Jean-Pierre Pervès 27 novembre 2019
Résumé du rapport de la Commission Julien Aubert/Marjolaine Meynier-Millefert
Impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique
Les interrogations que suscite la transition énergétique tiennent à la prise de conscience de l’écart entre, d’une part, le discours présentant cette transition comme l’instrument d’une révolution technologique et sociale souriante et maîtrisée, et, d’autre part, les conséquences vécues des choix faits à mesure que ces conséquences se déploient. La transition énergétique coûte cher
Pourtant, telle qu’elle est conçue, cet effort a une portée limitée au regard des enjeux climatiques, notre production d’électricité étant déjà faiblement émettrice de gaz carbonique. Sur ces points de nombreuses divergences entre le Président (LR) et la Rapporteure (LREM)
Sont résumés ci-après :
– Les points essentiels retenus par la commission, avec, en annexe les recommandations
– Les points de vue parfois divergents de la rapporteure : elle a la main sur la rédaction du rapport et sur les recommandations. Son point de vue l’emporte donc souvent, même si les compromis trouvés ont permis une approbation marge du rapport.
– Des compléments souhaités par Julien Aubert et une partie de la commission, avec une forte priorité sur l’éolien.
Les chapitres décrivent longuement les aides, subventions et avantages multiples. Sans conclure.
L’électricité a été souvent au cœur du débat, avec en particulier son aspect saisonnier. Les échanges sur les autres points (énergies thermiques, efficacité énergétique) ont aussi été larges mais, le mode de soutien étant moins clair que pour les ENR électriques (prix fixe ou complément de rémunération), leur chiffrage reste opaque
1- Les points essentiels retenus par la commission et exposés par Julien Aubert
A – La transition du nucléaire vers les énergies électriques intermittentes n’a aucun impact sur le CO2 et ne permet donc pas de lutter contre le réchauffement climatique (5 % des émissions de CO2) . Les choix de soutien public tendent avant tout à mettre en œuvre une nouvelle transition électrique, visant à substituer au nucléaire des énergies alternatives électriques
Impact environnemental : les énergies renouvelables consomment néanmoins plus de matières minérales et métalliques que les technologies du bouquet énergétique traditionnel, ainsi qu’une plus grande variété de métaux .
Conclusions de la Commission : constat partagé d’une politique de soutien à l’énergie électrique sans impact majeur en termes de réduction des émissions de CO2, (hors arrêt centrales au charbon) et à l’impact environnemental possiblement plus négatif qu’anticipé.
– Ce choix énergétique représente une dépense de plusieurs dizaines de milliards d’euros, en période de disette budgétaire, sur fond de crise du consentement fiscal. Cela nous amène au point 2 de cet avant-propos.
– l’opinion publique est trompée sur le véritable impact de la politique éolienne et photovoltaïque.
B – Le coût budgétaire de la politique de soutien aux énergies intermittentes se chiffre en dizaines de milliards d’euros en raison d’un modèle économique dépendant des subventions publiques et ce modèle est peu flexible. Le soutien public direct à l’éolien représente de 72,7 à 90 milliards d’euros, pour une filière appelée à représenter 15 % au maximum de la production électrique en 2028 .
La transition énergétique a beaucoup d’un commerce de subventions publiques et on pourrait même craindre une spirale du subventionnement.
Plus on développe des énergies intermittentes, plus on perturbe le modèle économique des autres modes de production : le coût marginal de production, qui est privilégiée par le rapport, occulte le coût global économique de la politique de transition électrique. Ce qui importe, c’est le coût complet (incluant les modifications du réseau qui sont nécessaires pour absorber l’intermittence, ou le coût du refoulement de l’électricité). L’augmentation des coûts de système résulte de l’ajout de moyens de production non pilotables qui bénéficient d’une garantie de priorité d’achat de leur production.
Les surcoûts sont payés par les citoyens français, mais la complexité est telle que la transition est une boîte noire . La CSPE ne finance plus la transition écologique directement mais le budget général.
D’autres surcoûts interviennent, payés par le consommateur d’électricité : financement du raccordement de l’éolien en mer ,de l’extension du réseau ENEDIS pour les intermittentes, du financement du marché de capacité.
Une chose est sûre : les auditions de la commission d’enquête ont mis en évidence l’impact des prélèvements sur les factures d’électricité et de carburant : près de 57 milliards d’euros, dont seulement une dizaine sont effectivement affectés à la transition énergétique. La commission recommande une taxe de financement de la transition énergétique s’appliquant transversalement à toutes les consommations énergétiques, à des taux différents en fonction du degré de carbonation.
