SPX : et si une seule barre sur 24 tombait et pas les autres ?

Question :
Je voudrais savoir si la chute d’une seule des 24 barres de contrôle de SPX ralentissait considérablement la réaction

Réponse
On ne parlera pas ralentir la réaction, mais arrêter complètement la multiplication neutronique, état sous critique, il ne restera que la puissance résiduelle à évacuer

Pour Phénix (250 MWe) au total 7 barres réparties en 3 familles
– 2 groupes de 3 barres qui se distinguent en partie technologiquement, et ne sont pas du même fabriquant et ne sortent pas des mêmes usines.
– Une 7° barre dite complémentaire, de technologie foncièrement différente (appelée articulée, pouvant faire face à de fortes déformées du réseau assemblage (notamment si séisme).
La chute d’une seule barre sur 7 suffit à ramener le cœur en situation sûre, quel que soit l’origine de l’événement et notamment celui de l’arrêt complet du débit primaire.

Pour SPX (1200 MWe) vue la taille du cœur, le nombre de barres a été multiplié et il est au total de 24, avec 2 groupes respectivement de 10 et 11 barres (idem Phénix des fabricants différents, pour éviter le mode commun) et un 3° groupe de 3 barres, type articulée, idem Phénix.
2 ou 3 barres sur 10 ou 11 des deux premiers groupes suffisent pour l’arrêt neutronique, et une seule du troisième groupe doit être suffisante.

Question :
Sauriez-vous également à quelle pression de sodium gazeux les enceintes auraient résisté ?

Réponse
– En puissance, si l’arrêt par la chute des barres n’est pas effectif, la disparition du réfrigérant rend la configuration plus réactive et la réaction en chaîne peut passer en prompte jusqu’à ce que la dispersion de la matière fissile conduise à l’arrêt de la réaction en chaîne.
L’énergie thermique accumulée en un temps très court, passe au sodium et donne lieu à une onde de pression qui va en grande partie être absorbée par les structures internes (dont le couvercle cœur, les assemblages périphériques)
En dépit de cette absorption interne, un pic de pression (onde) se propagera jusqu’à la cuve primaire agissant en barrière de confinement, qui se déformera, encore faut-il que cette déformation soit admissible, même si localement on dépasse la limité élastique. Ceci sera accompagné par une remontée brutale de sodium (jet) qui traversera l’espace gaz, pour frapper le toit. Il faut noter le rôle amortisseur essentiel dans le premier instant de cet espace gaz, une spécificité des RNR sodium, dans le concept modèle intégré.
On ne peut comparer ceci à une tenue permanente de spécification en gaz. Il y a absorption d’énergie et donc déformation au-delà de la limite élastique, mais ceci entre tout à fait dans l’analyse mécanique classique des situations de 4° catégorie (cf. RCCMR) qui ne prévoit pas un redémarrage de l’installation, donc dépassement autorisé de la limite élastique
Cette déformation mécaniquement admissible, doit en outre être limitée, de façon à ne pas venir en contact avec la cuve de sécurité (l’espace entre les deux étant limité pour qu’en cas de fuite sodium de la principale, le niveau dans la cuve primaire ne baisse pas trop pour ne pas dénoyer les assemblages. Pour SPx, cet espace devait par ailleurs être assez grand pour permettre à la machine d’inspection (MIR) de circuler.

Les études (approches simplifiées enveloppes (compte tenu des moyens existants en calculs, avant l‘ère du numérique ) lancées lors de phase projet (dont les essais sur maquette et explosif « mou ») ont eu peu de conséquences sur le dessin initial de Phénix. La structure du circuit primaire intégré confine intrinsèquement ce type d’accident. C’est l’un des multiples avantages de ce choix fait lors de l’avant-projet de Phénix. Les adaptations furent minimes, il fallut très peu renforcer (un peu d’épaississement des attentes de cuves et le dimensionnement des fixations des composants sur dalle). Depuis les méthodes de calcul aussi bien sur les ondes de pression que sur le comportement des matériaux en dynamique, au début du domaine plastique, ont permis une approche numérique du phénomène, montrant que Phenix avait des marges considérables, Et ces nouvelles approches théoriques furent appliquées sur SPX, toujours validées par des essais maquette.

