Allemagne – Les alarmistes gouvernent (traduction de Die Welt)

Traduction de l´article du journal national « Die Welt » du 19.10.2019: « Es regiert das
Panikorchester »

Les alarmistes gouvernent

Harcelée par l’activisme à court terme, la politique allemande prend des décisions dont elle ignore tout simplement les conséquences négatives.
On disait que l’Allemagne était mal gouvernée, mais bien administrée. Entre-temps, elle n’est même plus bien administrée, parce qu’en fin de compte, chaque autorité a un chef politique, le maire, l’administrateur de district, le secrétaire d’État ou le ministre. Entre-temps, la politique s’est infiltrée profondément dans l’appareil administratif et le dirige – de préférence contre le mur. L’incohérence des décisions régit l’ordre du jour ; souvent, une main sait certes ce que fait l’autre, mais elle s’en fiche. L’essentiel, c’est que tout sonne juste et corresponde à la tendance actuelle de l’excitation quotidienne.
Selon que l’air du temps soit à la maladie de la vache folle, la grippe aviaire, l’énergie nucléaire, le charbon, le dépérissement des forêts, le changement climatique, les oxydes
d’azote, les particules fines, les substances toxiques des moteurs diesel, les problèmes de logements, le plafonnement des loyers, le glyphosate, les Friday for Future, Extinction Rebellion et autres buzz paniques dans l’orchestre. Et là, beaucoup de politiciens ne veulent
pas se tenir à l’écart, mais plutôt courir à la tête de la foule éclair (flash mob) pour sauver le monde. Le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder réagissent volontiers par un activisme à court terme. C’est ainsi que les gouvernements se contentent de réagir. En particulier à la Chancellerie, il semble exister une brigade entièrement chargée d’enquêter sur la volonté supposée des électeurs. Ainsi, le fait qu’un million d’immigrés peuvent également avoir besoin d’un million d’appartements supplémentaires n’est pas résolu de manière adéquate par la demande d’un plafonnement des loyers.
C’est surtout dans la jungle idéologique de la transition énergétique que la concurrence entre
les mesures contradictoires devient évidente.
Si les recettes fiscales sont serrées, on décide de prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires pour pouvoir prélever une taxe sur les combustibles, qui est ensuite
abrogée par la Cour Constitutionnelle allemande pour inconstitutionnalité. Puis un tsunami frappe Fukushima et la durée de vie des centrales nucléaires allemandes est
considérablement réduite, afin que les Verts du Bade-Wurtemberg ne remportent pas les élections, ce qu’ils ont quand même fait. En revanche si les recettes fiscales débordent, on
tente de profiler quels électeurs pourraient être attirés par des subventions insensées. Toute campagne est bienvenue dès qu’elle est dans la tendance.
Pendant des années les ministres verts de l’agriculture et de l’environnement ont essayé
d’arrêter la culture du Douglas du Canada dans la forêt allemande, comme arbre non indigène, comme « conifère étranger ». La foresterie multiculturelle n’avait pas sa place dans la forêt allemande. Jusqu’à ce que la sécheresse sévisse, que la forêt allemande agonise à nouveau alors les mêmes ministres et militants d’ONG exigent, pour sauver la forêt menacée
par la sécheresse, la plantation de nouvelles variétés d’arbres … comme le Douglas.
En 2013, le Douglas taxifolié était ajouté à la liste noire des « espèces envahissantes » par l’Agence fédérale pour la protection de la nature en tant que « néophyte envahissant ». Sur de
nombreux types de sols, en particulier les sols secs et acides, le Douglas serait dominant et remplacerait les espèces indigènes – une sorte d’argumentation botanique anti-migration. Et
aujourd’hui, l’immigrant robuste et mal-aimé d’Amérique du Nord est censé protéger la forêt allemande de la catastrophe climatique.

Afin de produire de l’énergie neutre en CO2, la culture à grande échelle du maïs a été propagée de manière à le faire fermenter dans de gigantesques installations de biogaz. Le gaz est ensuite brûlé pour produire principalement de l’électricité – parce que l’électricité est généreusement subventionnée par le consommateur. Le fait que les champs de maïs
s’étendant jusqu’à l’horizon sont un excellent exemple d’agriculture industrielle intensive propice au déclin des espèces végétales et animales est, bien entendu, une autre histoire.

En particulier l’énergie est un terrain de prédilection des contradictions.
Le fait que les quelque 30 000 éoliennes allemandes soient des déchiqueteuses à oiseaux et
insectes est accepté bouche cousue, car ils meurent pour une bonne cause. Une proposition
de la Fondation allemande pour la faune sauvage visant à financer une étude scientifique sur la mort des oiseaux et des insectes par les éoliennes, en collaboration avec le ministère fédéral de l’Environnement, a été courtoisement déclinée par la secrétaire d’État au nom de
la ministre.
Afin de doubler le nombre des éoliennes, le ministère de l’économie et l’énergie prévoit, lors de la planification de nouveaux parcs éoliens, d’assouplir les directives légales visant la conservation de la nature et des espèces. On ne sait toujours pas si cela s’appliquera
également à la construction routière ou ferroviaire, elle aussi souvent bloquée pendant des années sur la base des mêmes paragraphes.

Le fait que les moteurs diesel modernes consomment nettement moins de carburant que les moteurs à essence et émettent donc en principe moins de CO2, n’a plus aucune importance dès qu’apparaît le sujet des oxydes d’azote ou des vilaines particules fines. En revanche peu
importe qu’un autobus chargé de batteries lourdes subisse une plus grande abrasion de pneus qu’un véhicule plus léger puisqu’il est sur la route avec de l’électricité propre. Le degré de saleté de l’électricité et de la production des batteries qui la contiennent n’a pas d’importance puisque la production d’électricité serait ainsi débarrassée de l’énergie
nucléaire, de la houille et du lignite, et le gaz naturel ne serait pas non plus importé de Russie, ce qui pourrait renforcer la dépendance par rapport à Poutine. En lieu et place on
achètera le gaz liquide aux États-Unis, mais en aucun cas il ne doit avoir été produit par la fracturation hydraulique. Oui mais il n’y a aux Etats-Unis pratiquement plus rien d’autre.
Pendant des décennies, le chemin fer allemand (Deutsche Bahn) a été tenu à l’écart par le gouvernement, versant même un dividende impressionnant de plusieurs centaines de millions à son propriétaire, le gouvernement fédéral, lequel a ensuite investi cette somme dans le réseau ferroviaire. En d’autres termes, un jeu à somme nulle qui n’a créé que l’illusion d’un investissement majeur dans l’avenir des transports publics ferroviaires.
Aujourd’hui, le pacte sur le climat a le vent en poupe. Vingt milliards d’Euros pour sortir les chemins de fer de l’impasse – comme si le gouvernement fédéral venait tout juste de réaliser
que les chemins de fer sont le moyen de transport le plus écologique dès qu’il fonctionne à l’électricité, qu’elle provienne à 100% (comme prétendu) d’électricité verte (une astucieuse
ruse de la RP) ou non. L’électricité des chemins de fer provient du « cocktail électrique », produite en grande partie par des centrales nucléaires ou au charbon. Le vent et le soleil fournissent aussi de l’énergie. Et s’il y a un calme plat et que le soleil ne brille pas la nuit, les voisins à l’ouest aident avec leur énergie nucléaire et les voisins à l´est avec leur charbon. Et au milieu, l’enfant gâté peut continuer à rêver et dans ses contradictions choisir ce qui lui plaît et occulter le reste.

DIE WELT – Stefan Aust
Stand: 19.10.2019

Es regiert das Panikorchester
Gehetzt von kurzzeitigem Aktivismus, trifft die deutsche Politik Entscheidungen, deren
negative Folgen sie einfach ausblendet, schreibt Stefan Aust
Früher sagte man, Deutschland werde schlecht regiert, aber gut verwaltet. Inzwischen wird
es nicht einmal mehr gut verwaltet, denn jede Behörde hat am Ende einen politischen Chef,
den Bürgermeister, Landrat, Staatssekretär oder Minister. Inzwischen ist die Politik tief in die
Verwaltungsapparate eingesickert und steuert diese – am liebsten gegen die Wand.
Widersprüchlichkeit von Entscheidungen regiert die Tagesordnung, oft weiß die eine Hand
zwar, was die andere tut – aber es kümmert sie kaum. Hauptsache, es klingt alles gut und
entspricht dem aktuellen Tagestrend der Aufregung.
Je nachdem, ob gerade Rinderwahnsinn, Vogelgrippe, Atomkraft, Kohle, Waldsterben,
Klimawandel, Stickoxide, Feinstaub, Diesel-Stinker, Wohnungsnot, Mietendeckel, Glyphosat,
Fridays for Future, Extinction Rebellion oder andere Hypes der Panikorchester angesagt
sind. Da wollen viele Politiker nicht abseitsstehen, sondern lieber an der Spitze des
jeweiligen Flashmobs zur Rettung der Welt mitlaufen. Die Bundesregierung und die
Regierungen der Länder reagieren gern mit kurzzeitigem Aktivismus. So werden aus
Regierungen Reagierungen. Vor allem im Kanzleramt scheint es eine ganze
Fahndungsgruppe zur Erforschung des vermeintlichen Wähler*innen-Willens zu geben. Das
Problem etwa, dass eine Million Zuwanderer möglicherweise auch eine Million zusätzliche
Wohnungen brauchen, wird durch die Forderung nach einem Mietendeckel nur unzureichend
gelöst.
Besonders im ideologischen Ökodschungel der Energiewende wird der Wettbewerb
gegenläufiger Maßnahmen deutlich.
Sind die Steuereinnahmen knapp, wird eine Verlängerung der Laufzeiten von
Atomkraftwerken beschlossen, damit eine Brennelementesteuer kassiert werden kann, die
anschließend vom Verfassungsgericht kassiert wird. Dann schlägt ein Tsunami in Fukushima
zu, schon wird die Laufzeit der hiesigen Kernkraftwerke drastisch reduziert, damit die Grünen
in Baden-Württemberg nicht die Wahlen gewinnen, was sie dennoch taten. Sprudeln
hingegen die Steuern, wird erforscht, welche Wähler*innen durch unsinnige
Subventionierungen angelockt werden können. Kampagnen machen sich immer gut – mal
so, mal so.
Im deutschen Wald versuchten die grünen Landwirtschafts- und Umweltminister jahrelang
den Anbau der aus Kanada stammenden Douglasie als nicht heimischer Baum, als
„fremdländisches Nadelgehölz“ zu stoppen. Forstwirtschaftliches Multikulti hatte im
deutschen Wald nichts zu suchen. Bis die Dürre ausbrach, der deutsche Wald mal wieder im
Sterben lag und dieselben Minister und NGO-Aktivisten zur Rettung des durch Dürre
bedrohten Waldes ultimativ den Anbau neuer Baumsorten wie der Douglasie forderten.
Noch im Jahre 2013 wurde die Douglasie vom Bundesamt für Naturschutz (BfN) als
„invasiver Neophyt“ auf die Schwarze Liste „invasiver Arten“ aufgenommen. Auf vielen
Bodentypen, insbesondere auf trockenen und sauren Böden, sei die Douglasie dominant und
verdränge heimische Arten – quasi eine botanische Anti-Migrations-Argumentation. Jetzt soll
der robuste ungeliebte Zuwanderer aus Nordamerika also den deutschen Wald vor der
Klimakatastrophe schützen.

Um CO2-neutrale Energie zu produzieren, wurde der flächendeckende Anbau von Mais
propagiert, damit dieser in gigantischen Biogasanlagen vergärt werden kann. Das Gas wird
dann zumeist zur Elektrizitätsherstellung verbrannt – denn Strom wird vom Verbraucher
reichlich subventioniert. Dass Maisfelder bis zum Horizont geradezu ein Musterbeispiel für
industrielle Intensivlandwirtschaft und den damit verbundenen Artenrückgang von Pflanzen
und Tieren sind, steht natürlich auf einem anderen Blatt.
Gerade das Thema Energie ist ein Tummelplatz der Widersprüche.
Dass die knapp 30.000 Windräder in Deutschland Schreddermaschinen für Vögel und
Insekten sind, wird stillschweigend in Kauf genommen, denn sie sterben ja für eine gute
Sache. Ein Vorschlag der Deutschen Wildtierstiftung, gemeinsam mit dem
Bundesumweltministerium eine wissenschaftliche Untersuchung zum Vogel- und
Insektensterben durch Windräder zu finanzieren, wurde von der Staatssekretärin im Auftrag
der Ministerin dankend abgelehnt.
Um die Zahl der Windräder zu verdoppeln, plant das Wirtschaftsministerium, die
gesetzlichen Richtlinien für den Natur- und Artenschutz bei der Planung neuer Windparks zu
lockern. Ob das dann auch für den Straßen- oder Bahnstreckenbau gilt, der aufgrund
derselben Paragrafen häufig für Jahre blockiert wird, ist bislang noch unklar.
Dass moderne Dieselmotoren deutlich weniger fossile Brennstoffe verbrauchen als etwa
Benzinmotoren und deshalb im Prinzip auch weniger CO2 ausstoßen als Benziner, spielt
keine Rolle, wenn es um Stickoxide oder den bösen Feinstaub geht. Der wiederum spielt
keine Rolle, wenn ein mit schweren Batterien beladener Bus einen höheren Abrieb an den
Rädern hat als ein leichteres Fahrzeug. Dafür ist er ja mit sauberem Strom unterwegs. Wie
schmutzig der Strom und die ihn aufnehmenden Batterien erzeugt worden sind, spielt dabei
wieder keine Rolle. Dafür wird dann die Stromproduktion von Kernenergie, Steinkohle und
Braunkohle befreit und das Erdgas am liebsten auch nicht mehr aus Russland importiert, das
könnte die Abhängigkeit von Putin stärken. Stattdessen kauft man dann Flüssiggas aus den
USA, das aber auf keinen Fall durch Fracking erzeugt worden sein darf. Anderes gibt es von
dort aber kaum noch.
Die Deutsche Bahn durfte jahrzehntelang am ausgestreckten Arm der Regierung hungern
und musste sogar noch eine stattliche Dividende von mehreren Hundert Millionen an ihren
Eigentümer, den Bund, abführen – der diesen Betrag dann ins Schienennetz investierte. Also
ein Nullsummenspiel, das nur die Illusion einer großen Investition in die Zukunft des
öffentlichen Nah- und Fernverkehrs erzeugte.
Jetzt kommt Rückenwind aus dem Klimapakt. Zwanzig Milliarden soll die Bahn aus der
Kasse bekommen – als wäre der Bundesregierung erst jetzt frisch eingefallen, dass die Bahn
das umweltfreundlichste Fortbewegungsmittel ist, sobald sie mit Strom aus der Oberleitung
fährt, ob der nun (wie werbemäßig behauptet) zu hundert Prozent aus Ökostrom stammt
(was eine raffiniert eingefädelte PR-Schummelei ist) oder nicht. Auch bei der Bahn kommt
der Strom aus der Steckdose, also der sogenannten „Stromsuppe“, und die wird weitgehend
von Kern- oder Kohlekraftwerken hergestellt. Auch Wind und Sonne liefern zu. Und wenn es
eine Flaute gibt und die Sonne ausnahmsweise nachts nicht scheint, helfen die Nachbarn
zur Linken mit Atom- und die Nachbarn zur Rechten mit Kohlestrom aus. Und das Goldkind
in der Mitten darf weiterträumen und sich aus Widersprüchen das Passende aussuchen und
das nicht Passende ausblenden.
Stefan Aust ist WELT-Herausgeber

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Hoesung Lee’s speech (IPCC president), from the IAEA conference, about nuclear and climate

Hoesung Lee’s speech (IPCC president) from the IAEA conference

https://twitter.com/iaeaorg/status/1181116534477017089?s=19

Excellences and dear colleagues,
I wish to thank very much the IAEA for organizing this very timely and important conference.
Nuclear power currently supplies about 11% of the world’s electricity. Today’s output, as you know very well, is lower than it was a decade ago. Ten years ago, when there was no Paris agreement, the world global temperature was not as high as today’s one degree C above pre-industrial levels. 10 years ago, when the world did not have the benefit of having IPCC’s special report on 1.5 degrees, we didn’t know at the time the differential impacts of global warming of 1 degree C, 1.5 degrees C and 2 degrees C and its policy implications.
Four years ago, at the December 2015 COP-meeting in Paris, the countries invited IPCC to provide a special report on the very important aspects of 1.5 degrees and the impacts of keeping the warming to 1.5 degrees as well as the compatible mitigation pathways to achieve that global warming.
Now, one of the key conclusion is that, as was very often mentioned in this conference as well as also before this conference, it is feasible to limit the global warming 1.5 degrees C. Considering that the world is already experiencing warming, it implies that it is feasible to achieve a limited warming of close to 0.5 degrees C. It is feasible. But more important message is that limiting that warming to 1.5 degrees C comes with the opportunities for clean economy, job creation, better jobs, innovation and great potential for achieving sustainability.

We analyzed 21 models, globally available, and we came up with the conclusion that to limit 1.5 degrees C global warming, the global net anthropogenic CO2 emissions must reach net-zero around 2050. That must be accompanied by very deep reductions in non- CO2 emissions as well. Obviously, emission reductions of that scale and speed require a very rapid transition in energy, industry and consumption. Emissions in all of these sectors must be virtually eliminated, net-zero, within a few decades. Achieving this will require a wide portfolio of mitigation options and a significant upscaling of investments in those options. The transitions required to realize this emission reduction are clearly unprecedented in terms of scale but not necessarily in terms of speed.
The benefit of limiting warming to 1.5 degrees C is lower climate related risks to ecosystems, health, livelihoods, food security, water supply, human security and economic growth.
Now, what is the implications for the energy sector transition? We have so much relied on fossil fueled energy systems the last 100 years. Reducing energy sector CO2 emissions to 0 by 2050 involves three broad strategies. One is energy efficiency improvement, the second is increased electrification and, [thirdly], decarbonization of electricity supply. As I said before, we examined 21 models available and those 21 models provided by the scientific communities a total of 85 emission pathways consistent with 1. 5 degrees C.

Looking at energy efficiency first. Efficiency is reflected in the data of the global primary energy supply. Across these 85 pathways modelled pathways of 1.5 degrees C implies that the medium primary energy supply declined from 582 exajoule in 2020, the next year, to 503 exajoule 2030, in 10 years, and then 581 exajoule in 2050. These projections are, of course, uncertain – let me say this very clearly – uncertain. And the range increases as they go further into the future. For 2050 the range is 289 to 1012 exajoule. In short, over the next 30 years global energy primary energy supply could grow at a rate of 1.9% or decline at a rate of 2.3% per year. But the medium projection is no growth of primary energy supply to 2050. Stabilizing primary energy for the next 30 years while the global population and income rises is possible only with significant improvements in the efficiency of energy production, transformation, distribution and final use.

Now, secondly, about electrification. The electricity share of global energy use is projected to more than double. Generally known that electricity is more versatile than fossil fuels and in most energy use more efficient. Based on median values of 89 1.5 degrees C pathways, electricity share as primary equivalent of total primary energy arises from 19% in 2020 to 43% in 2050. As usual the ranges across the pathways are very large, over 3 decades, but in every case global electricity consumption rises. The rate of growth varies between 0.5% and 5% per year. This is the range.

Thirdly, about decarbonization. Increased electrification reduces emissions only if the power comes from non-fossil sources. Fossil fuel share of electricity generation declines from 63% to 22% within the next 30 years and this is based on median results of 89 pathways. Non-biomass renewables offset this decline of fossil generation and most of the increased supply. Over 30 years their supply increases from 25 exajoule to 137 exajoule, that is an average annual growth rate of 5.9%.

Now finally about nuclear power. In most 1.5 degrees C pathways, nuclear power contributes to the decarbonization of electricity supply over the next 30 years. Based on, again the median results of these 89 pathways, nuclear power increases from 11 exajoule in 2020 two 23 exajoule in 2050 – an average annual growth rate of about 2.5%. There are large variations, however, in nuclear power between models and across pathways. The pathway with minimum nuclear power assumption anticipates output of only 3 exajoule in 2050 – about 30% of the 2020 output. While the pathway with maximum reliance on nuclear power estimates 116 exajoule on nuclear power on that year – a tenfold increase from 2020. One reason for this large variation is that the future development of nuclear can be constrained by societal preferences, assumed that narratives underlying the pathways. A second reason for the variation is the technology assumptions built into the models. For example, only 7 of 21 models we analyzed includes advanced small modular reactor designs as possible technologies. In addition to electricity generation, nuclear energy contributes to mitigation of other GHG missions in many pathways. Nuclear process heat is an option in 6 of the 21 models used to generate the emissions pathways.

Clearly, 1.5 degrees C pathways are consistent with everything from negligible nuclear power to a tenfold increase in nuclear power over the next three decades. The opportunity exists. The challenge is how much of the opportunity will you be able to catch up? Time is critical, so the share of the opportunity you capture will depend on the speed at which nuclear technology can be deployed.

In summary, human activity has already led to 1 degree C increase in global average temperature. It is still possible, though, but challenging, to limit the global average temperature increase to 1.5 degrees Celsius – the goal of the Paris agreement. To meet that goal will require the global net anthropogenic CO2 emissions to be reduced to net- zero by 2050 and that human induced emissions of other GHGs be reduced to zero shortly thereafter. The strategies for reducing energy related CO2 emissions are robust and well known: very ambitious efficiency improvements, increased electrification and decarbonization of electricity supply.

The available models indicate that this can be done using widely different mixes of technologies including pathways with much greater and with very limited use of nuclear power. In short, there is considerable potential as well as uncertainty for nuclear power. Obviously, we don’t and cannot know what technologies will be available over the next 30 years and how they will perform. The challenges for nuclear power are to be a cost- effective alternative to other non-fossil generation technologies and to deploy nuclear power much faster than in the past. I wish you success in meeting these challenges because climate needs all the help it can get.

Thank you very much for your attention.

French translation here

RECONQUERIR L’AUTONOMIE DE DECISION DANS L’INTERET DU CONSOMMATEUR PARTICULIER ET INDUSTRIEL. (H. Proglio)

FONDATION RES PUBLIQUA

2019 – RECONQUERIR L’AUTONOMIE DE DECISION DANS L’INTERET DU CONSOMMATEUR PARTICULIER ET INDUSTRIEL. LE SENS DE L’INTERET GENERAL ET L’UTILITE D’UNE VISION A LONG TERME.

Intervention d’Henri Proglio, ancien Président-directeur général d’EDF, lors du colloque « Défis énergétiques et politique européenne » du mardi 18 juin 2019.

Je crois, Monsieur le ministre, qu’il y a un croisement de politiques qui non seulement ne sont pas cohérentes mais se contredisent.

On ne peut pas dire qu’on en sorte pleinement convaincu.

Je n’ai pas pour habitude de tenir des discours très diplomatiques. Vous me pardonnerez d’être parfois un peu brutal.

Des politiques nationales de l’énergie, il en a existé, notamment en France.

Il y a soixante-dix ans le constat avait été fait que la France, ne bénéficiant pas de ressources énergétiques, était totalement dépendante de ses importations et qu’il était nécessaire de construire son indépendance énergétique, d’assurer la qualité des services et l’accès permanent de tous à l’énergie à un prix compétitif. C’est ce qui a guidé la France dans ses choix énergétiques de l’époque.

Ces choix ont été initialement marqués par l’hydraulique qui représente encore 12,5 % de la production d’électricité en France. Ce fut ensuite la grande aventure nucléaire qui a donné à ce pays un outil (le parc nucléaire français : cinquante-huit réacteurs, plusieurs en « construction éternelle ») et, à travers un opérateur initié et construit pour cela (EDF), l’électricité la plus compétitive d’Europe qui arrive au même prix dans tous les foyers, quelle que soit leur situation géographique, y compris dans les DOM-TOM.

La France avait conquis son indépendance énergétique, un atout dont ne disposait aucun autre pays industriel, a fortiori européen.

Il y avait alors une politique, il y avait même un ministre de l’Energie.

Aujourd’hui, il n’y a plus de politique énergétique mais une politique de la « transition ». On mute, on transite, on essaye de détruire ce qui existe pour aller vers… quelque chose dont ni l’objectif ni même les grandes caractéristiques n’ont été définis.
(On dirait un dialogue d’Audiard !!!)

On a donc confié la « transition » à des ministres qui ne sont pas chargés de l’énergie.

Dans le même temps, un pays voisin qui, bien que n’ayant pas eu cette consistance, avait réussi sa politique industrielle, donc sa compétitivité mondiale à travers son industrie, a identifié un grand risque : son énergie électrique coûtait à peu près deux fois plus cher que l’énergie française.

Or, dans la compétitivité des territoires, l’énergie allait jouer un rôle déterminant. Par conséquent, à défaut de résoudre son problème, il lui fallait a minima détruire la compétitivité du voisin.

J’avais rencontré Mme Merkel en 2011 au moment de la décision sur l’Energiewende et de l’arrêt du nucléaire. Elle avait eu ces paroles dont je me souviendrai toute ma vie : « Allemande de l’Est, je suis totalement convaincue par le nucléaire. Mais j’ai besoin des Verts pour gagner les élections régionales et demain les élections nationales. Je sacrifie les industriels de l’énergie allemande à l’intérêt supérieur du Reich qui est d’avoir la CDU à la tête du pays ». On pouvait comprendre et j’ai parfaitement intégré la variable de la politique allemande.

Malheureusement, il n’y avait pas de politique française en face !

Pourtant, de temps en temps, on ajoute une disposition qui permet de continuer à détruire ce qui existe… « Oblige-t-on EDF à vendre son énergie à ses concurrents ? », demandiez-vous, Monsieur le ministre. Oui, bien sûr. Chaque jour on promeut un fournisseur d’énergie (Engie ou autre) qui vend de l’énergie 10 % moins cher présentée comme « verte » !

En réalité, ces fournisseurs vendent avec bénéfice l’énergie qu’ils achètent à EDF, en prétendant qu’elle est « verte » ! Il s’agit donc d’une subvention à la concurrence.

En effet, le seul principe qui guide l’Europe : la concurrence fait le bonheur des peuples, balaie l’argument selon lequel nous avons un système qui est peut-être monopolistique mais qui est efficace !

Les barrages eux-mêmes doivent être mis en concurrence. Or les barrages ne servent pas à produire mais à stocker. Ils sont un élément d’optimisation du système électrique, une grande pile à combustible. L’énergie stockée est utilisée quand on en a besoin, quand les centrales nucléaires sont à l’arrêt, lors des pointes de consommation etc.

Pourtant, l’Europe imposant la concurrence, nous sommes sommés de mettre les barrages en appel d’offres. J’ai résisté pendant cinq ans… Désormais soumis à concurrence les barrages vont nous être achetés pour la valeur de production et non pour la valeur d’utilité qui serait incommensurablement plus importante. On va donc désoptimiser le système électrique, augmenter le coût de revient… au détriment du consommateur qui, in fine, va payer.

Mais ce n’est pas tout. Parce que le monde regorge de liquidités, une surenchère folle sur les infrastructures aboutit à des taux d’intérêt négatifs. D’énormes liquidités ne savent pas où s’investir parce que les placements bancaires traditionnels ne sont pas rémunérés.

Or ces liquidités appartiennent à des actionnaires qu’il faut rémunérer. Quoi de mieux que de les investir dans des infrastructures vitales qui s’amortissent sur des durées très longues et permettent des investissements massifs ?

Les réseaux durent très longtemps, ils sont utilisables, comme les barrages, pendant cent ans. À condition de bien l’entretenir, un réseau peut s’amortir sur une durée très longue.

Formidable opportunité de placement des fonds mondiaux d’infrastructures qui appartiennent à la finance mondiale, à des liquidités, à des trésoreries qui fluctuent etc. On va vendre des réseaux !

En vendant les réseaux, on coupe la production du consommateur et on désoptimise une nouvelle fois le système. Avec la vente aux concurrents des barrages, des réseaux, on est en train de détruire ce qu’on a construit pendant soixante-dix ans.

Je n’ai jamais rencontré de politique européenne. Je l’ai vainement cherchée dans les tiroirs, à Bruxelles et un peu partout en Europe.

Les Espagnols ont une politique, les Italiens ont la leur.

Les Polonais, qui ont du charbon, qui veulent du gaz – et surtout éviter les Russes honnis – sont tombés dans les bras des Américains, lesquels rêvaient d’établir leur domination sur un pays européen. La Pologne est devenue américaine. Des terminaux GNL de gaz de schiste américain sont construits en Pologne. Vive l’environnement ! (J’ai passé ma vie dans l’environnement avant de venir à EDF [1]).

On a déjà parlé des Allemands.

Les Belges font ce qu’ils peuvent. Leurs sociétés, Électrabel [2] et Tractebel [3], ont été rachetées par Engie, qui n’existe pas. Les Belges sont donc au milieu de nulle part. Leurs deux centrales nucléaires étant fréquemment arrêtées ils se demandent à qui ils vont acheter une électricité qu’ils ne sont plus capables de produire.

La France faisait donc figure de havre de paix et surtout de réservoir électrique européen. Tous les pays européens comptaient, en cas de « trou noir », avoir accès à l’électricité française à un coût compétitif. Cela a été – et sera – le cas de l’Allemagne.

Que sera l’électricité française demain ? Je ne le sais pas.

De quoi parle-t-on quand on parle de politique énergétique ?

Je rappellerai quelques principes :

L’énergie est un secteur très différent des autres secteurs industriels parce qu’il est d’une nécessité vitale qui touche à la sécurité nationale.

Plus capitalistique que n’importe quel autre secteur industriel, il nécessite un horizon à très long terme. Une centrale nucléaire dure soixante ans, un réseau ou un barrage cent ans.

Les investissements, très massifs et à très long terme, doivent être réalisés en amont de la production et a fortiori de la distribution.

Toute politique énergétique doit donc avoir une vision longue, avec une politique claire et sur le long terme.

Or aujourd’hui, en raison de la financiarisation du monde et de la mondialisation, le long terme c’est trois à cinq ans !

Pour une société cotée, la dictature c’est le trimestre, le moyen terme trois ans, le long terme cinq ans. Il se trouve que cela correspond aux mandats politiques.

Quel politique réfléchit à horizon de cent, cinquante ou même trente ans ?

Lorsqu’on nous annonce des mesures à trente ans, nous comprenons qu’il s’agit de reporter les échéances pour ne pas les réaliser.

C’est regrettable parce que dans l’énergie la vision longue devrait être le cas de figure normal.

Ce fut le cas en France pendant des décennies.

Aujourd’hui, au plan national et plus encore au plan européen, le long terme est battu en brèche par la dictature de l’orthodoxie budgétaire à court terme et des contingences court-termistes.

L’énergie est aussi l’objet d’assauts de démagogie et d’injonctions contradictoires en termes de priorités.

La priorité d’aujourd’hui porte sur les gaz à effet de serre et le climat.

Or la France est exemplaire en matière d’émission de CO2 grâce à l’électricité d’origine nucléaire et hydraulique. C’est ce qui fait que la France se démarque des autres pays européens. On s’empresse donc de revenir aussi là-dessus !

Au plan européen il n’existe pas de volonté de promotion d’un modèle politique et les stratégies diffèrent d’un pays à l’autre. Aucune vision européenne.

À propos d’injonctions contradictoires, il nous faut constater qu’au plan national, faute de vision politique, de décisions politiques claires, nous ne sommes pas dans un débat rationnel.

Quelles sont les priorités ?

Le climat ?
La sécurité d’approvisionnement ?
La compétitivité industrielle ?
Le coût pour le consommateur ?

Aujourd’hui on parle beaucoup de CO2 mais sans aller au bout de cette logique. En effet le marché du CO2 fonctionne très mal et, compte tenu de notre exemplarité en matière de CO2, il faudrait surtout préserver ce qui existe.

De même, en matière d’indépendance énergétique, Olivier Appert a parlé des incertitudes et des tensions géopolitiques sur l’énergie. Il a très bien résumé la situation : elle est aujourd’hui beaucoup plus explosive qu’elle ne l’a jamais été.

Le seul pays qui ait une politique énergétique est la Chine. Parce qu’elle n’a pas de ressources, elle se retrouve, à son échelle, dans la situation qui était celle de la France vers 1950. Et, comme le fit alors la France, la Chine choisit de faire du nucléaire (neuf réacteurs chaque année), de l’hydraulique (le barrage des Trois-Gorges est la première centrale hydraulique du monde) … et un peu de renouvelables, autant que faire se peut.

C’est certainement le plus grand chantier renouvelable du monde mais il est totalement marginal par rapport à la production chinoise qui est encore essentiellement charbonnière.

La politique chinoise consiste à tendre la main à son voisin russe. L’énorme contrat gazier signé entre la Chine et la Russie n’est que la traduction de cette volonté politique chinoise.

Accessoirement, la Chine vient grappiller les infrastructures existantes en Europe (au Portugal, en Grèce…), non pas pour s’intégrer dans le système mais pour en prendre le contrôle. En effet, prendre le contrôle des réseaux, c’est prendre le contrôle du système énergétique. C’est ce qui a été fait il y a trois ou quatre ans en Grèce sans que personne n’y voie rien à redire.

Le débat énergétique est par ailleurs biaisé par de fausses affirmations quotidiennes.

J’ai cité l’Allemagne, archétype surréaliste du mensonge ! En effet, avec son Energiewende et sa volonté affichée de développer les EnR, l’Allemagne a doublé ses émissions de CO2 tandis que la France est restée exemplaire à cet égard. (NDLR : parle-il en fait du gaz fossile ?)

Avec 85 GW de solaire et d’éolien, l’Allemagne produit 120 TWh d’énergie électrique intermittente là où le parc nucléaire français en produit 400. On voit les divergences et l’énorme différentiel entre la France et l’Allemagne en matière de politique énergétique. D’où les remises en cause.

Depuis 2012, l’Allemagne a mis en route chaque année l’équivalent d’un Fessenheim en énergies renouvelables pour un résultat ruineux qui ne lui sert pas à grand-chose et peu d’efficacité.

Aujourd’hui elle ne sait comment faire face aux besoins sans importer massivement une énergie française évidemment nucléaire.

On oublie – ou on occulte – beaucoup de choses.

On oublie d’abord que les énergies renouvelables sont intermittentes, sauf l’hydro-électricité, mais que les besoins sont essentiellement des besoins de base.

On oublie assez facilement les spécificités géographiques. Il est absurde de construire du solaire en Scandinavie où il fait nuit six mois par an. Les pointes de consommation, dans les pays européens, ont lieu l’hiver et la nuit… le solaire est très utile mais c’est une réponse assez limitée.

En France on a trouvé la réponse, on donne des subventions beaucoup plus importantes au kW, au GW ou au TW produit là où il n’y a pas de soleil pour compenser le manque de soleil.

Selon cette logique sidérante, il vaut mieux faire du solaire à Maubeuge qu’à Nice, c’est plus rentable !

On oublie aussi le coût et les problèmes du stockage. Les énergies renouvelables auront toute leur force dès lors qu’on saura stocker l’énergie. Mais on est très loin de la compétitivité du stockage. On a fait beaucoup de progrès mais, d’après les chercheurs du secteur électrique et notamment d’EDF, il faudra encore trente ans pour envisager la possibilité de stocker l’énergie de manière compétitive.

Aujourd’hui, la batterie représente le tiers du coût d’une Tesla. Ce qui peut être accessible en coût pour un véhicule automobile ne l’est absolument pas pour la commodité qu’est le besoin électrique du citoyen pour sa consommation quotidienne.

Quelles priorités ? Sécurité énergétique, coût pour le consommateur, qualité environnementale, compétitivité industrielle, climat ? Si on prend ces priorités, on répond nucléaire ou hydraulique, à l’évidence…

Encore une fois, j’ai passé ma vie dans l’environnement et je n’ai rejoint EDF que tard dans ma vie professionnelle. Je n’étais pas a priori fanatique de telle ou telle énergie mais je reconnais la puissance et l’efficacité du nucléaire. Nous avions la meilleure filière industrielle nucléaire du monde qui faisait de la France l’exemple à suivre. C’est du passé.

À la question des défis que nous devons remporter, j’ai presque envie de répondre que nous avions remporté tous les défis. Il eût suffi de continuer ce que nous faisions, de le faire un peu mieux : améliorer l’efficacité des réseaux, mettre la valeur ajoutée par les nouvelles technologies au service de l’optimisation énergétique, exporter notre savoir-faire et développer la science française dans le monde. Bref, aller à la conquête du monde entier qui a besoin d’énergie.

On n’a pas parlé du continent africain et de ses 1,2 milliard d’habitants qui seront 2,5 milliards dans trente ans. Aujourd’hui 16 % des Africains ont accès à l’électricité (70 % ont un téléphone portable). Comment peuvent-ils vivre sur ce continent sans eau et sans électricité, y compris dans des villes multimillionnaires en habitants ?
L’enjeu du monde, la bombe à retardement du monde, c’est l’Afrique !

On peut s’attendre à un déferlement migratoire. En effet, ce continent ne peut pas satisfaire les besoins de ses 1,2 milliard d’habitants actuels. Comment pourrait-il en accueillir 1,3 milliard de plus sans faire des investissements massifs en matière d’accès à ces sujets vitaux que sont notamment l’énergie et l’eau ?

Cela nécessiterait des investissements en milliers de milliards de dollars, ne serait-ce que sur les infrastructures essentielles que sont les réseaux. Je ne parle même pas de la production. S’il y avait un défi énergétique je dirais que celui-là est prioritaire sur tout ce dont on parle en permanence mais qui n’est pas important. Ce qui m’inquiète, c’est qu’on l’oublie.

Nous Français avons conçu, construit, à l’échelle d’un pays de taille moyenne mais très évolué, un outil remarquable qui a certes quelques défauts mineurs (un peu d’inertie, des problèmes de surcoûts en matière de frais de structures…). Pourquoi ne tirons-nous pas de cette compétence une certaine fierté ? Pourquoi ne ressentons-nous pas la nécessité de défendre ces acquis ?

Si on raisonnait à l’échelle européenne et si possible mondiale de la même manière qu’a raisonné la France de 1950, le défi qui est devant nous serait en voie d’être remporté.

Mais je crains que, pour des raisons souvent incompréhensibles, nous nous soyons éparpillés et que nous prenions beaucoup de retard par rapport à ces enjeux.

Je constate qu’au cours des dix dernières années on a régressé de manière considérable en matière de politique énergétique sur le continent européen.

Jean-Pierre Chevènement

Merci, Monsieur le président.

Si on se place du point de vue du gouvernement, faudrait-il relancer un nouveau programme électronucléaire après que Flamanville aura fait ses preuves (ce qui n’est pas encore tout à fait le cas) ?

Un nouveau programme nucléaire ne sera-t-il pas rendu nécessaire par le fait que nos centrales, mises en service de 1977 à 1999, arriveront à péremption dans les années 2040 si on les prolonge à soixante ans ?
Il y a donc un effet falaise. L’atout nucléaire qui existe depuis les années 1970-1980 va brusquement disparaître. Comme vous l’avez dit il faut savoir raisonner à long terme. 2040, c’est dans à peine vingt ans.

Faut-il prendre cette décision de principe de relancer un programme électronucléaire en France ? Si c’est le cas, quand faudrait-il la prendre pour qu’elle soit opératoire ?

Henri Proglio

Oui, il faut le faire. En termes économiques, industriels, l’optimum serait de prolonger la durée de vie des centrales. C’est par ailleurs nécessaire, pour la raison qu’on a beaucoup perdu en compétence nucléaire au cours des quinze dernières années.

Les conséquences de cette évaporation de compétence et des pertes gigantesques de ce qu’a été Areva sont dramatiques pour l’industrie française.

Je me suis fait couvrir d’injures pour avoir dit il y a quinze ans qu’Areva allait dans le mur. Les résultats sont là… Il se trouve que le mur n’a pas bougé et qu’on s’est fracassé. De la troisième filière industrielle du pays après l’aéronautique et l’automobile il ne reste que les traces.

Il faut reconstruire cette filière nucléaire. Nous n’avons pas aujourd’hui de réacteur compétitif à mettre en route (je ne reviendrai pas sur le sujet de l’EPR), nous devons donc concevoir un nouveau réacteur compétitif qui puisse rivaliser avec les Chinois et les Russes.

Or, en supposant que l’on prenne la décision aujourd’hui, il faudrait quinze ans pour concevoir et construire un nouveau réacteur. J’avais initialement prévu ou proposé que l’on construise une coopération avec les deux nucléaristes puissants que sont aujourd’hui les Chinois et les Russes de manière à passer cette période de transition avec un système de partenariat industriel qui nous permettrait de concevoir et de construire un nouveau modèle français.

J’ai été suivi de très loin… et ensuite contredit de très près. Rien n’a été fait.

Et chaque année, chaque mois, chaque jour nous fait perdre du temps. L’intérêt de la France est de reconstruire son potentiel nucléaire à terme. Par ailleurs son intérêt serait de participer au développement du nucléaire mondial.

Or aujourd’hui, malgré le déficit de notoriété du nucléaire – avec notamment l’accident de Fukushima et les conséquences qui s’en sont suivies – on constate un retour vers le nucléaire de beaucoup de pays, à commencer par la Suède qui, la semaine dernière, a fait savoir que le nucléaire était une industrie d’avenir.

C’est le cas de nombreux pays, notamment les pays les plus peuplés à forte intensité de besoins énergétiques, la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Égypte et tous les pays pétroliers qui craignent de voir leur rente pétrolière s’évanouir.

L’Arabie saoudite, il y a encore cinq ans, autoconsommait pour ses besoins en électricité 26 % de sa production de pétrole.

Et quand on extrapolait les besoins de l’Arabie saoudite sur les trente ans qui suivaient, on prévoyait qu’elle en viendrait à importer du pétrole. Ce qui signifiait retourner au sable pour ce pays qui ne peut pas survivre sans son pétrole.

D’où l’urgence des programmes énergétiques de ces pays, à commencer par les Émirats qui ont construit quatre réacteurs nucléaires, conscients de la nécessité qu’il y a à prendre le relais du pétrole par une autre énergie, pour leurs propres besoins et pour réserver leur outil pétrolier à la géopolitique dont parlait Olivier Appert.

Oui, la réponse logique d’une France lucide devrait être celle-là. Mais – conséquence ou hasard ? – nous n’avons plus de ministère de l’Industrie ni de ministère de l’Energie. Donc le problème n’existe pas.

Jean-Pierre Chevènement

Mais nous avions un ministère du Temps libre !

Je m’inquiète – et vos propos ne m’ont pas rassuré – sur le fait qu’il faut au moins quinze ans pour élaborer un nouveau réacteur. Cela demande en effet des études très compliquées. Nous disposons d’un EPR qui n’est pas au point par rapport à un certain nombre d’exigences, qui peut-être le sera d’ici quelques années.

En 2040 se produira l’effet-falaise que j’ai décrit tout à l’heure, c’est-à-dire la chute brutale de la production du nucléaire qui en l’espace de quelques années va passer de 50 % à 30 % puis à 20 % de notre production d’électricité.

Cela me paraît gravissime. Aucun homme politique ne s’est exprimé sur ce sujet.

Un projet de loi relatif à l’énergie et au climat, qui va être voté en procédure accélérée à la fin du mois de juin, programme la fermeture de quatorze tranches nucléaires. Où est le sens de l’avenir ? Peut-on espérer un réveil de l’esprit de service public, d’un réflexe patriotique élémentaire ? C’est d’autant plus urgent que ces décisions se prennent longtemps à l’avance.

À l’arrière-plan de tout ce qui s’est dit, nous sommes confrontés à l’effet massif de l’idéologie irrationnelle des Verts. Je préfère parler d’ « idéologie des Verts » que d’ « écologie » parce qu’il existe sûrement une bonne manière de traiter les problèmes écologiques.

Je ne suis pas du tout hostile aux exigences de l’environnement, pas plus que M. Proglio qui a été longtemps à la tête de Véolia. Selon un effet idéologique consécutif à la Deuxième Guerre mondiale, à l’horizon de l’histoire humaine le progrès a été remplacé par la catastrophe. Cet effet a beaucoup à voir avec les camps d’extermination et avec les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. La psyché collective fait que peu à peu cette psychologie s’est emparée de l’opinion à travers les médias et que, sous la pression médiatique, nous avançons vers le vide, un peu comme, dans le conte transcrit par les frères Grimm, les rats sont entraînés vers la Weser par le joueur de flûte de la ville de Hamelin. (Voir l’article de Gérard Petit)

Nous sommes dans cette situation pour des raisons profondément idéologiques et accessoirement politiciennes. On a tiré du résultat des dernières élections européennes des conséquences indues. En effet, un certain nombre de gens ont voté pour les Verts parce qu’ils ne voulaient plus voter pour la gauche, pour des raisons que l’on peut comprendre. Mais ceci ne justifie pas cela.

Le problème des verrous technologiques se pose quand même. Nous sommes confrontés au problème massif de l’intermittence des énergies renouvelables qui ne pourra être surmonté que s’il est possible de stocker l’électricité. Il y a sans doute beaucoup d’autres verrous technologiques à faire sauter.

Je fais confiance à Pierre Papon, éminent expert de la question, pour nous les décrire.

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[1] M. Proglio a longtemps dirigé Veolia Environnement.

[2] Électrabel est une société anonyme de droit belge fondée statutairement en 1905. Son nom actuel date de 1990, à l’issue de la fusion des sociétés Intercom, Ebes et Unerg. L’entreprise fait partie de Engie – actionnaire à 100 %. Electrabel est active au Benelux où elle domine le marché.

[3] Tractebel est une société internationale, d’origine belge, ayant une activité dans l’ingénierie, l’énergie, l’industrie et les infrastructures. Fondée en 1986, Tractebel appartient au groupe Engie.

Le cahier imprimé du colloque « Défis énergétiques et politique européenne » est disponible à la vente dans la boutique en ligne de la Fondation.