Taïwan : une leçon de lucidité pour des Français indécis face à une loi énergétique suicidaire

Lettre « Géopolitique de l’Electricité-référendum sur le nucléaire Taiwan- 24 novembre 2018)

les Taïwanais se prononcent par référendum pour l’énergie nucléaire (24 novembre 2018).

L’île chinoise de Taïwan forme un état séparé du régime de Pékin de 23 millions d’habitants, disposant d’une économie dynamique et moderne. Son premier partenaire commercial est la Chine;.

La nouvelle présidente , Tsai Ing-wen élue en 2017, avait dans son programme la sortie du nucléaire pour 2025 et le développement des énergies renouvelables (solaire et éolien). Le nucléaire , en 2017, avait fourni 14% de l’électricité. Un réacteur , terminé depuis 2014 n’a pas encore démarré. Au début du mois d’août 2018, trois des six réacteurs en service étaient à l’arrêt pour maintenance. Le 11 août , une délégation patronale s’est rendue chez Mme Tsai pour lui faire part de son inquiétude quant à la stabilité du réseau électrique. Elle demanda le redémarrage de certains réacteurs. A la suite de la visite, un communiqué de la présidence indiqua que tout était en ordre de marche. Il était ajouté que l’instabilité provenait d’un réseau trop centralisé , une autre raison d’investir dans les renouvelables.

Le 15 août, une panne géante affecta la partie nord de l’île et toucha, durant plusieurs heures sept millions de foyers. Entre autres,le métro de la capitale fut plongé dans le noir. On imagine les répercussions dans un pays moderne, feux de signalisation, informatique, ascenseurs etc…
Le ministre de l’économie démissionna, mais le traumatisme fut profond. Des questions se posèrent quant à l’existence d’un réseau électrique solide indispensable à l’économie et à la défense nationale.

Un mouvement pro-nucléaire puissant se forma, qui, à travers maintes embûches juridiques, obtint finalement la tenue d’un référendum d’initiative populaire afin d’interdire la sortie du nucléaire.

Celui-ci a eu lieu le 24 novembre. La sortie du nucléaire a été rejetée par 59% des électeurs contre 41% d’avis opposés. La participation et le nombre de votants pro-nucléaires sont conformes à la Constitution locale et rendent le verdict valable juridiquement.

Le gouvernement , après le vote, persiste dans son refus du nucléaire. Les élections locales avaient lieu le même jour et le parti au pouvoir a subi une lourde défaite. Naturellement d’autres sujets étaient à l’ordre du jour.

MmeTsai, à la suite des élections locales a annoncé sa démission de la direction de son parti.

Lionel Taccoen

Directeur de la Lettre « Géopolitique de l’Electricité

Publicité

Evolution des prix spot sur les 10 premiers mois de l’année 2018 en France

Vous avez ci dessous 2 tableaux:

– Le premier donne les fluctuations du prix spot et les volumes faibles qui sont échangés sur ce marché.

– Le second reprend les prix spot sur le marché Français en moyenne sur chaque mois.

Vous pouvez constater que depuis le mois de mai 2018, les prix spot sont sans cesse croissants mois après mois avec une augmentation significative.

Pour EDF, c’est une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle est que le renouvellement des contrats de livraison à terme va se faire à des prix plus élevés. Dans Vivre EDF, le Directeur financier, Xavier Girre, annonçait déjà des bons résultats sur 2018. L’autre bonne nouvelle vient des décisions d’allocations sur l’ARENH prises par la CRE. On ne pourra plus faire le yoyo entre les engagements d’enlèvement au prix de l’ARENH et les laissait tomber quand le prix du marché est inférieur à 42 €/MWh. Une meilleure nouvelle aurait été que le prix de l’ARENH soit revu à la hausse mais c’est par la voie législative que cette décision est prise et la date fixée par la loi NOME est 2025. Il serait important de pouvoir faire comprendre aux députés que cette échéance est trop lointaine.

La mauvaise nouvelle est que le calcul du coût des ENR est fait entre le prix du contrat signé par EDF et le prix du marché. Ce qui signifie qu’au plus le prix de marché monte au plus la compensation baisse. Or la perte pour EDF est beaucoup plus importante que cela, car la baisse de puissance que l’on doit opérer pour laisser passer la production ENR ne rapporte que le coût marginal combustible bien inférieur au prix du marché. C’était une des remarques faites lors des débats sur la loi NOME qui n’a pas été prise en compte.