C – Acceptabilité sociale : les nouvelles énergies sont grandes consommatrices d’espace . Les difficultés tiennent au rejet du gigantisme et aux conflits d’usage se trouvent démultipliées, traduisant le symbole du divorce entre une stratégie nationale « parisienne » et une mise en application complexe dans une ruralité échaudée . Des témoignages ressort l’impression désagréable de pratiques qui trahissent une vision plus proche du Far West que d’un conservatoire des écosystèmes. L’éolien est clairement apparu, aux yeux d’une très large partie des membres de la commission, comme « le mal-aimé » de la transition énergétique. Il est urgent d’abaisser les tensions en décrétant un moratoire dans les territoires impactés où les projets d’implantation sont disputés et en revoyant les règles d’éloignement par rapport aux habitations.
D – Intermittence, foisonnement et stockage :
– Les gestionnaires de réseaux doivent désormais faire face aux conséquences de l’intermittence et du caractère non pilotable des ENRi.
– Plusieurs auditions ont fragilisé l’argument d’un foisonnement efficace (existence de périodes de faible vent sur la quasi-totalité de l’Europe de l’Ouest, et corrélation des productions solaires et éoliennes à l’échelle de l’Europe).
– le stockage par batteries, n’est pas à l’échelle des besoins, même si cette technologie peut contribuer à accroître la flexibilité du système électrique et réduire les coûts d’adaptation du réseau.
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E- Qu’attendre d’un saut technologique ?
La crédibilité des scénarios remplaçant la totalité de la production d’électricité d’origine nucléaire par une production éolienne accompagnée de stockage semble douteuse. Il faudrait investir dans une puissance trois fois supérieure dans le cas de l’éolien, qu’il faudra renouveler deux à trois fois compte tenu de la moindre durée de vie de l’investissement. Le système électrique éolien demanderait un montant d’investissement cinq fois supérieur au montant requis par le système électrique nucléaire, dans l’hypothèse la moins favorable à ce dernier .
La rapporteure estime que seul un investissement sur le stockage électrique permet la viabilité de la montée en puissance des énergies intermittentes. Cela revient à dire que tous les choix politiques de diminution de la part du nucléaire au profit des énergies électriques se sont basés sur un pari sur l’avenir. Or techniquement, à l’heure où ce rapport est rédigé, ce mix n’est pas viable.
Il ne s’agit pas seulement d’une discussion académique, mais bien d’une prise de risque à la dimension du système électrique lui-même, avec ses conséquences massives pour la population, en raison du niveau d’électrification des usages atteint aujourd’hui.
La variabilité de production ne permet pas de suppléer le moteur nucléaire en France et l’Europe connaîtra une méga panne électrique qui ne pourra qu’être dévastatrice en matière économique mais aussi en termes d’ordre public .
F – Une autre transition énergétique
Ce constat plaide donc pour une réorientation du soutien public en faveur des actions d’efficacité énergétique à fort impact en termes de réduction des émissions de CO2. Il faut réallouer les fonds aujourd’hui positionnés sur l’éolien et le photovoltaïque au profit des autres priorités .
Face à une demande des politique locaux d’une territorialisation de l’énergie, il serait « de bonne méthode d’articuler une mission de programmation, confiée à un commissariat à la transition énergétique, pour la planification des infrastructures de production d’énergie, avec le choix de la contractualisation comme instrument de mise en œuvre ».
La politique énergétique doit être écologique, au-delà du seul objectif carbone. Il ne peut y avoir de politique énergétique sans prise en compte des préoccupations liées à la biodiversité, y compris pour les ENR .
Le grand mérite de ce rapport est d’être resté honnête sur la retranscription des auditions, contrairement au rapport sur la sûreté nucléaire de Mme Barbara Pompili. Madame le Rapporteur, Madame Marjolaine Meynier-Millefert, a minutieusement rapporté et décrit les mécanismes complexes de la politique de transition énergétique. Je tenais à la remercier pour ce souci .
2 – La petite musique de la Rapporteure LREM
Sa stratégie était destinée à ne pas surreprésenter une ENR par rapport à une autre et à apporter une vue d’ensemble à la question posée par le Président Aubert. Certains sujets auraient mérité d’être traités « de manière encore plus approfondie mais la commission a donné largement la parole aux détracteurs des ENR notamment électriques, notamment éoliennes.
Les ramifications sont telles qu’il est impossible de considérer que les recherches et analyses l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables sont aujourd’hui suffisantes. Aucun rapport ne saura synthétiser la question( !!!).