Il faut retenir que la fonction confinement primaire est préservée, tout reste confiné au sein du circuit primaire, pas de rejets, d’autant que l’enceinte de confinement est inaffectée, mais il fallait au-delà et regarder l’évacuation de puissance résiduelle, après la phase explosion Ceci fût pris en compte dès les phases projet.
A titre d’exemple les échangeurs plongeants, spécifiques pour l’évacuation de puissance résiduelle de SPx, sont dimensionnés pour tenir au choc explosif et être opérationnels après l’excursion de puissance (convection naturelle). La question ne se posait pas pour Px, avec une puissance plus faible, l’évacuation de puissance résiduelle étant assurée par rayonnement vers enveloppe extérieure, intouchée hors zone d’explosion.
Globalement même situation qu’une situation de dimensionnement de 4° catégorie : pas de redémarrage possible, mais pas de conséquence sur l’environnement (continuité de l’évacuation de puissance résiduelle).

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Dans 140 ans, autant de CO2 dans l’atmosphère que lors du dernier réchauffement climatique majeur ?

http://revue-arguments.com/articles/index.php?id=6

Que penser des thèses de ce climato-sceptique ?

Libé renforce-t-il la confusion ici ?

Sur facebook les zététiciens discutent à propos de ce Alain Preat :
« Le probleme de ce billet n’est pas dans les connaissances géologiques de Alain Preat. Tout est probablement très juste. Le problème reside dans la confusion sur les échelles de temps et sur les conséquences des variations climatiques. Le réchauffement global ne met pas en danger la Terre qui en a vue d’autre mais les sociétés humaines. On ne sait pas si nos sociétés peuvent s’adapter facilement à des bouleversement climatiques à l’échelle de la dizaine ou centaine d’années. Certe la pCO2 a été plus élevé au Cretacé. Mais on s’en fiche ça n’a pas eu d’impact sur les sociétés humaines puisqu’il n’y en avait pas …
on sait que la Terre a eu des pCO2 beaucoup plus élevées à l’échelle des temps géologiques et que la vie s’y adapte très bien par évolution/extinction. Mais il faut du temps et comparer la survie et la continuité de la vie avec la stabilité d’une civilisation sont deux choses différentes.
La pCO2 n’a pas été aussi élevé depuis la fin du Miocène (5Ma) (donc Lucy n’a pas connu de pCO2 aussi élevée, Tumaï problement si) et la vitesse de changement de cette concentration n’a a priori jamais été aussi élevée: on observe des augmentations 90ppm en 10 000 ans lors des transitions glaciaire/interglaciaire (passant de 200 à 290ppm) des glaciations du pléistocène moyen et sup (passant de 200 à 290ppm) contre +90ppm depuis 1850 (passant de 285 à 375ppm voire plus actuellement). Comment un système climatique réagi à un tel forçage, on ne sait pas mais la thermodynamique nous indique que le surplus d’énergie stocké dans les couches fluides doit être évacué d’une manière ou d’une autre … Que les baleines et les insectes et même l’homme en tant qu’espèce y survive, ca ne fait aucun doute. Que nos sociétés aient les capacités de s’y adapter sans heurts c’est une question très différente, et on ne sait pas. »
« Le lien entre CO2 et température est TRES bien connu, on explique parfaitement les évolutions passées lointaines comme proches, et on sait modéliser les évolutions futures.
Il faut bien voir que si d’un côté on a une poignée de scientifiques qui nient certains faits sur le réchauffement climatique, de l’autre on a des dizaines de milliers d’études d’équipes différentes à travers le monde qui indiquent qu’ils ont tort, et qui constituent toute la connaissance qu’on a du réchauffement climatique.
Lien CO2 / température :
Autres mythes / mécompréhensions communs liés au CO2 :
(Note : utiliser les onglets de difficulté pour accéder à des explications plus détaillées / pointues si besoin)
A propos du consensus très fort sur la réalité du réchauffement climatique anthropique :
A propos de la négation du RCA :

Nuclear bashing : Who is Naoto Kan ?