« Les éoliennes, une utopie écologique » : La FEE cherche à noyer le poisson… Réponse de André Pellen

Commentaire d’Andre Pellen (en rouge) à propos de « La réponse de France Énergie Éoliennes (FEE)
suite à l’article du POINT présentant le livre de DUMONT et KERGORLAY ici « Les éoliennes une utopie écologique« 

La FEE, qui regroupe les professionnels de la filière éolienne, répond aux extraits du livre à charge contre l’éolien, que nous avons publiés.
Le pour et (surtout) le contre.
RTE gère le réseau public de transport d’électricité en France et est en charge du pilotage du système électrique français (c’est-à-dire de son bon fonctionnement à partir de l’ensemble des moyens de production). Dans son Bilan prévisionnel 2017, RTE indique que « développer un système reposant à 70 % sur des énergies renouvelables ne conduit en aucun cas à doubler la capacité renouvelable par des moyens thermiques […]. […]

RTE le dit mais se garde bien d’en faire une démonstration technique que ses propres restitutions production-consommation rendent illusoire. Brottes, le patron de RTE dépourvu du moindre vernis technicien, a été nommé à dessein à ce poste par la Royal, précisément parce qu’il était le fervent pro éolien de feu le PS. Comme dans tout autre domaine de responsabilité publique, dans ce pays, lui et ses subordonnés savent pouvoir raconter n’importe quoi, assurés de l’impunité et de n’avoir même pas à rendre de compte, en cas de d’effondrement ultérieur du système électrique.

Les argumentaires alarmistes consistant à considérer comme nécessaire le développement de moyens de secours systématiques font fi, d’une part, de l’interconnexion de la France avec ses voisins qui permet de mutualiser les flexibilités, et d’autre part, d’une analyse de la contribution statistique de l’éolien et du photovoltaïque à la sécurité d’approvisionnement », (BP 2017, Scénario Watt, p279).

Là aussi, tout n’est que mensonge démontré par la réalité météorologique, technologique et, surtout, d’exploitation des installations que suivi de charge, réglages fréquence-puissance et tension illustrent quotidiennement. Il ne suffit de citer tel extrait de je ne sais quel rapport de propagande dont on ne connait rien de la qualité des auteurs pour être convainquant.

Sur la question du prix de l’énergie éolienne, il faut être concret et ne pas répéter sans vérifier des éléments erronés. Aujourd’hui, le prix moyen de l’éolien terrestre est de 65,4 euros/MWh. Le prix de l’éolien terrestre est quasiment la moitié de celui du nouveau nucléaire (Hinkley Point) qui s’élève à 110 euros/MWh. Dès 2016, l’Ademe indiquait que l’éolien terrestre était le moyen de production le plus compétitif, ce que les rapports de l’Agence internationale de l’énergie, de l’IRENA ou encore les enquêtes de la Commission européenne confirment depuis.

On ne compte plus les analyses rigoureuses et chiffrées – SLC, Jean Fluchère, J.P Riou… – dynamitant cette affirmation farfelue de l’ADEME dont la spécieuse démonstration se garde bien de chiffrer le coût exorbitant des externalités (explosion des longueurs de réseaux, palliatifs de production… dont le nucléaire fait de plus en plus partie…). Que la FÉÉ commence par nous expliquer pourquoi, dans ces conditions, il convient de continuer à subventionner massivement l’éolien.

Pour ce qui est de la revente de l’énergie sur le marché européen, comparons ce qui est comparable. Les moyens de production électrique français (centrales nucléaires, hydraulique ou charbon) ne se sont pas construits sur des prix de marché, mais dans un contexte de monopole étatique. Ils ont été financés par l’argent public et donc par le contribuable français sans corrélation avec les problématiques de rentabilité sur le marché européen de l’énergie.

Là, le mensonge est carrément éhonté sur tous les plans. La dernière lettre géopolitique de l’électricité « EDF, la fin de l’histoire » en apporte la preuve implacable.

En France, plus de 1 000 entreprises sont actives à toutes les étapes de la vie des projets éoliens. C’est pourquoi la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie et des Finances estime ainsi que la part française de la valeur ajoutée de l’énergie éolienne, sur le territoire, est d’environ 65 %, sur l’ensemble du cycle de vie d’un parc éolien terrestre. Enfin, la filière éolienne compte plus de 17 100 emplois directs et indirects (Observatoire de l’éolien 2018, Bearing Point pour FEE). Avec une augmentation annuelle d’environ 8 %, c’est l’un des secteurs économiques les plus dynamiques de France.

Bla, bla, bla purement politicien qu’il convient de relativiser au fait que c’est l’État qui créé artificiellement ces emplois, dans une activité économique non rentable – sans quoi, pourquoi y aurait pas lieu de subventionner ?! – et de confronter aux études de toute nature affirmant le contraire, en replaçant la problématique emploi dans un contexte d’analyse économique sain.