Ce rapport, ne permettra en aucune façon de clôturer ce débat qui doit être porté devant la nation. Il est indispensable que les choix stratégiques énergétiques puissent être, dès le prochain quinquennat ( ???), discutés au sein d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie est indispensable.
La promesse historique d’une électricité peu chère semble vouloir être tenue coûte que coûte, y compris par des aides invisibles pour le consommateur : elle n’est pas tenable .
Rapprocher le coût réel de l’électricité produite du prix réel de l’électricité payée semblerait de nature à responsabiliser les Français vis à vis de leurs consommations quotidiennes et de leurs usages énergétiques. Nos politiques notamment de solidarité énergétiques soient particulièrement morcelées, coûteuses et inefficaces .
Une taxe unique corrigée du prix de l’augmentation, pourrait être mise en place. De systématiquement affectée pour trois tiers à la compétitivité économique, à la solidarité énergétique et à l’investissement dans la transition énergétique.
Votre Rapporteure recommande ainsi qu’une mission d’information formule des recommandations pour une politique coordonnée et efficace de lutte contre la précarité énergétique et sur les coûts évités en résultant (de santé et insertion sociale…).
Le fonds chaleur pourrait-il être doté entièrement des recettes liées à la fin des remboursements de la dette de l’État à EDF (environ 1 milliard d’euros). Les recettes des quotas carbones pourraient être affectées entièrement à l’efficacité énergétique (environ 900 millions d’euros).
Pour le chauffage, les énergies les plus décarbonées ne sont pas les solutions électriques mais les ENR thermiques (solaire, géothermie, gaz renouvelable, bois) qui n’appellent pas de production carbonée en renfort de la pointe en période de chauffage ( ???).
Il pourrait apparaître, qu’il serait économiquement plus rentable de recourir prioritairement au gaz vert (au lieu de l’électrification, dans les limites des possibilités de productions) pour une part des usages liés à la mobilité.
Le financement de la R&D ne semble pas cohérent avec les objectifs de transition fixés dans la PPE . L’hydrogène et la pile à combustible sont des clefs technologiques majeures de l’avenir énergétique et la décarbonation des transport : ils ne bénéficient que de 28 millions sur 1098.
Il faut lever les freins éventuels à l’implantation des ENR électriques soulevés par les populations locales et les recours liés à d’éventuels rejets.
L’opinion est que les pouvoirs politiques décisionnels dans le domaine de l’énergie restent en faveur de l’État. Mais une dynamique de territorialisation de la décision est portée par les régions, et par les élus locaux. Mais les critères d’appréciation retenus doivent être commun et la somme des politiques locale cohérente avec les objectifs nationaux
3 Les propositions de recommandations collectives souhaitées par Julien Aubert et 7 députés et non retenues par la Rapporteure
Le rapport étant rédigé par la rapporteur, Julien Aubert, bien qu’ayant approuvé le rapport et ses recommandations, a émis un certain nombre de critique avec 7 collègues députés.
– la Rapporteure préconise de poursuivre les subventions, tout en accentuant le soutien de l’État en amont sur le développement des projets Il ressort pourtant des auditions que le subventionnement aux énergies renouvelables coûte cher et qu’un grand nombre de filières sont aujourd’hui matures ou presque. Il convient donc de cesser toute politique de complément de rémunération pour les énergies renouvelables électriques matures (éolien terrestre et photovoltaïque).
– la Rapporteure propose de mieux prendre en compte les zones de pêches dans l’éolien en mer. L’éolien en mer doit s’orienter vers l’éolien flottant(interdiction de parcs dans des zones de pêche ou des parcs naturels marins.
– Obligation pour le promoteur éolien de provisionner chaque année, sur 15 ans, de quoi atteindre 50 000€ pour chaque MW d’éolien installé sur un compte de la Caisse des Dépôts et Consignations pour financer le démantèlement et le recyclage des éoliennes en fin de vie, et non 75 000 pour le projet, ce qui semble insuffisant.
– au niveau national, l’ADEME devrait être remplacée par un commissariat de la transition énergétique rattaché au Premier ministre qui pilotera l’aménagement du territoire en matière d’énergie.
– le « Repowering » éolien doit respecter les documents d’urbanisme et les directives paysagères, tout comme une nouvelle installation.
– Moratoire sur tout projet éolien terrestre ou maritime posé qui ne fait pas l’objet d’un consensus politique local.