Like many politicians, Naoto Kan is a populist, and typical of his breed.

He graduated from the Department of Applied Physics, Tokyo Institute of Technology, with a Master’s Degree in Engineering. He has referred to himself as « a specialist in nuclear engineering ». Beg your pardon ???

He has no working experience in any engineering firms, manufacturers, electric utilities nor research institutes.

His early career was as a patent attorney, and most of his career has been in civic movements. You cannot find any evidence of his scientific or technical expertise, not only in nuclear engineering but in any kind of science and technology.

 

 

Résolution du PCF Drôme : « Le PCF a besoin d’un effort de clarté sur sa politique énergétique »

29/01/2019 Résolution du Conseil Départemental PCF Drôme. 

Enjeux énergétiques.

 

Le PCF a besoin d’un effort de clarté sur sa politique énergétique. Il doit affirmer avec beaucoup plus de détermination ses choix stratégiques, scientifiques et technologiques de premier ordre, pour le présent et l’avenir énergétique du pays. Nous ne pouvons baisser les yeux face à la montée d’un capitalisme vert cupide et manipulateur.

 

Les gilets jaunes et une très large majorité de la population expriment un ras bol de la vie chère, de la fiscalité accablante et injuste ; ils revendiquent un meilleur pouvoir d’achat et la remise en cause d’un certain nombre de taxes. Curieusement, ou pas, le PCF n’exige pas la refonte de la CSPE dont le surcoût lié à l’obligation d’achat de l’électricité renouvelable par tous les abonnés correspond à plus de 15 % de leur facture pour à peine 3 % de l’énergie consommée. A l’origine, la CSPE pesait fort peu sur les abonnés ; elle était destinée à la solidarité avec les DOM-TOM, puis, avec l’aggravation de la crise, elle aidait les plus précaires à payer leurs factures d’électricité. Aujourd’hui, c’est exactement l’effet inverse qui se produit, le poids énorme de cette taxe alourdit la facture au profit du capitalisme vert et a conduit à doubler le nombre de précaires énergétiques en 10 ans ! Le surcoût s’est élevé à 7,8 milliards d’euros payés par les usagers de l’élec-tricité en 2018, soit deux fois supérieur à l’ISF. Devenant intolérable, la montée exorbitante de ce surcoût[1] a conduit le pouvoir à transformer une partie de la hausse en taxe sur les carburants. C’est la raison de la transformation de la TIPP en TICPE, avec une hausse du litre de gazole de 12 centimes au 1/1/18 qui devait se poursuivre par une nouvelle taxe de 7 centimes au 1/1/19 annulée pour cause de gilets jaunes.

 

L’abandon, total ou partiel, du nucléaire, secteur économique décisif, qu’il conviendrait d’analyser sans procès, depuis l’abandon de Super-Phénix, a conduit à ce qu’il n’y ait plus de construction de réacteurs dont le dernier fut Civaux démarré en1998. Le savoir-faire acquis dans la construction des actuels 58 réacteurs a été depuis perdu. C’est vrai pour les entreprises mises aujourd’hui dans l’incapacité de construire dans les temps le réacteur EPR de Flamanville, comme par exemple l’impossibilité à présent de trouver des soudeurs hautement qualifiés pour réaliser les soudures de cet EPR dont le frère jumeau chinois a démarré en juin 2018 et tourne à plein régime depuis octobre 2018.

Bien sûr, étant dénigrée dans son pays, la France, cette industrie de haute technologie est fragilisée ; elle ne peut plus désormais gagner des marchés à l’export (hormis le combustible) alors que 53 réacteurs sont en construction dans le monde et que le projet de 5 réacteurs (2 en GB, 3 en Turquie) vient d’être abandonné par l’industrie japonaise. Qui va prendre la relève ? La Russie ou la Chine, à 10 milliards le réacteur !