Le taux de charge moyen pour l’éolien terrestre est de 25 %, mais cela ne veut en aucun cas dire qu’une éolienne tourne 25 % du temps, cela signifie qu’elle produit au maximum de sa capacité 25 % du temps mais les éoliennes produisent de l’électricité 95 % du temps selon Ademe. Il faut noter qu’en mer avec des vents plus forts et plus réguliers, le taux de charge est de 45 %. La production est bien variable mais prévisible et RTE utilise les scénarios climatiques fournis par Météo-France pour prévoir la production 3 jours à l’avance.

Celle là il fallait la faire : le 1/4 de toute l’énergie attendue à puissance nominale, produite sur 95 % du temps !

La loi de transition énergétique a acté une diversification du mix électrique français à horizon 2030, avec une baisse de la dépendance au nucléaire et un bouquet d’énergies renouvelables. Les énergies renouvelables sont compétitives, prédictibles et contrôlables, c’est pourquoi RTE dans ces travaux prospectifs indique que « la sécurité d’approvisionnement peut être assurée même avec 70 % d’énergies renouvelables » en 2035 (Scénario Watt, p297) et que « la contribution de l’éolien au passage des pointes de consommation est nécessaire » (Scénario Watt, p297).
France énergie éolienne recommande de porter la part d’énergie éolienne dans le mix électrique à 23 % à horizon 2030, ce qui ferait croître le nombre d’éoliennes terrestres à moins de 15 000, sans compter que l’augmentation de la puissance unitaire des éoliennes permettra d’en optimiser le nombre, tant sur les nouveaux parcs que sur le remplacement des plus anciens, en fin de vie.
À horizon 2050, le scénario de négaWatt avec un mix électrique 100 % énergies renouvelables estime à 18 000 le nombre d’éoliennes.
Enfin, à titre de comparaison, aujourd’hui et sur un territoire plus petit, l’Allemagne compte 24 000 éoliennes… et tout se passe pour le mieux.
Le « cadeau » fait au renouvelable
« Ce développement [de l’éolien] a apporté des bénéfices en termes de réduction des émissions de Gaz à effet de serre [émissions indirectes incluses] et de polluants atmosphériques du parc électrique. La monétarisation de ces bénéfices révèle qu’ils sont comparables voire supérieurs aux coûts en question. Ainsi, sur l’ensemble de la période 20022013, les bénéfices environnementaux pour la collectivité sont estimés entre 3,1 et 8,8 milliards d’euros en 2013 pour des coûts du soutien évalués, sur la même période, à 3,2 milliards d’euros ». Étude Bips, Bilan de la politique de soutien, p. 12, Ademe
La FNSafer lançait en effet en 2016 l’alerte sur l’artificialisation des sols et la perte de terres agricoles, mais l’étude ne visait pas l’éolien puisque ce constat visait l’extension de villes et les infrastructures associées (constat fondé sur un bond de 22 % en 2016 du nombre de ventes de terres agricoles près des grands pôles urbains).
La loi impose de décaper les fondations jusqu’à un mètre de profondeur. Néanmoins, on observe que dans de très nombreux cas, les exploitants du parc éolien retirent l’intégralité des fondations de l’éolienne. Une mesure qui peut même être inscrite directement dans le bail emphytéotique.
Un problème de distance…
Soyons précis, dans ce rapport l’Académie nationale de médecine revient elle-même sur sa recommandation de 2006 et constate qu’« en tout état de cause, la nuisance sonore des éoliennes de nouvelles générations ne paraît pas suffisante pour justifier un éloignement de 1 000 mètres. » (p. 17).
Le rapport souligne que le ressenti de « nuisances » dues aux éoliennes relève essentiellement d’un effet nocebo et de la subjectivité des personnes : « la crainte de la nuisance sonore serait plus pathogène que la nuisance elle-même » p. 11. Elle précise que « cette intensité [du bruit éolien] est relativement faible, restant souvent très en deçà de celles de la vie courante » (…) « les plaintes ne semblent pas directement corrélées » (p. 13).
L’Académie nationale de médecine mentionne « l’absence d’intéressement aux bénéfices financiers » (p. 12) parmi les facteurs contribuant au « syndrome de l’éolien » dont elle fait état. Autrement dit, en langage NIMBY, les opposants auraient moins de symptômes quand ils touchent une part des bénéfices de l’éolien.
Enfin, l’Académie nationale de médecine ajoute que « l’éolien terrestre présente indubitablement des effets positifs sur la pollution de l’air et donc sur certaines maladies (asthme, BPCO, cancers, maladies cardio-vasculaires) », p. 18.

