Un texte initialement destiné au nouveau ministre N. Hulot mais qui reste valable pour le nouveau ministre F. De Rugy.
Nicolas Hulot : pour vraiment lutter contre le changement climatique, changez la politique énergétique de la France
2017.
Résumé
Le coût de la tonne de CO2 évitée par la politique de développement de l’électricité éolienne et photovoltaïque depuis 2007 atteint 650 euros. Ce financement a été fait grâce à la CSPE, taxe parafiscale prélevée sur la consommation d’électricité de tous les Français.
La même somme utilisée pour encourager l’usage de voitures électriques aurait conduit à un coût de la tonne de CO2 évitée de 130 euros, et le choix d’améliorer l’isolation thermique des logements à un coût de la tonne de CO2 évitée de 190 euros.
Nous appelons le nouveau Ministre à faire le choix de l’efficacité pour la réduction des émissions de CO2 en renonçant au développement prioritaire, et subventionné artificiellement, des productions éolienne et photovoltaïque et de choisir une politique axée délibérément sur les transports et la rénovation thermique pour, effectivement, réduire les sources principales de gaz à effet de serre en France.
Monsieur Nicolas Hulot, vous avez été nommé Ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire, dans le nouveau gouvernement d’Edouard Philippe. Vous serez donc largement en charge de la politique énergétique du gouvernent.
Vous êtes une personnalité emblématique des sphères écologiques, célèbre pour vos mises en garde contre le réchauffement climatique. A l’occasion des élections présidentielles de 2007, vous aviez obtenu la signature du pacte écologique par tous les candidats importants. La suite logique en a été la tenue du Grenelle de l’Environnement en Septembre 2007 et le lancement d’un ambitieux programme de production d’électricité éolienne et photovoltaïque, tandis qu’était affirmée la nécessité de réduire de façon importante nos rejets de gaz à effet de serre. La politique initiée par le Grenelle, poursuivie pendant la Présidence Hollande et pérennisée par le vote de la Loi pour la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTE) a en particulier conduit au développement spectaculaire des installations éolienne et photovoltaïque respectivement 12 GWe et 7 Gwe ; la production des deux parcs approchait 32 TWh en 2016. Ce vaste programme a été financé par une taxe parafiscale, la CSPE.
L’évolution des recettes de la CSPE utilisées pour le financement, par les consommateurs, des productions d’électricité éolienne et photovoltaïque est représentée sur la figure 1. Le cumul de ces recettes avoisinait 18 milliards d’euros en 2016.
Figure 1.
Il est important de savoir dans quelle mesure cet investissment a été bénéfique pour d’autres que les entreprises qui ont construit et exploitent ces installations. Pour le consommateur d’électricité, il a alourdi sa facture de près de 20%. Mais a-t-il, au moins, permis de diminuer les émissions de CO2 ?
Du fait de la production d’électricité par des centrales à charbon, à gaz ou au fioul, les émissions sont passées de 37,5 Millions de tonnes de CO2 en 2008 à 31,4 en 2013 . De façon plutôt optimiste, on peut attribuer cette diminution au développement des productions éolienne et photovoltaïque, celles-ci ayant peut être entraîné la diminution de la production d’électricité d’origine fossile (fioul, gaz et charbon) de 54TWh en 2008 à 44 TWh en 2013 . En supposant l’arrêt des investissements dans ce secteur, la part « Eole + Hélios » de la CSPE serait stabilisée à sa valeur de 2016 soit 3,9 milliards d’euros par an pendant la durée des contrats d’obligation d’achat , pour une diminution de 6,1 millions de tonnes de CO2 , par rapport à 2008, année de lancement du programme que vous avez inspiré. Le coût de la tonne de CO2 évitée est donc d’environ 650 euros . Actuellement le coût du CO2, sur le marché européen, est aux environs de 10 euros/tonne …
Le programme d’investissement dans les énergies renouvelables intermittentes apparaît donc comme un moyen extrêmement peu efficace et onéreux pour réduire les émissions de CO2 dans le contexte français où l’électricité est très peu carbonée. N’aurait-il pas été plus efficace et judicieux d’utiliser les 18 milliards dépensés à d’autres actions susceptibles de diminuer davantage nos émissions de CO2 ?
Avec 18 milliards d’euros on aurait pu financer à un niveau largement suffisant (15000 euros par voiture) l’achat de plus d’un million de voitures électriques. Le coût du CO2 évité aurait été de l’ordre de 130 €/tonne .
Alternativement on aurait pu envisager de rénover thermiquement 2 millions de logements pour économiser 20 MWh d’origine fossile par an , ce qui aurait permis d’éviter l’émission de 5 millions de tonnes de CO2 par an. En supposant un amortissement de l’investissement sur 20 ans le coût du CO2 évité serait d’environ 190 €/tonne.
Il semblerait donc logique de réorienter les sommes affectées à l’éolien et au photovoltaïque vers la rénovation thermique ou le transport électrique . Malheureusement, les contrats de longue durée associés aux obligations d’achat se traduisent par des engagements lourds et pour longtemps. C’est ainsi que, même en absence de signature de nouveaux contrats, les engagements en faveur des exploitants de ces parcs éoliens et photovoltaïques vont jusqu’à 2036 et portent sur un montant total de près de 90 milliards d’euros.
Si la dénonciation des contrats déjà engagés paraît difficile, le bon sens aussi bien que celui de l’intérêt général commandent de mettre fin, aussi rapidement que possible, au système d’aides par les mécanismes comme l’obligation d’achat ou la rémunération par différence, pour les constructions à venir d’éoliennes et de parcs photovoltaïques.
Nous suggérons donc au nouveau Ministre de prendre acte de l’échec de la politique de lutte contre le réchauffement climatique basée sur le développement prioritaire et subventionné artificiellement, des productions éolienne et photovoltaïque et de la remplacer par une politique axée délibérément sur les transports et la rénovation thermique pour effectivement réduire les sources principales de gaz à effet de serre en France.
Hervé Nifenecker.
Renvoi :
(1) Une telle puissance installée en nucléaire produirait 150 TWh, avec un facteur de charge bien supérieur.
(2) Les données sont obtenues sur le site de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), dans les compte-rendus de délibération de la Commission http://www.cre.fr/documents/deliberations/(text)/CSPE
(3) Résultat obtenu en utilisant l’évolution des productions par les centrales à gaz, charbon et au fioul d’EDF et en attachant à chaque technique de production les émissions qui en sont caractéristiques (956 tonnes par GWh pour le charbon, 777 pour le fioul et 356 pour le gaz) la diminution des émissions entre 2008 et 2013.
(4) https://www.iea.org/statistics/statisticssearch/report/?country=FRANCE&product=electricityandheat
(5) Environ 20 ans.