Les 220.000 emplois industriels directs générés par la 3ème filière industrielle française auxquels s’ajoutent 3 fois plus d’emplois induits, doivent faire l’objet de toutes les attentions pour préserver nos capacités à répondre à l’enjeu du renouvellement du parc de production

D’autre part, la feuille de route PPE précise que « la France doit conserver une capacité industrielle de construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour des enjeux de souveraineté ».

Ce contrat ne porte pas de détermination réelle pour engager sans tarder la filière dans la voie d’un développement durable (Réacteur à Neutrons Rapides, séparation-transmutation pour les déchets haute activité). Pourtant, cette voie renforcerait l’indépendance du pays quant à la production d’énergie bas carbone par utilisation des stocks considérables d’uranium actuellement présents sur le sol national, et participerait à son acceptabilité sociale.

 

La filière gaz, détenue par ENGIE, est constituée en France par des segments industriels cloisonnés (autrefois contenus dans une seule entreprise : GDF) : Elengy (Points de livraison du gaz naturel par bateaux), Storengy (Stockage gaz souter-rain), GRT Gaz (Transport Gaz par Gazoduc), GRDF (Gaz Réseau Distribution France) et ENGIE (Contrats d’approvisionne-ment de gaz naturel).

La stratégie du groupe ENGIE est de ponctionner à tous les échelons des dividendes, ou par d’autres stratagèmes financiers, pour faire remonter un maximum d’argent à la maison mère. Les cas de Storengy ou de GRDF sont éloquents. Pour Storengy, les dividendes sont 3 fois supérieurs aux investissements (cela est révélateur des intentions d’ENGIE quant à l’avenir du stockage gaz qui participe à la sécurité d’approvisionnement et à la stabilité des prix), et pour GRDF quasi équivalents (alors que l’accident de la rue de Trévise à Paris nous rappelle que la sécurité gazière doit être une priorité absolue). Si l’on ajoute les emprunts à taux toxiques internes au Groupe, alors les remontées annuelles deviennent indécentes ! Rappelons encore qu’ENGIE, avec d’autres prédateurs commerciaux et financiers, a obtenu la fin programmée pour 2023 du tarif réglementé gaz. Depuis la privatisation de GDF, les tarifs n’ont pas cessé d’augmenter et de fluctuer au plus grand bénéfice des actionnaires.

Par ailleurs, ENGIE détient 49 % du capital de la CNR dont le contrat d’exploitation doit être revu en 2023 ; il est à redouter qu’ENGIE devienne majoritaire et se comporte comme elle le fait avec le gaz naturel. Demain, le Rhône sera-t-il un fleuve privé ?

 

Le Conseil Départemental de la Drôme demande :

  1. qu’une partie de session du CN soit consacrée à la mise à jour de la position du PCF dans le domaine de l’énergie

 

  1. que le PCF mène campagne contre « l’obligation d’achat »[2] et pour le rachat négocié des surplus par l’entreprise publique et le parlement en respect des missions du service public (péréquation tarifaire, coût, obligation de fourniture, sécurité, intérêt avéré pour l’environnement…).

 

  1. La révision complète de la CSPE, afin de lui rendre son rôle initial de solidarité sociale sans peser sur les consommateurs, pour lutter contre la montée galopante de la précarité énergétique. Dans l’immédiat, il faut stopper son avatar, le « monstre fiscal », mis en œuvre au strict bénéfice du capitalisme vert.

 

  1. A l’instar de la pétition « Augmenter les salaires » demandant le retour à 5,5% de la TVA sur les transports en commun, Le PCF devrait demander la réduction à 5,5% de la TVA sur l’électricité domestique consommée (la TVA sur l’abonnement est déjà à 5,5%). Avec la suppression de 85% de la CSPE (coût actuel du capitalisme vert), cela équivaudrait à une réduction d’au moins 20% de la facture. C’est bon pour l’économie, le pouvoir d’achat et le moral de nos concitoyens !

 

  1. Exiger l’abrogation de la loi NOME qui impose (l’ARENH) à EDF de céder à perte 20 % de la production des CNPE aux commerciaux privés [3].

 

  1. Empêcher la privatisation des barrages et restituer en totalité la CNR au domaine public.

 

  1. Proposer un référendum sur la renationalisation complète d’EDF-GDF avec un contrat de service public déterminé et suivi par le parlement, les usagers et les salariés.

 

Adopté le 29/1/2019.  Pour : 22,   Contre : 0,   Abstention :  1.

 

[1] Ce Surcoût, la CSPE, est qualifié « d’impôt innommé » par la Cour des Comptes car il s’applique à tous les citoyens/usagers de l’électricité. De ce fait il devrait être débattu par le Parlement, chaque année lors du vote du budget de l’Etat. Mais les protagonistes du « Renouvelable » ont pris la précaution de prendre toutes les décisions par décrets pour échapper au contrôle et au vote des parlementaires sur l’évolution du tarif de la CSPE.

[2] Les promoteurs des ENR – le lobby du capitalisme vert- clament partout qu’éolien et photovoltaïque sont compétitifs. Donc rien ne justifie plus le maintien de l’obligation d’achat, ni de subventions. Dans son communiqué du 23/12/2018, l’association « Sauvons le climat » publie les chiffres issus de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). Le montant de la CSPE de 2003 à 2019 s’élève à 38 milliards. Le surcoût des projets engagés par le Gouvernement s’élève à 108 milliards de 2020 à 2044. Avec la TVA, à 20%, cela fait 175 milliards soustraits aux usagers/consommateurs. Une spoliation géante et inutile, car la pollution ne provient pas de l’électricité produite en France.

[3] Face à l’argument défendu à l’Assemblée Nationale de la détérioration du coût de production de l’électricité causée par cette loi, le 1er ministre FILLON du Gouvernement SARKOZY a considéré que ce coût bas constitue une distorsion de la concurrence au niveau européen, cet argument n’est par contre pas retenu lorsqu’il s’agit du dumping social. On comprend donc mieux les assauts répétés et malveillants de l’Allemagne et de la Suisse à l’encontre de notre industrie nucléaire alors que ces Etats ont fait le choix d’abandonner le nucléaire, technologie qui a l’avantage, outre son bas coût, de fournir une énergie disponible et pilotable à tout instant, un atout pour tous les usagers, en particulier industriels.

http://www.pcfdrome.fr/

 

Le nucléaire ne peut sauver le climat si on en construit très peu

Le Monde publie toujours des articles spécieux à propos de l’électronucléaire…
Pierre Le Hir utilise encore un petit procédé scandaleux : Il explique que l’évaluation du 12 gCO2/kWh vient de la SFEN (sous entendu peu crédible) pour donner plus de poids aux « autres études » qui donnent 66 gCO2/kWh.
Et bien sur, il ne dit pas que 12 est le chiffre retenu par le GIEC; ce serait lui donner trop de légitimité.
Le Monde est décidément un repère de journalistes militants.

Le nucléaire ne suffira pas à sauver le climat

Pour les experts du climat, le nucléaire est une réponse possible, mais surtout une réponse partielle avec des dommages collatéraux.

« Pour relever le défi de l’énergie et du climat, dans le cadre d’une baisse drastique des émissions des gaz à effet de serre, le nucléaire peut jouer un rôle en France, et sans doute en Europe et dans le monde, puisqu’il présente une production totalement décarbonée. » La déclaration n’émane pas du président d’EDF, mais du ministre de la transition écologique et solidaire, François de Rugy, pourtant sceptique de longue date vis-à-vis de l’énergie nucléaire, qui s’exprimait devant les représentants de la filière lundi 28 janvier.
Ces déclarations reflètent une réalité : l’urgence climatique est en train de changer la donne du débat sur l’atome. C’est bien au regard du climat, et non plus seulement des risques associés à l’énergie de la fission, que se pose aujourd’hui la question de la place du nucléaire dans la production d’énergie. Celui-ci, font valoir ses partisans, ne génère pas – ou très peu – de CO2, ce qui le rend incontournable pour endiguer le réchauffement planétaire.
Pourtant, le nucléaire reste marginal dans le mix énergétique mondial : il ne pèse que pour 10 % dans la production d’électricité totale – la France, avec ses 75 % de nucléaire, fait figure d’exception. Dans les différents scénarios étudiés aussi bien par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) que par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il joue un rôle croissant mais limité dans les politiques climatiques. L’atome est-il alors, sinon la clé, du moins l’une des clés d’un monde plus tempéré ?

  • Une énergie peu carbonée…

L’atome d’uranium est paré d’une grande vertu : sa fission n’émet pas de gaz à effet de serre. Toutefois, la filière nucléaire n’est pas neutre en carbone. Si l’on considère l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction du minerai à la gestion des déchets radioactifs en passant par la construction, l’exploitation et le démantèlement des réacteurs, elle génère en moyenne 12 grammes d’équivalent CO2 par kilowattheure produit, indique la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), dans une étude d’octobre 2018.
D’autres études retiennent pourtant des chiffres d’émissions indirectes sensiblement plus élevés, avec une valeur médiane de 66 grammes. En tout état de cause, le bilan carbone du kilowattheure nucléaire est très largement inférieur à celui du charbon (820 grammes) et du gaz (490 grammes), et dans les mêmes ordres de grandeur que le solaire photovoltaïque (de 41 à 48 grammes selon les systèmes), de l’hydroélectricité (24 grammes), et de l’éolien terrestre ou offshore (11 à 12 grammes).
Citant une étude de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la SFEN note que depuis 1970, le nucléaire a évité le rejet de plus de 60 milliards de tonnes de CO2, l’équivalent de cinq années d’émissions du secteur électrique. Sa déléguée générale, Valérie Faudon, en tire la conclusion qu’« il ne sera pas possible de ralentir les émissions de gaz à effet de serre sans que les pays qui disposent de la technologie nucléaire ne développent ou ne renouvellent leur parc ».
Cependant, le raisonnement vaut si le nucléaire se substitue à des centrales à charbon, à pétrole ou à gaz. Ou, à l’inverse, lorsque des réacteurs nucléaires sont fermés et remplacés par des centrales à gaz comme cela a pu avoir lieu dans certains Etats américains.
Toutefois, cette logique ne tient plus si l’atome est mis en balance non pas avec les ressources fossiles, mais avec les renouvelables. Mais il faudrait pour cela disposer d’un parc renouvelable suffisamment étoffé et diversifié, avec des capacités de stockage importantes et un réseau bien géré, pour lisser la variabilité du solaire et de l’éolien. C’est l’un des arguments répétés par les défenseurs du nucléaire : les réacteurs produisent de l’électricité à la demande et de manière continue, contrairement aux éoliennes et aux panneaux solaires.

  • … mais une question d’échelle

Malgré ses atouts, l’atome est confronté à un problème d’échelle. Les 453 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans trente pays ne fournissent qu’un peu plus de 2 % de la consommation d’énergie finale de l’humanité. Rapportée à la seule production d’électricité, leur part ne dépasse pas 10 %.
A l’échelle mondiale, le facteur nucléaire est donc aujourd’hui secondaire dans l’équation énergétique et climatique. Pour qu’il pèse de façon significative, il faudrait changer d’ordre de grandeur en déployant des milliers de nouveaux réacteurs sur le globe. Une perspective irréaliste, aussi bien sur le plan économique que technique ou géopolitique. Actuellement, une cinquantaine de réacteurs seulement sont en construction dans le monde.
Certes, l’AIE prévoit que d’ici à 2040, la production d’énergie primaire issue du nucléaire augmentera de plus de 40 %, pour l’essentiel en Chine et en Inde. Mais à cette échéance, la part de l’atome dans le mix électrique mondial sera toujours de l’ordre de 10 %, compte tenu de l’augmentation à venir de la consommation.
Se pose aussi la question des ressources d’uranium. Selon le rapport 2018 de l’Agence de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’énergie nucléaire, les réserves connues exploitables à un coût compétitif (fixé à 130 dollars, soit 113 euros, le kilo de minerai) permettraient de couvrir les besoins en combustible, à leur niveau actuel, pendant plus de 130 ans. Le gisement est donc important mais limité, et il s’épuiserait vite si le parc nucléaire croissait de manière exponentielle. Sauf à exploiter des ressources encore hypothétiques ou aux coûts d’extraction supérieurs. Ou à mettre en œuvre de nouvelles technologies, comme les réacteurs à neutrons rapides – capables de brûler de l’uranium naturel non enrichi en matière fissile et de recycler des déchets nucléaires –, dont l’avenir est aujourd’hui très incertain.

  • Ce que disent les experts du GIEC

Dans son récent rapport sur la possibilité de limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, le GIEC a étudié une multitude de scénarios permettant de ne pas dépasser ce seuil, ou de ne pas trop s’en écarter. La plupart d’entre eux prévoient une hausse substantielle du recours au nucléaire, dont la part dans la consommation d’énergie primaire devrait être multipliée par un facteur de deux à six en 2050, par rapport à 2010.
La plupart mais pas tous, précisent cependant les climatologues : certains scénarios parviennent au même résultat avec une baisse du nucléaire, en capacité installée comme en part de la production électrique. Surtout, les modélisations donnent une priorité aux renouvelables, qui devraient fournir de 70 % à 85 % de l’électricité au milieu du siècle.
En outre, le GIEC met en garde contre les dangers associés au développement de l’atome, en citant « les risques de prolifération [d’armes nucléaires] » ou « des effets environnementaux négatifs ». Dans son dernier grand rapport d’évaluation, publié en 2013 et 2014, il soulignait déjà que « divers risques et obstacles » sont attachés au nucléaire, qu’il s’agisse du fonctionnement des centrales, de l’extraction de l’uranium ou des « problèmes non résolus que soulève le traitement des déchets ».
Pour les experts du climat, le nucléaire est donc une réponse possible au réchauffement, mais une réponse partielle et non dénuée de dommages collatéraux.

  • L’exception française

Se focaliser sur l’Hexagone peut brouiller la vision d’ensemble. Avec ses cinquante-huit réacteurs en activité – le parc le plus important après celui des Etats-Unis –, qui fournissent bon an mal an les trois quarts de son électricité (un record absolu), la France est en effet un cas singulier.
Mais même dans ce contexte unique au monde, le poids du nucléaire est à relativiser. L’électricité représentant un quart de la consommation d’énergie finale nationale, l’atome fournit environ 18 % du mix énergétique total. Le gros des besoins reste couvert par le pétrole et le gaz naturel, avec une contribution encore réduite (17 %) des renouvelables.
Il est vrai que grâce à sa forte composante nucléaire, le système électrique français ne génère aujourd’hui que 22 millions de tonnes de CO2 par an (chiffre de 2016), et que le secteur de la production d’énergie dans son ensemble représente moins de 11 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (50 millions de tonnes sur un total de 463 millions). Ce qui montre, au passage, que les efforts de décarbonation doivent surtout être menés dans les transports (responsables de 30 % des émissions françaises), le bâtiment et l’agriculture (environ 20 % des émissions dans les deux cas). La priorité restant de réduire la consommation d’énergie, dont la loi de transition énergétique prévoit la division par deux en 2050.

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des Eaux: à gauche une photo « normale », un enregistrement d’un paysage avec la centrale. A droite : une photo « fictionnelle », retravaillée numériquement, pour illustrer l’idée : « à quoi ressemblerait ce même paysage sans la centrale ».

Centrale nucléaire de Saint-Laurent-des Eaux: à gauche une photo « normale », un enregistrement d’un paysage avec la centrale. A droite : une photo « fictionnelle », retravaillée numériquement, pour illustrer l’idée : « à quoi ressemblerait ce même paysage sans la centrale ». / JEAN-PIERRE ATTAL

Pour autant, pour s’en tenir au seul secteur électrique, les scénarios du Réseau de transport d’électricité (RTE, filiale d’EDF), sur lesquels l’exécutif s’est appuyé pour bâtir la programmation pluriannuelle de l’énergie, ne font pas du nucléaire un passage obligé. L’objectif de passer de 75 % à 50 % d’électricité d’origine nucléaire ayant été repoussé à 2035, plusieurs scénarios permettent au système électrique d’être aussi performant qu’aujourd’hui en termes d’émissions de CO2 – voire meilleur –, tout en fermant de onze à vingt-sept réacteurs nucléaires. A condition de donner une forte impulsion au photovoltaïque et à l’éolien, en complément du socle que forme déjà l’hydraulique.
Y compris en France, l’action climatique ne repose donc pas inéluctablement sur l’atome. Tout au contraire, estime Yves Marignac, directeur de l’agence indépendante d’information sur le nucléaire Wise-Paris, « le recours au nucléaire s’avère contre-productif », en constituant « un frein pour la transition bas carbone », dont les ressorts les plus efficaces sont à ses yeux « un développement massif de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables ».

  • L’épreuve du marché

Au demeurant, la politique énergétique et climatique n’échappe pas aux réalités du marché. Et le nucléaire n’est plus le mieux placé.
En France même – qui n’est pas le pays le plus ensoleillé ni le plus venté –, les derniers appels d’offres ont fait chuter les prix entre 50 et 60 euros le mégawattheure (MWh) pour le solaire photovoltaïque, et à 65 euros pour l’éolien terrestre. Soit des niveaux comparables à ceux de l’électricité sur le marché de gros. Pour l’éolien en mer, ils sont encore deux fois plus élevés, mais ils baisseront eux aussi, si du moins les turbines prévues au large du littoral français finissent par tourner et par stabiliser la filière.
En face, le nucléaire, dont le parc hexagonal a déjà été largement amorti, affiche aujourd’hui des tarifs compétitifs. Mais le nouveau nucléaire sera plus coûteux. Le prix de l’électricité qui proviendra de l’EPR de Flamanville (Manche), dont EDF prévoit la mise en service en 2020, a été chiffré en 2012 par la Cour des comptes « entre 70 et 90 euros le MWh ». Il s’agit bien sûr d’un prototype et, pour l’avenir, EDF, qui promettait naguère un EPR optimisé moins cher au KWh que les renouvelables, annonce désormais un réacteur « compétitif par rapport aux énergies fossiles », autour de 70 euros le MWh. En attendant, le prix de vente négocié avec le gouvernement britannique pour les deux EPR prévus à Hinkley Point dépasse 100 euros.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie a produit, en décembre 2018, une étude sur le mix électrique français à l’horizon 2060. Elle conclut que « le prolongement d’une partie du parc nucléaire historique (…) permet une transition efficiente d’un point de vue économique et climatique ». Mais que « le développement d’une filière nucléaire de nouvelle génération ne serait pas compétitif pour le système électrique français ».
Cela, sans prendre en compte la facture d’un éventuel accident nucléaire majeur, que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire avait estimé pour la France, en 2013, à plus de 400 milliards d’euros.
Le choix politique de l’option nucléaire peut être justifié par de multiples considérations : développement ou préservation d’une filière industrielle, possibles exportations de technologies, sauvegarde de bassins d’emplois où la fermeture de centrales entraînerait une reconversion difficile. Mais il ne saurait se présenter comme l’unique, ou même la principale réponse à la menace climatique.