Tout ce qui précède n’est que propagande gratuite, contredite par les faits, propagande dont ADEME et RTE sont directement complices. Avoir le culot d’affirmer que, dans une Allemagne qui compte 24000 éoliennes, tout se passe pour le mieux et que l’éolien a apporté de chaque côté du Rhin des bénéfices, en termes de GES et de polluants atmosphériques, en contradiction complètes avec la lettre géopolitique de l’électricité consacrée à ce thème, il fallait le faire !

La CSPE, discrète mais coûteuse
Quelle est la part de l’éolien dans la CSPE ? 19 % soit environ 1,5 milliard d’euros. Quelle est la part de l’éolien dans la facture d’électricité des Français ? 3 %. Enfin grâce à la baisse des coûts, l’éolien étant de plus en plus compétitif, deux fois plus de production sera financée pour le même montant à l’avenir.

Ici, vous pouvez vous faire une idée de l’ampleur du mensonge, en consultant les nombreuses analyses consacrées à la CSPE, notamment celles de la lettre géopolitique de l’électricité et de Michel Gay

 

NDLR : Pour en savoir plus, cliquer ici : Les coûts lisses de l’électricité

Le délire des « deux degrés »

https://www.foreignaffairs.com/articles/world/2018-02-08/two-degree-delusion

Traduction automatique :

Les dangers d’un objectif irréaliste en matière de changement climatique

Par Ted Nordhaus

Les émissions mondiales de carbone ont à nouveau augmenté en 2017, décevant les espoirs que les trois années précédentes de croissance quasi nulle marquent un tournant dans la lutte contre le changement climatique. Les partisans des énergies renouvelables avaient attribué les émissions plates à la baisse du coût des panneaux solaires. Les adeptes de l’efficacité énergétique avaient vu dans la pause la preuve que l’activité économique avait été dissociée de la consommation d’énergie. Les partisans du désinvestissement dans les combustibles fossiles avaient postuléque la bulle de carbone avait finalement éclaté.

Les analystes qui avaient attribué cette pause au ralentissement de la croissance économique dans plusieurs parties du monde, en particulier en Chine , étaient plus proches de la réalité. Après tout, les principes fondamentaux de l’économie de l’énergie sont restés pratiquement inchangés – l’efficacité énergétique de l’économie mondiale et la part de la production d’énergie produite par l’énergie propre n’ont pas changé. Et, bien entendu, à mesure que la croissance reprenait, les émissions ont également recommencé à augmenter.

Même pendant la pause, il était clair que le monde ne faisait pas beaucoup de progrès pour éviter les futurs changements climatiques significatifs. Pour modifier de manière significative la trajectoire des changements du niveau de la mer ou de la plupart des autres effets du climat de ce siècle ou du prochain, les émissions ne devraient pas simplement atteindre leur maximum; ils devraient tomber précipitamment. Pourtant, les progrès accomplis par le monde pour réduire les émissions mondiales ont été progressifs, même sous les hypothèses les plus généreuses.

Mais lors des dernières négociations sur le climat à Bonn l’automne dernier, les diplomates ont une nouvelle fois ratifié un objectif international de longue date consistant à limiter le réchauffement à deux degrés Celsius de plus que les niveaux préindustriels. Ceci, bien qu’il soit incapable de s’engager dans des domaines allant au-delà de ce qui avait déjà été convenu lors de la réunion de Paris il ya deux ans, lorsque les négociateurs sont parvenus à un accord nominal sur des contributions non contraignantes déterminées au niveau national, ce qui entraînerait des températures dépassant de trois degrés les niveaux préindustriels avant la fin de la présente période. siècle.

Quarante ans après avoir été proposé pour la première fois, la cible de deux degrés maintient son emprise sur les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique, malgré le fait que presque toutes les analyses sobres concluent à la non atteinte de la cible. Certains partisans insistent encore pour dire qu’avec une volonté politique suffisante, l’objectif peut être atteint. D’autres reconnaissent que, même si l’objectif est pratiquement irréalisable, il représente une aspiration qui pourrait motiver le monde à réduire les émissions davantage et plus rapidement que cela n’aurait été le cas autrement. Pour d’autres encore, la cible reste à la portée de tous si tout le monde s’emploie sérieusement à éliminer le carbone de l’atmosphère ou à pirater l’atmosphère afin de gagner du temps.

Mais il convient d’examiner les conséquences de la poursuite d’un objectif qui n’est plus réalisable. Un impact significatif sur le climat futur est probablement inévitable. Soutenir la fiction selon laquelle la cible des deux degrés reste viable risque de laisser le monde mal préparé pour atténuer ou gérer les conséquences.

UNE CIBLE ARBITRAIRE

Mon oncle, William Nordhaus, économiste à l’Université de Yale, est largement reconnu pour avoir été le premier à proposer que la politique climatique s’efforce de limiter le réchauffement climatique anthropique à deux degrés au-dessus des températures préindustrielles. Il n’est pas parvenu à cette conclusion par le biais d’une quelconque modélisation sophistiquée du climat ou d’une analyse coûts-avantages. Au lieu de cela, il a examiné les preuves très limitées de la variance climatique à long terme disponibles à ce moment-là et a conclu qu’une augmentation de deux degrés ferait passer les températures mondiales au-delà de la plage expérimentale des sociétés humaines depuis plusieurs milliers d’années et probablement beaucoup plus longtemps. La norme était, de son propre aveu, arbitraire.

Au cours des décennies qui ont suivi, la communauté internationale a formalisé son objectif par le biais d’une série de conférences, d’évaluations et de négociations des Nations Unies. Les chercheurs climatologues, quant à eux, ont reconfiguré la cible avec des données scientifiques, dont certaines convaincantes. Il semble en effet que la terre soit déjà plus chaude qu’au cours des derniers siècles, avec des températures susceptibles d’augmenter considérablement au cours de ce siècle et bien au-delà.

Mais limiter les températures globales en dessous de deux degrés ne garantit pas que le monde évitera les catastrophes, pas plus que de dépasser ce seuil. Personne ne sait avec précision quelle sera la relation entre la température mondiale et l’impact du changement climatique aux niveaux local et régional. Nous ne maîtrisons pas particulièrement bien la capacité des sociétés humaines à s’adapter à ces impacts.

Limiter les températures globales en dessous de deux degrés ne garantit pas que le monde évitera les catastrophes, pas plus que de dépasser ce seuil.

En réalité, la plupart des risques climatiques que nous comprenons assez bien sont linéaires, ce qui signifie que des émissions plus faibles entraînent une augmentation de la température globale plus faible, ce qui entraîne un risque moins élevé. C’est le cas d’impacts tels que l’élévation du niveau de la mer, les rendements agricoles, les précipitations et la sécheresse. Stabiliser les émissions à 450 parties atmosphériques par million entraîne moins de risques que se stabiliser à 500, 500 entraîne moins de risques que 550, et ainsi de suite. Le monde n’est pas sauvé si nous limitons les concentrations atmosphériques à 450 parties par million, ni si les concentrations dépassent ce seuil.

Il existe toute une gamme de points de basculement non linéaires potentiels qui pourraient également avoir des effets catastrophiques sur le climat. De nombreux climatologues et défenseurs du climat affirment que les risques associés au déclenchement de ces impacts sont si importants qu’il vaut mieux adopter une approche de précaution stricte pour réduire considérablement les émissions. Mais il y a d’énormes incertitudes sur l’endroit où se trouvent réellement ces points de basculement. Le principe de précaution s’applique également à un degré de réchauffement, seuil que nous avons déjà dépassé; un degré et demi que nous dépasserons bientôt; ou, d’ailleurs, trois degrés.

Ces calculs sont encore compliqués par le décalage important entre le moment où nous émettons du carbone et le moment où nous en subissons les effets sur le climat: en raison du décalage dans le temps et de la quantité de carbone déjà émise (les concentrations atmosphériques de carbone se situent aujourd’hui à 407 parties par million, contre 275 avant le début de la révolution industrielle), même une approche de précaution extrême mettant fin à toutes les émissions de gaz à effet de serre n’aurait pas beaucoup d’effet sur la trajectoire des températures globales ou les impacts climatiques jusqu’à la fin de ce siècle au plus tôt.

Les projections d’élévation du niveau de la mer, par exemple, ne divergent pas vraiment entre les scénarios d’émissions élevées et d’émissions faibles jusqu’à la fin du siècle, et même dans de très faibles proportions. Ce n’est que lorsque les modélisateurs se projettent dans le vingt-deuxième siècle que de grandes différences commencent à apparaître. Il en va de même pour la plupart des autres impacts climatiques, du moins dans la mesure où nous les comprenons.

De nombreux défenseurs de l’action climatique suggèrent que nous subissons déjà les effets du changement climatique anthropogénique sous la forme de phénomènes météorologiques extrêmes et de catastrophes naturelles. Dans la mesure où cela est vrai – et l’effet du changement climatique sur les catastrophes météorologiques d’aujourd’hui est fortement contesté – nous ne pouvons rien faire pour l’atténuer au cours des prochaines décennies.

L’URGENCE D’ADAPTER

Au cours des deux dernières décennies, les discussions sur le risque climatique ont été fortement influencées par les préoccupations concernant le risque moral. L’argument selon lequel les sociétés humaines pourraient réussir à s’adapter au changement climatique risque de saper les engagements pris de réduire suffisamment les émissions pour éviter ces risques.

Mais l’aléa moral va également dans l’autre sens. Sur une planète qui va presque certainement être beaucoup plus chaude, même si le monde réduit ses émissions rapidement, l’insistance persistante pour que les sociétés humaines réduisent ses émissions assez rapidement pour éviter les dangereux changements climatiques risque de nuire à l’urgence de s’adapter.

L’adaptation entraîne des compromis difficiles que de nombreux défenseurs du climat préféreraient ignorer. La richesse individuelle et sociétale, les infrastructures, la mobilité et l’intégration économique sont les principaux déterminants de la vulnérabilité des sociétés humaines aux catastrophes climatiques. Une catastrophe naturelle de la même ampleur entraînera généralement des souffrances bien plus grandes dans un pays pauvre que dans un pays riche. Pour cette raison, les pays pauvres seront les plus touchés par le changement climatique. Mais parallèlement, plus ces pays se développent rapidement, plus ils seront résilients au changement climatique. Toutefois, dans la plupart des régions du monde, le développement nécessite encore de consommer davantage de combustibles fossiles, dans la plupart des cas beaucoup plus.

La plupart des défenseurs du climat ont admis qu’une certaine forme d’adaptation serait une nécessité pour les sociétés humaines au cours de ce siècle. Mais beaucoup refusent de reconnaître qu’une grande partie de cet ajustement devra être alimenté par des combustibles fossiles. Une infrastructure solide – logements modernes, réseaux de transport, etc. – est ce qui rend les personnes résilientes au climat et aux autres catastrophes naturelles. Ce type d’infrastructure nécessite de l’acier et du béton. Et il existe actuellement peu de moyens économiquement viables de produire de l’acier ou du béton sans combustibles fossiles.

Le seuil de deux degrés et les divers budgets de carbone et objectifs de réduction des émissions qui l’accompagnent ont permis de justifier les interdictions de la Banque mondiale et d’autres institutions internationales de développement sur le financement du développement des combustibles fossiles. Compte tenu de l’ampleur des changements climatiques dans notre avenir en raison des émissions passées et du temps requis pour réduire les émissions afin d’atténuer les effets du climat, ce type de politique augmentera presque certainement l’exposition aux risques climatiques pour de nombreuses personnes dans les économies en développement.

DÉLIENS DE DÉPLOIEMENT

Le dévouement continu à la cible des deux degrés a également sapé les efforts de réduction du carbone. En théorie, pour réduire les émissions suffisamment profondément d’ici le milieu du siècle pour limiter le réchauffement à deux degrés, il faudrait déployer aujourd’hui des technologies énergétiques zéro carbone à une échelle sans précédent. Il semblerait que cela priverait d’importants facteurs de décarbonisation progressive, tels que le passage du charbon au gaz aux États-Unis et dans de nombreuses autres régions du monde. La combustion du gaz naturel produit la moitié du carbone par unité d’énergie produite sous forme de charbon en combustion. Mais il ne peut pas décarboniser le secteur de l’énergie assez rapidement pour atteindre l’objectif des deux degrés d’ici 2050.

Pour cette raison, la plupart des défenseurs du climat sont au mieux indifférents au gaz naturel et s’y opposent plus souvent, même si le passage du charbon au gaz naturel a été la plus grande source de réduction des émissions aux États-Unis depuis plus de 10 ans, comme c’était le cas dans le passé. Royaume-Uni au début des années 90.

La cible des deux degrés a également entravé le soutien au développement de meilleures technologies d’énergie propre. Parce que les technologies de nouvelle génération telles que les réacteurs nucléaires avancés, la géothermie avancée et les capacités de capture du carbone ne seront pas prêtes pour une commercialisation à grande échelle avant au moins une ou deux décennies, elles arriveront trop tard pour contribuer de manière significative aux scénarios de stabilisation à deux degrés . À leur tour, de nombreux défenseurs du climat de premier plan ont longtemps fait valoir que la seule action contre le climat digne de ce nom consiste à déployer des technologies zéro carbone actuellement disponibles dans le commerce.

Pourtant, il y a peu de raisons de penser que les technologies zéro carbone existantes sont à la hauteur. Certains modèles prétendent certes que les technologies actuelles d’énergie renouvelable sont capables d’alimenter le réseau électrique et bien au-delà. Mais la forte croissance des énergies renouvelables dans diverses parties du monde semble suivre une courbe en S classique , la part de marché des réseaux électriques stagnant à environ 20% ou moins de la production totale après une période de forte adoption initiale, en raison de la valeur des sources intermittentes de L’énergie éolienne et solaire, par exemple, diminue rapidement à mesure que leur part dans la production d’électricité augmente.

Pendant un certain temps, dans les années 1970 et 1980, les réacteurs nucléaires classiques ont eu de meilleurs antécédents. La France a décarboné 80% de son système électrique avec le nucléaire. La Suède a atteint 50%. Cependant, la technologie nucléaire conventionnelle, qui requiert des gouvernements centraux et des services publics intégrés verticalement, qui construisent, possèdent et exploitent des centrales, a résisté à la libéralisation économique et à la baisse de confiance dans les institutions technocratiques depuis des décennies. En dehors de la Chine et de quelques autres économies asiatiques, peu de pays ont été en mesure de construire de grandes centrales nucléaires de manière rentable au cours des dernières décennies.

Ces limitations continuent de nuire aux efforts de décarbonisation du secteur de l’énergie dans le monde entier. Mais le secteur de l’électricité ne représente qu’environ 20% de la consommation mondiale d’énergie primaire et se révèle relativement facile à décarboniser par rapport aux transports, à l’agriculture, à l’industrie et à la construction. Il existe actuellement peu de substituts viables aux combustibles fossiles dans la production d’acier, de ciment ou d’engrais, ou dans le transport de l’aviation et des transports lourds.

À plus long terme, de meilleures options pourraient être envisagées, notamment des réacteurs nucléaires avancés pouvant fournir de la chaleur aux processus industriels, des technologies de captage du carbone pouvant capter les émissions résultant de la combustion de combustibles fossiles et des combustibles synthétiques à faible émission de carbone pouvant se substituer au diesel et aux carburants d’aviation. Mais tous sont à des décennies d’une application viable. Les technologies nécessaires pour réduire les émissions suffisamment en profondeur pour les stabiliser à deux degrés ne seront pas prêtes à temps. En conséquence, le dévouement continu au seuil des deux degrés a fini par saper à la fois d’importants moyens supplémentaires de réduction des émissions et des investissements à long terme dans le développement et la commercialisation de technologies qui seraient nécessaires pour décarboniser profondément l’économie mondiale.

POINT DE NON RETOUR

Près de 30 ans après que l’ONU a établi le seuil des deux degrés, plus de 80% de l’énergie mondiale provient encore des combustibles fossiles, une part qui est restée pratiquement inchangée depuis le début des années 90. Les émissions mondiales et les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone continuent d’augmenter. La politique climatique, aux niveaux international et national, a eu peu d’impact sur leur trajectoire.

Les défenseurs du climat ont constamment imputé les échecs de la politique climatique au pouvoir politique corrompant de l’industrie des combustibles fossiles. « Marchands de doute » financés par l’industrie», Comme les historiens Naomi Oreskes et Erik Conway les ont surnommés à l’origine, ainsi que de lourdes dépenses politiques, ont stoppé les efforts d’atténuation du changement climatique. Mais ces revendications sont centrées sur les États-Unis. Le scepticisme et le déni climatiques n’ont pas trouvé le même niveau de traction politique en dehors des États-Unis. Exxon et les frères Koch n’ont pas de droit de vote politique au Bundestag, au Comité central chinois ou dans la plupart des pays situés en dehors de Washington. Et pourtant, ces pays n’ont pas plus réussi à réduire leurs émissions que les États-Unis. Au contraire, les émissions des États-Unis ont diminué plus rapidement que celles de presque toutes les autres grandes économies au cours de la dernière décennie.

L’explication alternative est plutôt moins dramatique. La décarbonisation est difficile. Les combustibles fossiles continuent de procurer des avantages substantiels à la plupart des habitants du monde, malgré les conséquences environnementales considérables. Les solutions de remplacement se sont améliorées, mais pas suffisamment pour déplacer l’énergie fossile à des échelles compatibles avec la stabilisation des températures au seuil de deux degrés. Les conséquences d’un tel échec pour les sociétés humaines sont trop incertaines ou trop lointaines dans le futur pour motiver une mobilisationsemblable à celle de la Seconde Guerre mondiale pour déployer des énergies renouvelables ou un prix global du carbone suffisamment élevé pour réduire rapidement les émissions.

Au cours des 20 prochaines années environ, les concentrations de carbone dans l’atmosphère dépasseront presque certainement les 450 ppm, ce qui permettra d’éviter les augmentations de température à long terme supérieures à deux degrés. À ce stade, le seul moyen de rester en deçà de la cible sera soit de retirer le carbone de l’atmosphère à des échelles presque inimaginables, soit de modifier la chimie de l’atmosphère de sorte que les concentrations croissantes de gaz à effet de serre ne conduisent pas à des températures plus élevées. Fonctionnellement, ce moment est déjà arrivé. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, pratiquement tous les scénarios compatibles avec une stabilisation de la température mondiale à plus de deux degrés exigent explicitement des émissions dites négatives au cours de la seconde moitié de ce siècle.

Ces dernières années, l’argument du risque moral utilisé contre l’adaptation a également été utilisé contre la géoingénierie et les technologies d’élimination du carbone. La suggestion selon laquelle il serait possible d’extraire suffisamment de carbone de l’atmosphère pour abaisser les températures globales ou, à défaut, de modifier la composition chimique de l’atmosphère ou des océans de manière à prévenir les fortes augmentations de température, peut-on penser, risque-t-il de nous distraire de la tâche centrale qui consiste à décarboniser rapidement l’économie mondiale. Pourtant, personne ne propose sérieusement de s’engager dans l’élimination du carbone ou la géoingénierie à grande échelle. Nous n’avons pas vraiment compris comment faire le premier, et le dernier comporte une gamme de risques potentiels que nous ne comprenons pas encore parfaitement. Néanmoins, de telles mesures d’urgence pourraient s’avérer nécessaires à l’avenir, même en cas de forte réduction des émissions. Comme dans le cas de l’adaptation, cependant, la double hypothèse selon laquelle la limite des deux degrés reste un objectif plausible et que le changement climatique dangereux peut être évité si nous permettons de le faire, permettrait de mettre en échec même l’argument du risque moral, même pour des appels raisonnables à la recherche publique sérieuse. .

UN CHEMIN PRATIQUE AVANT

À ce stade, s’il existe un argument sur le risque moral, c’est contre le seuil des deux degrés et non de celui-ci. Les humains vont vivre sur une planète beaucoup plus chaude pendant des siècles. L’idée que l’objectif de deux degrés reste réalisable risque de détourner l’attention des mesures que nous pourrions prendre aujourd’hui pour mieux faire face aux changements à venir. Une fois que le monde aura lâché la cible irréaliste des deux degrés, un éventail de politiques concrètes sera beaucoup plus clairement défini.

Nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accélérer la décarbonisation. Accélérer la transition du charbon au gaz et poursuivre le déploiement des technologies actuelles d’énergie renouvelable réduirait progressivement le risque climatique, même si aucun des deux n’est capable de décarboniser les économies à des taux compatibles avec la réalisation de l’objectif de deux degrés. Dans le même temps, il est important de soutenir ces efforts de manière à ne pas exclure les technologies qui seront nécessaires pour réaliser des réductions d’émissions plus importantes à long terme. Les subventions continues pour les panneaux solaires à faible rendement, par exemple, ont exclu les technologies solaires à rendement élevé du marché des énergies renouvelables. Le gaz bon marché a rendu peu économiques de nombreuses centrales nucléaires, qui ne bénéficient pas du même accès privilégié aux réseaux électriques ou aux subventions directes à la production que l’énergie éolienne et solaire. Avec des parts globales relativement faibles de la production d’électricité, des sources d’énergie variables telles que l’énergie éolienne et solaire risquent de supplanter les options sans émissions de carbone qui seront nécessaires pour décarboniser complètement les réseaux électriques. Et si la décarbonisation en profondeur est l’objectif, des investissements publics beaucoup plus importants seront nécessaires pour développer et commercialiser les technologies d’énergie propre, même s’il est peu probable que ces technologies contribuent grandement aux efforts de réduction des émissions au cours des prochaines décennies.

En attendant, nous devons cesser d’essayer d’équilibrer les budgets d’émissions de carbone de plus en plus parcimonieux qu’entraîne un objectif de deux degrés au détriment des pauvres du monde. Il n’y a aucune justification morale à priver ces populations des avantages d’un développement fondé sur les combustibles fossiles. Les faibles niveaux d’émissions associés à un développement limité ne permettront pas une amélioration significative des extrêmes climatiques pendant plusieurs décennies, alors que les avantages liés au développement rendront ces populations beaucoup plus résistantes aux extrêmes climatiques actuellement.

Enfin, le monde doit s’intéresser sérieusement à la recherche sur l’élimination du carbone et la géoingénierie, ainsi que sur le développement des institutions internationales et des cadres de gouvernance nécessaires à leur utilisation, non par certitude que nous en aurons finalement besoin, mais par le biais de nombreuses précautions.

Dès le début, la politique climatique et le plaidoyer en faveur du climat ont toujours été fondés, parfois explicitement et implicitement, sur l’idée que le changement climatique était un problème qui pouvait être résolu. Le seuil de deux degrés reflète cette impulsion. En réalité, le changement climatique est désormais une condition permanente du présent et du futur humain, une condition que nous réussirons à gérer avec plus ou moins de succès, mais que nous ne résoudrons jamais. La libération des efforts internationaux en matière de politique climatique en raison des diverses contraintes imposées par le seuil des deux degrés ne peut éliminer tous les risques que le changement climatique apportera. Mais cela pourrait nous permettre de mieux les gérer.