D. Finon :
« Vous trouverez en attaché une note critique sur les publications de chercheurs du CIRED qui concerne les scénarios 100% EnR et sur l’usage qu’ils en font ensuite à des fins politiques pour participer à la campagne des bien-pensants en faveur de cette vision totalitaire. Vous avez sans doute vu passer une tribune dans Le Monde du 7 janvier nous annonçant qu’il vaudrait mieux économiquement adopter l’option tout EnR . Ils utilisent la « Science » en s’appuyant sur de gros modèles complexes basés sur des flopées d’hypothèses pour justifier ce qu’ils souhaitent, sachant que personne n’a envie de soulever le capot de ces modèles pour regarder ce qu’il y a dedans. Et finalement, comme il est courant avec de telles pratiques, ce qu’ils disent a de grandes chances de passer auprès des medias et de ceux dont les croyances sur les bienfaits des EnR et les abominations du nucléaire avec ses risques et ses coûts horrifiques, ne demandent qu’à être confirmées. Or leur exercice est en soi très critiquable car présentant de nombreuses limites dont. l’invention d’une fable technique à propos d’une technique de stockage qui permet de résoudre en dernier ressort tous les problèmes venant de l’intermittence..
Etant moi-même chercheur associé au CIRED , vous pourriez vous demander pourquoi je ne cherche pas à limiter la polémique au sein du CIRED. Or il se trouve que les collègues en question se sont engagés avec d’autres dans une croisade où il s’agit de comme on le voit dans les liminaires de leur réponse aux critiques de Henri Prevot sur leur exercice 100% EnR posté sur le site Chroniques de l’Anthropocène, que voici : « L’année 2021 sera importante sur la faisabilité et les conditions d’un mix électriques avec moins ou sans nucléaire, du fait de la publication attendue d’une étude RTE/AIE, d’une étude RTE et d’une étude ADEME. Aussi nous avons donc jugé opportun de répondre à la note d’Henri Prévot, car, est-ce utile de le dire, nous la pensons peu fondée. Alain Grandjean s’est joint à nous en publiant la présente réponse sur le Blog des Chroniques de l’Anthropocène« . Il s’agit bien d’influer sur les exercices plus officiels, dont l’un demandé par l’ancienne ministre de la transition écologique.
Bien cordialement,
Dominique FINON
Directeur de Recherche émérite au CNRS
Médaille de bronze du CNRS
Ancien président de l’Association des Économistes de l’énergie (FAEE) »
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Les impasses scientifiques des exercices 100% EnR faits au CIRED.
Quid de leur médiatisation ?
Auteur : Dominique FINON
Directeur de recherche émérite au CNRS[1]
Télécharger le PDF ici (version B du 26/01/2021) :
(Mis à jour suite à la correction du tableau 2 : 178 €/MWh en 99 €/MWh)
15 janvier 2021
Trois chercheurs du CIRED (ou associé) ont publié dans Le Monde daté du 7 janvier 2021 une tribune intitulée « La fin de l’électricité nucléaire bon marché » dans lequel on affirme qu’«un mix électrique majoritairement nucléaire n’est pas la meilleure option économique ». Ils se réclament pour cela de la légitimité de publications dans deux revues à comité de lecture et de l’utilisation d’un modèle très complexe d’optimisation d’un système électrique supposé pouvoir être recréé en 2050 sur « greenfield » après tabula rasa[2]. La première publication dans The Energy Journal (référée par la suite exercice S/P/Q) démontre, avec une version du modèle ignorant le nucléaire et le CCS qu’un mix 100% EnR est non seulement faisable, mais économique par rapport au prix que paient actuellement les Français dans leur facture, sans trop s’encombrer d’une comparaison avec une optimisation ouverte à toutes les technologies bas carbone pilotables, car le problème du carbone n’est pas leur préoccupation dans cet article, mais juste. Ceci leur permet d’ignorer que d’autres exercices avec des technologies bas carbone pilotables, dont le nucléaire, montrent des coûts d’ensemble deux à trois fois inférieurs à ceux d’un mix avec 100% d’EnR.
En se référant à leur seconde publication dans Energy Economics (référée par la suite exercice S/P), basée sur une version du modèle élargie au nucléaire, au CCS et aux technologies fossiles sous contrainte carbone, ils écrivent dans cette même tribune que le mix optimal compterait environ 25 % de nucléaire en 2050, en supposant que son coût sera divisé par deux par rapport aux EPR actuellement en construction en Europe. (…) Cette part pourrait monter à 50 % si les prochains EPR parviennent à diviser leur coût au moins par deux et si les progrès des renouvelables sont plus lents que prévu. Mais la part optimale du nucléaire pourrait aussi tomber à zéro si son coût ne diminue pas d’au moins 40 % (ce qui serait [déjà] une amélioration notable) ». Ce qui est frappant quand on se reporte à l’article, c’est que les auteurs « communiquent » sur l’inversion des compétitivités relatives entre EnR et nucléaire, comme si c’était le résultat principal de l’article. (Celui-ci est en effet beaucoup plus large dans son ambition, en s’appesantissant sur l’effet de différents niveaux du prix du carbone sur le mix technologique dans plusieurs scénarios sur les coûts des diverses technologies bas carbone). Autre problème, le résultat concernant le seul nucléaire tel qu’il est présenté dans la tribune ne s’y retrouve pas exposé dans l’article, ce qui veut dire que les auteurs ont été cherchés des résultats de leur exercice de modélisation auxquels le lecteur n’a pas accès, ce qui est assez inhabituelle comme pratique.