D’où des recommandations non retenues dans le rapport de la Rapporteure :
Recommendations Député s’associant à la recommandation
– Mettre en place un moratoire sur l’éolien terrestre et maritime posé quand il n’y a pas de consensus politique local sur la commune impactée ou le territoire impacté. Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Vincent Descoeur ; Laure de La Raudière ; Véronique Louwagie ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
– Privilégier le développement de l’éolien flottant, hors des zones de pêche et parcs naturels marins. Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Vincent Descoeur ; Laure de La Raudière ; Véronique Louwagie ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
– Cesser toute politique de complément de rémunération aux énergies renouvelables électriques matures (éolien terrestre et photovoltaïque) et développer les mécanismes de soutien en amont (études, garantie aux
investisseurs pendant la phase de faisabilité). Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Vincent Descoeur ; Laure de La Raudière ; Véronique Louwagie ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
– Rééquilibrer les crédits budgétaires consacrés aujourd’hui aux énergies renouvelables électriques matures vers les nouvelles filières énergétiques (par exemple l’hydrogène), ainsi
que vers l’habitat et les transports. Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Vincent Descoeur ; Laure de La Raudière ; Véronique Louwagie ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
– Proportionner la hauteur des éoliennes, pâles comprises, à la distance aux premières habitations, comme le recommande le rapport de l’Académie de médecine du 3 mai 2017 (faire passer cette distance minimale à 1500 m pour toute éolienne dépassant 180 m pales comprises
ou, à défaut, limiter les éoliennes à 150 m pales comprises). Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Laure de La Raudière ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
Vincent Descoeur et Véronique Louwagie préconisent une distance par rapport aux habitations à 10 fois la hauteur du mât
– Revenir à la programmation des éoliennes dans les documents d’urbanisme au niveau de
l’intercommunalité (plan local d’urbanisme) avec la zone de développement éolien (ZDE). Julien Aubert ; Sophie Auconie ; Xavier Batut ; Vincent Descoeur ; Laure de La Raudière ;
Véronique Louwagie ; Emmanuel Maquet ; Didier Quentin
4 – Et les aspects financiers
Sur l’impact économique persiste un grand flou. Aucun tableau global sur les financements mais une longue analyse de l’ensemble des mécanismes, sans chiffrage global.
– La TICPE finance à titre principal le CAS « TE » et en fait donc un instrument direct de financement de la transition énergétique, tandis que la TICC le finance de façon plus marginale .
– Les dépenses en faveur des énergies renouvelables au cours de ces dernières années. De 1,5 milliard d’euros en 2011, elles sont passées à 5,4 milliards d’euros en 2019 et devraient atteindre environ 7 milliards d’euros en 2022.
– Selon le directeur général de la DGEC, le soutien public à de nouveaux projets est chiffré à 30 milliards d’euros sur toute la durée de la PPE, dans les secteurs de l’électricité et du biogaz. Les projets déjà engagés représentent quant à eux 95 milliards d’euros de crédits budgétaires, dont une partie doit encore être financée.
– Le niveau de la CSPE était insuffisamment élevé pour faire face aux engagements de l’État. EDF est le principal bénéficiaire de ce remboursement de dettes, qui s’élève à 1,6 milliard d’euros en 2018, 1,8 milliard en 2019 et le reste à payer de 896 millions d’euros en 2020.
– Les investissements privés restent timides. Les investisseurs institutionnels ont mobilisé 1,8 milliard d’euros pour des projets de production d’électricité renouvelable en 2017. La Cour des comptes préconise toutefois que ces acteurs interviennent en priorité sur les filières encore peu matures, afin de ne pas se substituer aux investisseurs privés quand des technologies sont d’ores et déjà compétitives.
– I4CE estime que subsiste un important déficit de financement des énergies renouvelables pour parvenir aux objectifs de la PPE, estimé entre 1,1 et 2,3 milliards d’euros pour la période 2016-2020.
– I4CE évalue à 73 milliards d’euros en France en 2017 les investissements fossiles défavorables aux objectifs climatiques de notre pays, 71 milliards concernent le secteur des transports (nouveaux véhicules thermiques) et 900 millions le secteur de l’énergie fossile.
ANNEXE
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
I. RECOMMANDATIONS GENERALES
II. ENR ELECTRIQUES
III. ÉOLIEN
IV. TRANSPARENCE DES FINANCEMENTS
V. MIEUX SOUTENIR LES ENR THERMIQUES
VI. ÉCONOMIES D’ENERGIE
VII. RENOVATION ENERGETIQUE
VIII. LUTTE CONTRE LA PRECARITE ENERGETIQUE :
IX. MIEUX ASSOCIER LES TERRITOIRES, PARTAGER LES CONTRAINTES ET LES BENEFICES DE LA TRANSITION ENERGETIQUE
X. MIEUX ASSOCIER LES CITOYENS: