuve, très facilement contrôlable car dépourvu de toute traversée. Par contre, le couvercle de cuve qui comporte un nombre élevé de traversées, est plus difficile à contrôler. La faisabilité de son contrôle n’étant pas acquise à ce jour, l’ASN a donc demandé à EDF d’approvisionner un nouveau couvercle qui devra être installé en 2024 au plus tard. C’est le délai nécessaire à la construction d’un nouveau couvercle, sachant par ailleurs que la durée d’utilisation du couvercle actuel est suffisamment courte pour garantir l’absence de risque de vieillissement de son acier (qui est conçu pour durer au moins 60 ans).

En conclusion, de mon point de vue de citoyen conscient qu’aucun compromis avec la sûreté ne serait acceptable, j’ai la certitude que la proposition de l’ASN, qui s’appuie sur un programme d’essais et d’analyses rationnel, extrêmement approfondi et rigoureux, validé par l’expertise de ses supports techniques, offre toutes les garanties scientifiques et garantit totalement la sûreté d’usage des pièces concernées moyennant les contrôles complémentaires prévus en exploitation.

On peut ajouter qu’aucun acier d’un composant nucléaire majeur au monde n’a subi à ce jour autant d’analyses et est donc mieux connu… Ce qui signifie au passage que la science métallurgique a progressé. Ce n’était évidemment pas le but initial, mais c’est une retombée de l’approche française de la sûreté rappelée plus haut.
Voilà, me semble-t-il, des éléments factuels parmi d’autres qu’il serait utile d’exposer aux citoyens de bonne foi qui se posent légitimement des questions. Alors qu’ils sont par ailleurs soumis, notamment dans le cadre du présent projet d’avis, à un déluge d’opinions de nature souvent idéologique, incluant des accusations de collusion entre l’ASN et l’industrie nucléaire. Chacun doit avoir tous les éléments d’information pour juger.

Fin

Batteries TESLA en Australie : stockage ou anti-blackout ?

http://trustmyscience.com/tesla-va-mettre-au-point-le-plus-grand-systeme-de-stockage-lithium-ion-au-monde/
788 x16 batteries Powerwall à 5000 USD, soit environ 63 MUSD, rien qu’en batteries+l’infrastructure et le refroidissement.

Près de 100 MUSD !

Le prix est évidemment intéressant, mais il est difficile d’en déduire dans ce cas une rentabilité du stockage, ou ce qui revient au même un coût du MWh déstocké. En effet, le rôle de cette batterie (126 MWh de stockage pour 100 MW de puissance) n’est pas principalement le stockage d’énergie (la durée théorique de déstockage étant de 1,26 heure, soit en pratique environ 1 heure au maximum sachant qu’une batterie n’est pas utilisée jusqu’à sa décharge complète pour préserver sa longévité, ce qui limite ses possibilités de lissage de la demande ou des variations des EnRis).

L’objet essentiel de cette batterie est de stabiliser la fréquence du réseau en écrêtant les fluctuations très rapides des EnRis, une batterie étant capable d’absorber ou restituer de l’énergie au réseau dans des temps extrêmement courts. Son rôle est donc de réaliser un réglage primaire fréquence-puissance ultra rapide qui permet de corriger les écarts avant qu’ils n’aient des conséquences sur le reste du réseau (pour les amateurs de théorie des régulations, les constantes de temps d’action des batteries sont très inférieures aux constantes de temps de réaction des réseaux). Ce système fonctionne bien, il a été longuement testé par EDF R&D sur une boucle d’essai d’une dizaine de MW et est utilisé avec succès semble-t-il dans plusieurs (petits) réseaux isolés des îles, à des puissances du même ordre.

Fonctionnellement, les batteries subissent donc des charges/décharges à un rythme élevé et aléatoire, fonction des fluctuations cumulées des consommations + EnRis. Economiquement, ce ne sont donc pas les valeurs stockées qui présentent l’intérêt essentiel, mais le service de stabilisation rendu au réseau, qui peut se chiffrer par des sommes extrêmement importantes s’il permet d’éviter des blackouts comme en a connu le réseau Sud-australien entre l’automne 2016 et l’hiver 2017 (périodes de printemps et d’été pour l’Australie). Pour fixer les idées, le coût pour la collectivité d’un blackout en France est estimé par RTE à 25 000 Euros/MWh non distribué !!! Je ne sais ce qu’il en est pour le réseau Sud-australien, d’une échelle très différente (3 GW de puissance installée environ, importations comprises) mais ce coût étant proportionnel au niveau de vie du pays (il correspond essentiellement à la perte de PIB du fait du manque généralisé d’électricité), il devrait logiquement être d’un ordre de grandeur comparable par MWh non distribué.

Reste maintenant à vérifier que les 100 MW de batteries seront suffisants pour stabiliser un réseau dont la puissance maximale peut atteindre 3 GW en ordre de grandeur. Réponse par les faits dans quelques mois, mais on peut penser que les gestionnaires de ce réseau ont fait de bonnes simulations… C’est à souhaiter pour eux et pour… Elon Musk !


Une des contraintes des batteries concerne le courant de décharge admissible, tout comme le courant de charge.

Donc la quantité d’énergie stockée est une donnée intéressante et, dans ce cas, 126 MWh est une valeur élevée. Cependant pour voir la capacité à maintenir la fréquence du réseau lors des variations brutales, il serait bon de connaître l’intensité maximale de décharge.

Pour se faire une idée, on peut comparer la capacité de cette batterie (126 MWh) et la puissance qu’on s’autorise à en tirer (100 MW) à celles de la batterie (du même type – Li-ion) qui est montée sur une Tesla Model X P100D, soit 100 kWh resp. 568 kW.

Sur la voiture, on s’autorise de pomper une puissance proportionnellement beaucoup plus importante, parce que cette puissance n’est absorbée que pendant les accélérations, forcément de courte durée, durée beaucoup plus courte que les périodes pendant lesquelles cette batterie de 126 MWh sera sollicitée à la hauteur de 100 MW.

Revoyons la programmation éolienne et photovoltaïque en Europe vu l’impasse CO2.

1) Assertion initiale :
Toute augmentation d’intermittence dans le système électrique français actuel conduit à une hausse des émissions de CO2 pour la production électrique à production constante – alors que la réalité est autrement convaincante : l’extension de la production intermittente aux niveaux indiqués amènera la part de la CSPE spécifique de 5 à un niveau de l’ordre de 25 milliards/an; les allemands en sont à 29 aujourd’hui…! Et cette part est loin de représenter les coûts « secondaires » entrainés par l’intermittence: réseaux, compteurs, marché de capacité, durée de vie et stockages encore un peu éloignés pour ces derniers. Pire : les excédents de capacité créés par les intermittents conduisent à un prix de marché de gros extrêmement bas, ce qui conduit à une augmentation systématique des subventions attribuées, tout en rendant tout investissement plus que non rentable dans ce domaine; et l’Europe n’est pas prête à y mettre de l’ordre.

2) Réaction

Il est inexact de dire que l’introduction de productions intermittentes augmente les émissions de CO2 dans le cas de la France. En effet cette production (prioritaire) se substitue à une production nucléaire (gain en CO2 nul…) ou à une production thermique (gain faible, mais gain quand même…)


3) Contre réaction

Désolé de ne pas être d’accord: l’augmentation des émissions de CO2 vient et viendra de l’emploi plus important des centrales fossiles pour pallier les défaillances brutales liées aux électricités intermittentes; exemple: cet hiver, on a failli manquer de gaz pour alimenter ces centrales; c’est peut-être un mauvais exemple, puisque de nombreuses centrales nucléaires étaient à l’arrêt, mais la thèse vient d’une étude statistique sur 30 ans, sur les variations du vent et du soleil en Europe; on verra bien si on passe de moins de 5Og/ CO2/KWH au double avec l’augmentation programmée des électricités intermittentes. A 100g, ce sera moins de la moitié de l’Allemagne qui devrait diviser par deux ses émissions pour la production électrique, mais en partant de 550g…! Ce n’est donc pas une catastrophe absolue, mais un argument de plus, hautement symbolique: on fait comme les allemands: soit disant « le nucléaire est plus dangereux que le CO2″…

4) Réponse

Permettez moi de vous indiquer une piste qui vous permettrait d’aller plus loin et de vous retrouver avec des opinions proches.

La question est de déterminer si l’apport des énergies renouvelables conduit à des émissions de gaz à effet de serre moins importants, donc à un mix énergétique plus “propre”. J’emploie l’adjectif à dessein, car c’est exactement le but du projet européen “Energie propre pour tous les Européens” censé amener nos émissions à – 40% en 2030 par rapport à 1990. Or les énergies renouvelables ne sont pas des perdreaux de l’année. L’Europe a commencé leur promotion il y a quinze ans et , fin 2017, nous approcherons les mille milliards d’euros d’investissements. Donc l’étude du passé, disons à partir de 2004-2005 doit procurer quelque lueur sur la question qui nous agite.

Eurostat a étudié la façon de mesurer la “propreté” du mix énergétique et a introduit  “l’intensité des émissions de gaz à effet de serre rapporté à la consommation d’énergie”. Cette grandeur est aussi l’émission de gaz à effet de serre par unité d’énergie consommée pour un mix donné. Eurostat fournit cette mesure par année (de 1990 à 2015) , par pays européen et pour le territoire actuel de l’UE. C’est le tableau tsdc220, que tout le monde peut utiliser gratuitement et, qu’à ma connaissance très peu de gens regardent. En effet, pour pratiquement tout le monde le résultat des EnR est évidemment de rendre plus “propre”, pourquoi donc vérifier !

Il se trouve que la composition des mix énergétique est mal décrite dans les tableaux d’Eurostat. Par contre, on les trouve par année (de 1990 à 2014) pour tous les pays actuellement membres de l’UE, ainsi que pour le territoire actuel de l’UE dans des tableaux de l’Agence Internationale de l’Energie” portail “statistics’ sous-portail “statistics search”, sous-sous portail “Energy balances flows”. Et là , c’est un pur bonheur, ils vous donnent même séparément l’hydraulique, les bioénergies et le fameux couple “soleil+éolien”. Ils utilisent le “Total Primary Energy Supply”. Rassurez-vous, c’est bon.

Quand on compare les évolutions de la part des EnR dans les mix et les émissions par unité d’énergie, on constate , comme d’habitude dans tout domaine scientifique, que la réalité est plus imaginative que le cerveau des hommes et que des surprises apparaissent . Nous avons amorcé cette comparaison dans notre lettre n°70 de décembre 2016 que vous pouvez lire sur www.geopolitique-electricite.fr . En gros, nous avons trouvé ceci:

1) L’apport des EnR conduit toujours à des réactions des différents acteurs de l’énergie (les compagnies productrices , les pouvoirs publics…). Donc si vous introduisez 20% d’EnR en plus, les 80% restant vont bouger aussi, mais leur mouvement peut être différent d’une année à l’autre, et d’un pays à l’autre.

2) D’une manière générale en Europe, les émissions de gaz à effet de serre par unité d’énergie baissent depuis 1990, et cela n’est absolument pas limité aux pays ex-communistes. Généralement aussi, ce rythme de baisse a ralenti avec la promotion des EnR. Il s’est même annulé en Allemagne. Ces contre-performances des EnR n’étant pas politiquement correctes, cette constatation se limite à des milieux restreints car elle reviendrait à remettre en cause la politique européenne et celles des Etats comme l’Allemagne et la France, ce qui n’est pas envisageable.

La Commission européenne s’est contentée d’écrire que les émissions de gaz allaient continuer à baisser, mais moins vite (communiqué du 20/10/2015). A ma connaissance, personne n’ayant éprouvé le besoin de demander pourquoi, la Commission ne s’est pas sentie obligée de l’expliquer. Je donne ci-dessous seulement une  explication (entre autres) pour ne pas être trop long:

– les compagnies d’électricité à la suite des aides financières ou non des EnR (priorité d’accès au réseau) ont perdu beaucoup d’argent. Donc pour la production hors EnR elles ont serré les boulons. En particulier, le gaz , de 1990 à 2000 avait commencé à remplacer le charbon. Ce mouvement a cessé à partir de 2005, du fait de la baisse des prix du charbon, en particulier US. Cela est spectaculaire dans l’observation des mix, et encore une fois, valable à l’ouest comme à l’est.

Pour l’avenir, toujours pour des questions d’argent, ces compagnies ont fermé des centrales à gaz. Mais aujourd’hui , les Etats (dont la France et l’Allemagne) ont expliqué à Bruxelles qu’ils craignaient des coupures dues à l’intermittence solaire-éolien ( argument rendu public par la Commission européenne en avril 2016). Ils ont obtenu l’autorisation de subventionner des centrales à combustibles fossiles de secours , donc de reconstituer le parc fermé, au moins en partie (en termes choisis, cela s’appelle créer un “marché de capacité). Il est évident que si les EnR remplacent du nucléaire, comme prévu en France, et en Allemagne les émissions vont repartir à la hausse du fait du fonctionnement , de temps en temps, de ces centrales à combustibles fossiles.

LT