De plus, dans ces articles, les auteurs n’expliquent pas pourquoi ils trouvent des résultats très différents de plusieurs exercices très connus sur le mix électrique à 80-100% d’EnR comme celui de l’ADEME de 2016 qui trouve des coûts doubles sur le premier sujet[3], et ceux de l’étude conjointe de l’OCDE-AEN et du MIT sur le second sujet[4] qui montre que dans le meilleur des cas, la part optimale des EnR par rapport au nouveau nucléaire est nulle ou au maximum de 15% avec les techniques de stockage. Etude qui montre aussi qu’un mix avec des parts d’EnRi imposées au-delà de cette part optimale a un surcoût de plus en plus important atteignant 75% du coût du mix optimal pour 70% de part de production d’EnRi. Plus important, et c’est ce qui explique les différences de résultats, le modèle non seulement suppose un développement de technologies de stockage par pompage hydraulique (STEP) et par batteries au Li-ion à très haut niveau, mais surtout il formalise de façon totalement erronée une des deux technologies de stockage totalement inventée, ce qui va contribuer à résoudre tous les problèmes d’équilibrage horaire, hebdomadaire et intersaisonnier dus à l’intermittence, l’ensemble permettant de mettre pratiquement au même niveau les EnR non pilotables avec les technologies bas carbone pilotables quand leur part dans le mix est très élevée. Ce que les reviewers des deux revues n’ont pas pu voir par manque de temps pour analyser des formalismes complexes des systèmes électriques avec EnRi, ou pas voulu voir par la biais culturel favorable aux EnR qui est désormais habituel dans ces revues (qui les incline à ne pas rechercher la source de résultats inhabituels favorables aux EnR).
L’usage de ces articles publiés dans des revues à comité de lecture pour diffuser des points de vue purement politiques pose un problème de fonds pour un institut de recherche se voulant scientifique comme le CIRED. On voit à l’œuvre ce pouvoir de légitimation dans le compte rendu très engagé de A. de Ravignan dans AlterEco de décembre 2020 (p.62-63) à la suite du webinaire organisé le 19 novembre 2020 par le CIRED sur les résultats du premier article « Récemment, trois chercheurs du CIRED ont publié dans The Energy Journal, une revue scientifique à comité de lecture, un article sur ce que seraient les coûts d’un système 100% renouvelable en intégrant les incertitudes fortes qui entourent ce sujet en traitant de 315 scénarios de coût(…)« . Ils démontrent à l’aide d’un modèle complexe qu' »un scénario 100% renouvelable est possible et …pas cher( …) égal ou inférieur au coût actuel » parce que notamment « le coût du stockage [qu’on s’attend à être élevé] ne doit pas être surestimé, étant de l’ordre de 15% du coût total du système, lui-même proche du coût actuel d’ensemble du système
Je centrerai ma critique d’abord sur l’article publié dans The Energy Journal sous le titre « How Sensitive are Optimal Fully Renewable Power Systems to Technology Cost Uncertainty? » qui conclut « le coût d’un système électrique 100% renouvelable pour la France en 2050 (52 €/MWh en moyenne) serait inférieur ou similaire à celui du système de production électrique actuel » (coût qui correspond) « à 35% d’une facture-type d’électricité (CRE, 2018), qui coûte donc entre 59€/MWh et 70€/MWh. Et même si certains coûts futurs seront différents de ceux que l’on attend, le surcoût moyen sera moins de 9% du coût du scénario« . Trois défauts majeurs sont à relever dans l’exercice, qui mettent en question la scientificité de la démarche et rendent critiquable l’usage médiatique qui en est fait. [5]
- L’approche fermée
D’abord l’approche est totalement fermée en ignorant les technologies bas carbone pilotables, le nucléaire et les centrales gaz avec CCS en premier lieu. Une étude d’une équipe du MIT de 2018 adopte la même démarche de balayage mais dans deux groupes de scénarios, l’un sans nucléaire et CCS, l’autre avec nucléaire et CCS[6]. Elle trouve des différences de coût entre les deux de 42 à 163% en défaveur de scénario 100% EnR (voir tableau) explicable par le besoin de beaucoup plus de capacités à installer en production auxquelles doivent s’ajouter celle de stockage. Il aurait été donc possible de faire autrement.
A la lumière du tableau suivant on devine que les différences de coût entre scénario sans et avec pilotables viennent de l’importance des capacités à installer en production auxquelles doivent s’ajouter des capacités de stockage dans le scénario sans pilotable, environ deux fois et demi plus importante au total.
Tableau 1. Comparaison des coûts entre scénario sans et avec pilotables (nucléaire, CCS, biopower) dans l’exercice du MIT
Scénarios sans pilotables° | Scénarios avec pilotables | |
Coût moyen scénario central avec mid-range cost &bio resource | 220 $/MWh | 105 $/MWh |
Rapport coût sans pilotable/coût avec pilotables sur ensemble scénarios | 1,42-2,63 | |
Capa prod & stockage/ Demande de pointe | 5 à 8 fois | 1,3 à 2,6 |
Mix électrique en neutralité carbone, scénario mid range costs, 5 g/kWh | ||
Non pilotables : Eolien +PV | 35 GW +95 GW | 4 GW +12 GW |
Turbine à gaz et CCGT avec gaz fossile | 0 GW | |
Biogaz et biomasse | 9 GW | |
Nucléaire | 19 GW | |
Total production | 130 GW | 48 GW |
Stockage batteries 2h et 4h | 47 GW | 4 GW |
En second lieu, cette approche ne cherche pas à comparer des mix avec différents niveaux de développement des EnRi , ce qui ne permet pas de comprendre combien coûteront des politiques de promotion des EnR à très grande échelle, ce que permettent à l’inverse les exercices pertinents que l’a recensé dont ceux du MIT, de l’OCDE-AEN, de la chaire CEEM de Dauphine et du CMA Mines ParisTech. La fermeture de l’approche ne permet pas de voir l’accélération de la croissance des coûts du système d’ensemble pour chaque MW d’EnRi supplémentaires entre 60% et 100% d’EnR, comme le montre l’exercice de l’ADEME de 2016 qui portait sur la faisabilité technique et économique d’un scénario 100% EnR comme l’exercice Q/P/S. De plus cette prospective basée sur l’hypothèse de création instantanée d’un mix électrique en 2050 ne permet pas d’imaginer le coût des politiques qui accompagneront la croissance de parts de renouvelables au cours des 30 prochains années, coût qui comprend en particulier les coûts échoués associés à la destruction massive de valeur sur les actifs nucléaires existants par leur fermeture prématurée avant leur fin de vie technique et économique.
- L’absence de comparaison avec des exercices identiques
L’article ignore les exercices 100% EnR, et pas seulement ceux de l’ADEME et de l’OCDE, aux résultats très différents car ils arrivent à des coûts doubles (tableau 2), voire au-delà en ayant pratiquement les mêmes hypothèses sur le coût des technologies (voir tableau 3), ce qui n’explique pas ces très grandes différences. On nous dit vaguement que le progrès techniques et les baisses de coût présentes et futures sur les éoliennes et le solaire PV et les types de stockage sont tels que le problème posé par la variabilité des EnR intermittentes (EnRi) est quasiment résolu, ce qui n’est pas vrai puisqu’on voit l’inverse dans des exercices basés sur de hypothèses de coût voisines et un traitement identique simplificateur des coûts de transport et distribution associés au développement de capacité d’EnR sur tout le territoire national.
Tableau 2 Comparaison des résultats sur les coûts d’ensemble et le mix électrique de l’exercice S/P/Q avec six autres exercices

Tableau 4. Comparaison des hypothèses de coûts en 2050

Il faut carrément se plonger dans les hypothèses et les équations du modèle pour comprendre d’où viennent de telles différences en mettant pour l’heure de côté des hypothèses sur les coûts qui seraient systématiquement favorables aux EnRi[8] avec leur facteur de charge, de même pour les stockages, sans oublier les contraintes qu’il aurait lieu de mettre sur les capacités pouvant être installées en éolien on shore, off shore et solaire au sol (les auteurs se réfèrent aux exercices de l’ADEME pour les définir, mais elles pourraient être plus restrictives[9]).
Il faut rechercher parmi les hypothèses et la formalisation de la demande annuelle et des besoins en équilibrage horaire, saisonnier et intersaisonnier résultant de la variabilité des productions d’EnRi d’un côté et des opérations représentant les sources de flexibilité et de stockage qui vont contribuer à satisfaire les besoins d’équilibrage de l’autre côté.
3.Les hypothèses favorables du côté des besoins d’équilibrages
On peut noter plusieurs problèmes
- Une représentation de la demande en énergie annuelle et en structure horaire en 2050 qui facilite la mise en place d’un système 100% EnR par deux biais:
- 1/ la demande d’énergie annuelle est supposée être inférieure à l’actuelle (420 TWh au lieu de 521 TWh), malgré l’électrification des usages d’ici 2050, ce qui limite les besoins en capacité de production EnR en deçà des limites politiques,
- 2/ le scénario de demande pris par les auteurs (celui de l’exercice de l’ADEME de 2016) suppose un aplatissement assez radical de la courbe de charge hebdomadaire et annuelle en supposant une réduction significative de la pointe liée à celle de la limitation des consommations du chauffage électrique par des investissements très coûteux en rénovation thermique (elles ne sont plus que de 40 TWh alors qu’elles devraient être du double). Ces hypothèses permettent de réduire sensiblement le problème de la pointe dû au chauffage électrique et celui de l’équilibrage intersaisonnier (notamment face au risque de trou noir des productions EnRi en période anticyclonique de grand froid).
- L’absence de prise en compte du problème de stabilité du système en fréquence et en tension du fait de l’absence de machines tournantes dans le système 100% EnR. Il faudrait en fait installer des centrales à gaz en cycle combiné qu’il faudrait mobiliser à cette fin et limiter le recours aux batteries qui sont déjà installées, ce qui les rendrait moins rentables. A noter que ce problème est difficile à traiter en modélisation d’ensemble car il complexifie beaucoup le formalisme; dans les modèles de notre comparaison, seul celui du CMA (Krakowski et al. 2018) l’inclut et montre comment cette contrainte de stabilité peut « dimensionner » le recours aux EnRi à hauteur de 65% de part de production dans un mix 100% EnR en 2050, le reste étant de la production électrique pilotable à base de biogaz et de biomasse solide.
- Alors que dans tous les autres modèles considérés dans la comparaison, les stockages participent à la fourniture des services systèmes (FRR) au côté des centrales de production dispatchables, le modèle S/P/Q ne leur donne aucune fonction en ce sens.
4.Les hypothèses favorables du côté des sources de stockage et de flexibilité
Précisons d’abord que les auteurs de l’exercice, pour simplifier leur modèle ont décidé de ne pas prendre en compte les effacements, les couplages intersectoriels (production d’H2 et de CH4 vers d’autres usages que le stockage intersaisonnier) et les interconnexions avec les systèmes voisins (qui permettent de profiter des dé-corrélations des productions EnRi). Comme ils le précisent, cette simplification joue dans le sens de l’accroissement des coûts d’ensemble. Et donc, selon les auteurs, si on montre que ces coûts d’ensemble sont acceptables, on peut en déduire qu’ils seraient encore plus favorables si on prenait en compte ces possibilités
On repère d’abord une hypothèse favorable dans la possibilité de doubler la capacité installée en STEP (Station de transfert d’énergie par pompage) de 5,8 GW à 9,3 GW sans prendre en compte les contraintes d’acceptation (selon la PPE de 2020, on peut envisager une hausse de moins d’un GW dans le futur) , ce qui va faciliter les équilibrages hebdomadaires et journaliers[10]. Autre hypothèse favorable, le regroupement des lacs et des éclusées en une opération unique d’une capacité de 13 GW (avec une contrainte sur les productions mensuelles qui ne peuvent pas être supérieures aux apports météorologiques calculés par ailleurs par départements), ce qui accroît le potentiel d’équilibrage hebdomadaire et intramensuel. Mais plus important est l’invention d’une technologie de stockage polyvalente que nul autre modèle considère, sauf l’exercice 100% EnR de l’ADEME de 2016, mais pour seulement l’équilibrage intersaisonnier.
- L’invention d’une technologie de stockage
Il y a une erreur fondamentale de formalisation d’un des types de stockage dans le système, qui est appelé méthanation. Il assurerait à la fois le stockage horaire (comme les batteries), hebdomadaire comme les STEP) et intersaisonnier, avec une capacité de stockage en terme de stockage d’énergie qui permet des déstockages d’énergie quand on veut et ce pour des quantités d’énergie très importantes. Il peut intervenir à tout moment pour suppléer les turbines à gaz pilotable au biogaz, les réservoirs et les STEP pour l’équilibrage journalier et hebdomadaire, en plus de l’équilibrage intermensuel et saisonnier. Aucun des six autres exercices précités ne considère ce stockage multifonctionnel, ni de stockage intersaisonnier de ce type. L’exercice de 2016 de l’ADEME ne considère d’ailleurs que la fonction de flexibilité intersaisonnière, et cette représentation a été très critiquée au point que l’ADEME ne l’a pas reprise dans son exercice 2018 qui porte sur l’optimisation intertemporelle du mix électrique d’ici 2060. On détaille ce problème dans l’encadré suivant.
Encadré
L’invention d’une technologie de stockage d’électricité polyvalente
Dans l’exercice S/P/Q, on traite comme une seule opération que gèrerait un seul opérateur l’enchaînement de la production d’H2 par électrolyse (à partir des surplus de MWh d’EnRi de prix nul ou très bas acheté sur le marché horaire), la méthanation (qui transforme l’H2 en méthane avec un achat de CO2 à l’opération de production « biogas-power »!, ce qui renforce les interdépendance entre opérations Renouvelables[11] ) et sans que l’H2 puisse être dirigé vers d’autre usages ayant plus de valeur comme la mobilité, les usages chimiques etc.), le stockage de méthane (mais on ne sait pas où et comment) ,puis sa transformation en MWh électrique dans une turbine à gaz très flexible sans que ce méthane vert puisse aller vers le système gazier. On devine ce que çà implique comme simplification concernant les coordinations instantanées mais aussi le long terme pour harmoniser le développement de toutes ces opérations, mais avec des signaux –prix très imparfaits
Il est formalisé de la même façon qu’un stockage par batteries ou par une STEP (Station de transfert d’énergie par pompage) qui satisfont les besoins de flexibilité infra-journaliers pour les premiers, hebdomadaires pour les seconds, avec donc des vitesses de décharge et des contraintes de capacité en termes d’énergie stockée. Ici ce fameux type de stockage appelé méthanation a les mêmes attributs, sauf que la capacité de stockage d’énergie pour les phases de décharge est 50 fois plus importante que celle du total des STEP et 100 fois plus que celle des batteries (en rapportant la capacité de stockage d’énergie à la puissance de charge/décharge). Elle sert donc à tout pour offrir de la flexibilité à toutes les « mailles temporelles », en plus de satisfaire les besoins de flexibilité intersaisonnière. Ce serait la fameuse technologie-miracle de stockage que les tenants des énergies vertes appellent de leurs vœux pour mettre sur le même plan les technologies non pilotables et les technologies bas carbone pilotables
Pour remettre l’erreur de modélisation en perspective, on notera d’abord que, parmi les 6 autres exercices de référence utilisés que nous comparons avec l’exercice S/P/Q, seul celui de l’ADEME de 2016 prend en compte ce « Power to Gas » (P to G) combiné à des turbines à gaz, sur une base de service de flexibilité intersaisonnier uniquement. Au passage, et c’est important de le souligner, le modèle EOLES de l’exercice SPQ ne distingue pas les types de besoin de flexibilité selon l’échelle de temps, ce qui est à la base de l’erreur de formalisation, contrairement au modèle utilisé par l’ADEME dans l’exercice 2016.
L’approche ADEME de 2016 de ce mode de stockage intersaisonnier d’électricité a été critiquée de tout côté dont l’Académie des technologies, pour son irréalisme. En conséquence dans l’exercice suivant, l’ADEME a représenté le P to G uniquement pour promouvoir l’hydrogène verte dans les usages industriels et la mobilité (véhicule avec piles à combustibles etc.). Dans les nombreux rapports et exercices européens « à la mode » sur les couplages intersectoriels dont le P to G, la réutilisation des MWh du P to G vers la production d’électricité pendant les heures critiques est la dernière option envisagée, après celle de l’hydrogène verte vers les usages industriels, la mobilité lourde ou le mélange avec le gaz naturel, et encore celle du méthane vert produit ainsi dans le système gazier en place. C’est en tout cas le choix de modélisation de l’ADEME dans son exercice de 2018.
Ces différents points sont explicités en annexe 1.
En bref les auteurs ont ajouté ce nouveau type de stockage en « zappant » sur les différents types de besoins de flexibilité et sur les caractères de la longue chaîne d’opérations du P to G et to P c’est-à-dire jusqu’à la production de MWh en situation de pointe de demande et/ou de déficit de production des EnRi. il ne correspond à rien de réalisable de façon générale en raison des coordinations de toute nature qui devraient être organisées entre les opérations sur toute la chaine d’activités pour leur développement planifié et pour leur exploitation en temps réel et, sans oublier la concurrence possible d’autres usages de l’hydrogène et de méthane « vert ». Le problème est que cette erreur de fonds permet d’ouvrir les possibilités de développer le stockage à très grande échelle pour répondre aux besoins d’équilibrage d’un système à 100% d’EnR en toute situation, ce qu’il fait en dernier ressort dans le modèle après qu’on ait recouru d’abord aux autres sources de flexibilité considérées dans l’exercice (STEP, lacs, TAG flexibles, etc.). En d’autres termes cette erreur met en question les résultats de l’article, ce qui va plus loin que le problème posé par l’approche fermée et l’ignorance de scénarios avec des technologies pilotables dont le nucléaire quand on utilise ces résultats pour des fins politiques.
5. Quid des limites du second exercice ?
Nos trois auteurs ont décidé de « communiquer » de nouveau sur les résultats du second article où cette fois-ci le nucléaire et le CCS sont pris en compte avec d’autres technologies fossiles (turbine à gaz, cycle combiné à gaz CCGT avec CCS) avec leur modèle élargi à ces technologies. Ils communiquent sur l’inversion des compétitivités relatives entre EnR et nucléaire, comme si c’était le résultat principal de l’article, alors que celui-ci est beaucoup plus large dans son ambition.
Une exploitation déformée des résultats de l’article
Il s’appesantit sur l’effet de différents niveaux du prix du carbone sur le mix technologique dans plusieurs scénarios sur les coûts des technologies bas carbone, comme on le voit dans le résumé du papier: » We show that for a wide range of SCC values (from 0 to 500 €/tCO2), the optimal power mix consists of roughly 75% of renewable power. For a SCC value of 100€/tCO2, the power sector becomes nearly carbon neutral while for 200€/tCO2 and more, it provides negative emissions. The availability of negative emission technologies can decrease the system cost by up to 18% and can create up to 20MtCO2/year of negative emissions, while the availability (note: il s’agit du facteur de charge en fait) of new nuclear is much less important« .
Ce n’est qu’en lisant attentivement l’article d’Energy Economics que l’on trouve à peu près les résultats qu’évoquent les auteurs dans leur tribune du Monde au milieu de très nombreuses autres conclusions dont la principale porte sur l’effet de ce prix du carbone pour arriver à des émissions négatives grâce au CCS. On lit donc dans la Tribune le passage déjà cité: « Bilan : le mix optimal compterait environ 25 % de nucléaire en 2050, en supposant que son coût sera divisé par deux par rapport aux EPR actuellement en construction en Europe. (…) Cette part pourrait monter à 50 % si les prochains EPR parviennent à diviser leur coût au moins par deux et si les progrès des renouvelables sont plus lents que prévu. Mais la part optimale du nucléaire pourrait aussi tomber à zéro si son coût ne diminue pas d’au moins 40 % (ce qui serait une amélioration notable) ».
Dans l’article c’est dans la sous-section 3.2 basée sur une série de 21 graphiques dans une figure complexe sur les effets des coûts relatifs du nucléaire et des EnRi, que sont exposés les résultats suivants: « The shares of renewables and nuclear are inversely related to their relative cost. Even for the most expensive VRE and cheapest nuclear scenario, nuclear power does not exceed 75% of the power mix. Conversely, for the low cost VRE, it provides less than 15% of power production, and for most of the nuclear power cost scenarios (including the central one), nuclear power does not even enter the optimal power mix. On the other hand, the RES share in power production almost never drops below 25%, while it can reach 100%. ». Il faudrait donc avoir toutes les connaissances des résultats obtenus par les auteurs pour pouvoir affirmer ce qui est écrit dans la tribune du Monde.
Les résultats de l’exercice sont-ils atypiques ?
L’exercice répond à la critique faite au premier exercice, selon laquelle ce dernier ne considérait par les autres technologies bas carbone pilotables (hormis le biogaz-électricité) pour trouver des mix 100% EnR. Au passage, les coûts d’ensemble des mix avec nucléaire et CCS sont pratiquement les mêmes que ceux dans l’exercice S/P/Q sans pilotable (47-48€/MWh au lieu de 50- 52 €/MWh) avec les mêmes coût de technologie en 2050, ce qui reste difficile à expliquer en regard des résultats de l’exercice du MIT (Sepulveda et al., 2018).
En revanche il trouve des résultats très différents de ceux d’autres exercices reconnus prenant en compte les mêmes technologies bas carbone à la fois sur le coût d’ensemble qui est toujours de deux à trois fois moins élevé que celui des autres exercices et sur ce que serait le mix optimal dans des scénarios avec des configurations comparables des coûts des EnRi et du nucléaire.
C’est le cas notamment de l’exercice de l’ADEME de 2018 qui va le plus dans le sens recherché par les auteurs de l’exercice S/Q. Il démontre les possibilités d’arriver à 0% de nucléaire et 100% d’EnR en 2060 sur la bases de coûts voisins des différentes technologies bas carbone EnRi nucléaire, gaz-CCS, mais il arrive à un coût d’ensemble de 178 €/MWh dans le scénario efficacité énergétique avec un nucléaire à 4500€/kW (environ), un éolien terrestre à 1277€/kW, un solaire PV au sol à 483 €/MW et un prix du carbone de 57-65 €/tCO2 en 2060. L’exercice S/Q publié dans Energy Economics aboutit à un mix un peu différent avec moins de 15% de part de production de nucléaire (produit avec 10 GW) et 70% de production des EnRi dans son scénario central, mais il aboutit à un coût d’ensemble de 49 €/MWh avec un coût du nucléaire de 5300€/kW (3750 €/kW en coût overnight), un même coût de l’éolien à terre et du PV au sol (pour un taux d’actualisation de 4,5%) et un prix du carbone de 100 €/tCO2.
Il y a tout de même de quoi s’interroger sur ce qui explique ces résultats particuliers au niveau des coûts et de la structure du mix par rapport aux autres exercices alors que trois des quatre sources principales de flexibilité, les effacements, les couplages sectoriels et les interconnexions, ne sont pas considérées dans l’exercice S/Q. Dans la version du modèle EOLES de cet exercice, ce n’est pas la présence de l’opération « méthanation-TAG », ni celle de « méthanation-CCGT » qui expliquent ces résultats particuliers, la première dans l’exercice S/P/Q précédent jouait un rôle essentiel parce quil fallait avoir un système 100% EnR (dont 96%d’EnRi). Ici les besoins de flexibilité et de stockage qui sont moins importants sont assurés à côté des STEP et des lacs par les stockages par batteries en moins grand nombre que dans l’exercice S/P/Q (12,8 GW au lieu de 29 GW), par la flexibilité du nucléaire quand il est présent, par les 20 à 33 GW de turbines à gaz alimentées par du gaz naturel fossile peu cher jusqu’à 200 €/tCO2, relayées au-delà de ce prix par des CCGT de meilleur rendement et couplés avec du CCS, auxquels il faut ajouter un important « curtailment » (écrêtement) des productions des EnRi pendant les heures de surproduction de l’ordre de 3 à 4,3% de leur production (annexe 4 de l’article).
La comparaison avec les résultats des autres exercices est utile pour comprendre la singularité de ceux de l’exercice S/Q sur le mix optimal et le coût d’ensemble dans les différents scénarios de coûts de technologies bas carbone. L’exercice de la NEA-OECD (2019) qui s’appuie sur le modèle GEN-X du MIT recherche le meilleur mix du parc résiduel pour des différentes parts d’EnR imposées; il repose sur des hypothèses de coût des EnRi un peu plus élevées. Il montre principalement que le surcoût pour des parts d’EnR de 75% par rapport au mix optimal est de 73%, avec un coût du système d’ensemble est de 108 €/MWh. L’exercice met aussi en évidence la façon dont l’augmentation de la part obligée de production des EnR coupe progressivement les persepctives de rentabilité d’un nouvel équipement nucléaire du fait des baisses de prix de marché et des moindres débouchés à attendre. Ceci conduit à ce que le nucléaire ne peut dépasser 40% de part de production si l’obligation des parts d’EnRi est de 30%; il ne peut dépasser 20% si l’obligation sur les EnRi croît à 50%, et il ne se développe plus avec l’obligation d’EnRi à 65%.
L’exercice de la chaire CEEM de Dauphine (Villavicencio, 2017, 2018) est centré sur la façon dont on peut utiliser le stockage et les effacements pour diminuer le coût des politiques climatiques combinant une obligation d’EnR et un prix du CO2. Il repère le mix optimal avec ou sans stockage sans obligation d’EnR. Avec des coûts voisins de ceux de l’exercice S/Q (voir tableau 3), ce mix sans stockage ne comprend que 10 % d’EnRi à côté de 70 % de production nucléaire, avec le stockage permettant de monter cette part au mieux à 15%, quel que soit le prix du carbone. Le coût d’ensemble se situe autour de 100€/MWh. Il monte ensuite de façon assez similaire à celui de l’exercice de la NEA-OECD en fonction de la croissance de l’obligation.
S’il fallait situer de façon résumée les résultats des divers scénarios de coûts des technologies de l’exercice S/Q, on pourrait dire qu’ils sont exagérément optimistes au niveau du coût d’ensemble, comme c’était le cas dans l’exercice S/P/Q. Il trouve des mix plus favorables aux EnRi et moins au nucléaire que les autres exercices Les études de sensibilité conduisent à des changements normaux Des prix du carbone très élevés (300/400/500€/tCO2) amènent logiquement à un peu plus de production nucléaire, toutes choses égales par ailleurs.
En revanche le fait que tous les scénarios avec pilotables de l’exercice S/Q arrivent à un coût d’ensemble à peine inférieur à ceux des différents scénarios de l’exercice S/P/Q sans les pilotables bas carbone pose vraiment question sur le modèle EOLES, d’autant que le coût d’ensemble dans les deux exercices sont très inférieurs à ceux des exercices de l’ADEME, du MIT, de l’AEN-OCDE avec des représentations voisines des EnRi. Il conviendrait de regarder plus avant comment ont été formalisées les équations d’équilibre sur les services d’ajustement et les services système et choisies les données qui ont été prises pour qualifier les besoins de ces services, notamment ceux liées aux erreurs de prévision des producteurs éoliens et solaires d’un jour sur l’autre, car c’est là où se jouent en grande partie les problèmes de l’intermittence.
Le rôle du scénario central dans l’orientation des résultats
Mais les études de sensibilité sur différentes variantes de coûts influencent les résultats d’ensemble en faveur des EnR. Pour le nucléaire l’exercice prend dans le scénario central un coût de référence particulièrement élevé de 5300 €/kW en partant d’un overnight cost de 3750 €/kW et en jouant des intérêts intercalaires pris sur 10 années de construction en 2050, alors que pour les autre technologies, les équipements sont installés en un an, même pour les grands projets d’éolien offshore, les CCGT avec CCS, les chaînes d’opérations de ce qui est appelé méthanation. Ceci conduit facilement à des résultats où le nucléaire est confiné dans la majorité des scénarios à 10 à 20 % de la production en 2050 avec un rôle d’un instrument au service de l’intermittence comme le présentent les auteurs, quand il ne disparait pas pour les hypothèses de coûts des EnR les plus basses (847€/kW pour l’éolien à terre au lieu de 1130€ en central, 318 €/kW pour le PV au lieu de 423 € en central)
Mais puisque l’exercice porte sur 2050, pourquoi ne pas imaginer un scénario où, après être sorti du nucléaire d’ici 2040 et sacrifier l’industrie nucléaire française, comme certains le veulent, le gouvernement se rend compte que les EnR sont trop difficiles à développer à l’échelle et la vitesse voulue pour atteindre la neutralité carbone et qu’en conséquence il veut rééquiper un peu la France en nucléaire. Pour ce faire la France pourra commander des réacteurs à la Chine, pays qui, dès maintenant maîtrise sa propre filière de 3° génération (Hualong) à un coût de 3000 à 3500 $/kW dès les premières réalisations construites en 5 ans (Fuqin). Elle la propose à la vente à l’international avec le contrat signé avec l’Argentine et bientôt avec EDF Energy et CGN sur le site anglais de Bradwell. D’ici 30 ans elle devrait être en mesure de proposer des prix de vente de 3000 $/kW, voire moins. A ce prix selon les simulations de l’exercice S/Q du CIRED en variante basse du coût du nucléaire, on devrait pouvoir recourir de façon économique à 50% de production nucléaire.
Tableau 5. Les coûts des renouvelables en 2050 dans l’exercice S/Q
Eolien off shore | Eolien on shore | Solaire PV au sol | |||||||
Invest €/kW | LCOE €/kWh | Facteur charge | Invest | LCOE | Facteur charge | Invest. | LCOE | Facteur charge | |
Exercice S/Q | 2330 | 41,6 | 54% | 1130 | 39,4 | 33% | 425 | 27,6 | 16% |
De plus, d’ici là, comme çà a été le cas pour le nucléaire avec les anticipations de coût très optimistes de sa période d’âge d’or, l’expérience devrait montrer que les hypothèses de coûts d’éolien à terre et en mer et ceux du solaire PV du scénario central de l’exercice S/Q sont un peu optimistes. Il ne faut pas oublier non plus que la contrainte d’occupation de l’espace et d’acceptation sociale pèseront sur les coûts en limitant l’exploitation des gisements les meilleurs. Avec des hypothèses plus modérées, les résultats des simulations du modèle EOLES de S/Q nous ramèneraient à des structures de mix plus frappées au coin du réalisme.
Post Face
La « méthanation-CCGT-CCS » , un beau rôle de stockage et de pourvoyeur d’émissions négatives
Cette opération avec CCS ne semble pas influer les questions de compétitivité des EnRi par rapport au nucléaire dans les résultats du modèle car elle ne sort qu’à partir d’un prix du carbone de 200€/tCO2. Bien que ce soit une digression par rapport à notre propos sur le mix électrique, on ne peut que souligner le caractère surréaliste de ce que nous narre cet exercice et ses conclusions générales avec la présence de cette opération. Les auteurs insistent sur le rôle dual de cette fameuse méthanation qui est ici associable à une turbine à gaz, ou à un cycle combiné gaz (CCGT) lui-même branché sur un système de captage du CO2 en post combustion suivi de sa séquestration en aquifère profond en Mer du Nord après transport. Les deux peuvent être alimentés par du gaz naturel fossile, mais seules les CCGT couplées à du CCS peuvent capter le CO2 de la combustion des deux types de méthane. Ajoutons que la méthanation utilise du CO2 venant de l’opération de production de biogaz.
C’est de là que vient la possibilité, dans cette version du modèle EOLES, d’arbitrer entre le méthane vert et le gaz naturel fossile en production électrique, en accompagnant la production électrique du captage du CO2 pour réduire les émissions liées à la production de MWh à base de gaz fossile, ou en récupérant le CO2 de la combustion du gaz vert produit lui-même en combinant de l’hydrogène « vert » et le CO2 venant de la production de biogaz. Les quantités de ce dernier CO2 doivent être mise au regard de celles qui sont captées après combustion du méthane vert dans le CCGT, ce qui conduit à un bilan carbone à émissions négatives. Cette chaîne particulière ouvre sur cette possibilité d’émissions négatives qui apparaissent dans les tests où les prix du carbone se situent au-delà de 200 €/tCO2 et que les auteurs mettent en avant dans leurs conclusions.
Dans l’histoire que nous raconte l’exercice, on comprend que la méthanation ne sert plus à grand-chose dans ce second exercice. Au fur et à mesure de la croissance du prix du carbone, les CCGT-CCS prennent d’abord le relais des TAG pour la fourniture de service de flexibilité, du fait de l’incitation à capter le CO2 du gaz fossile. Ensuite se joue un match entre les CCGT-gaz naturel et la méthanation-CCGT-CCS qui prend plus d’importance. Elle se développe de plus en plus …. au point qu’il s’agit moins de fournir des services de flexibilité que de capter et séquestrer le CO2 venant de la combustion du méthane vert dont la production a elle–même utilisé le CO2 de la production de biogaz, ce qui conduit à ses émissions négatives. Et le papier de conclure « For a SCC value of 100€/tCO2, the power sector becomes nearly carbon neutral while for 200€/tCO2 and more, it provides negative emissions. The availability of negative emission technologies can decrease the system cost by up to 18% and can create up to 20 MtCO2/year of negative emissions,… », en sous-entendant par là qu’avec un prix du carbone élevé et une bonne rémunération de ces émissions négative, on ferait des économies…. sur les dépenses d’ensemble du système.
Annexe 1
Le Power to Gas to Power traité comme une opération de stockage polyvalente
Le traitement du Power to Gas to Power, dit méthanation est identique à celui des autres stockages, ce qui se voit à la fois dans le formalisme des équations (voir plus loin) , dans la structure de données utilisées. Pour la méthanation, il y a regroupement de quatre opérations en une seule, l’ignorance des coûts de transport de H2 et de CH4 et du stockage du méthane « vert », et l’assimilation du passage de celui-ci dans la turbine à gaz assimilé à la décharge d’un stockage électrique avec un rendement de décharge (efficiency output) correspondant à celui d’une turbine à gaz performante (45% alors que (au passage) les rendements sont au mieux de 38%)
Tableau1 Economic parameters of storage technologies dans l’exercice S/P/Q (Energy Journal, p.8)
Technology | CAPEX €/kWe | CAPEX €/kWh | lifetime | Annuity €/kWe/y | FixedO&M €/kWe/y | VariableO&M €/kWh | RDT de charge et décharge | Source |
Pumped hydro storage | 500 | 2 | 55 | 25,8 | 7,5 | 0 | 95%/90% | Julich FCH 2015 |
Battery storage | 140 | 100 | 12 | 15,2 | 1,9 | 10,6 | 90/95 | Schmidt 2019 |
Methanation | 1150 | 0 | 20/25 | 87.9 | 59,2 | 5,44 | 59%/45 % | ENEA 2016 |
Cette similitude se retrouve dans la présentation des résultats du modèle sur les 3 types de stockage, où l’on voit que la soi-disant capacité de stockage par méthanation qui est présentée comme les autres à la fois en puissance et en énergie. La comparaison met en relief une capacité de stockage d’énergie très importante qui permet une décharge de 3,8 GW sur 2000h, à comparer aux caractères techniques du stockage par batteries ou en Pompage hydraulique (STEP). Le volume de stockage d’énergie/méthane est de 7,69 TWh à comparer avec le maximum d’énergie en stockage par batteries de 80 GWh pour 30 GW (équivalent à un temps de décharge maximum de 2,6 h.) et celui en stockage par les STEP de 9,3 GW pour 180 GWh (temps de décharge max de 20h environ). Le P2G-Méthanation représente donc un très important potentiel de stockage qui n’est pas seulement inter-mensuel, mais aussi horaire et hebdomadaire.
Tableau 2. Comparaison des capacités des différents types de stockage dans le résultat de l’exercice S/P/Q
Pompage | Batteries | Electrolyse/méthanation | |
Capacité en puissance | 9,3 GW | 30GW | 3,8 GW |
Capacité en énergie | 180 GWh | 80 GWh | 7,69 TWh |
Durée maximale de décharge | 20h | 2,6 h | 2000h environ |
- Les équations associées aux 3 types de stockage (Article S/P/Q)
Energy storage
Energy stored by storage option str at hour h+1 is equal to the energy stored at hour h plus the difference between the energy entering and leaving the storage option at hour h, accounting for charging and discharging efficiencies (equation 5):
𝑆𝑇𝑂𝑅𝐸𝐷𝑠𝑡𝑟,ℎ+1 = 𝑆𝑇𝑂𝑅𝐸𝐷𝑠𝑡𝑟,ℎ + (𝑆𝑇𝑂𝑅𝐴𝐺𝐸𝑠𝑡𝑟,ℎ × 𝜂𝑠𝑡𝑟 𝑖𝑛 ) − ( 𝐺𝑠𝑡𝑟,ℎ / 𝜂𝑠𝑡𝑟 𝑜𝑢𝑡 )
Where 𝑆𝑇𝑂𝑅𝐸𝐷𝑠𝑡𝑟,ℎ is the energy in storage option str at hour h, while 𝜂𝑠𝑡𝑟 𝑖𝑛 ∈ [0,1] and 𝜂𝑠𝑡𝑟 𝑜𝑢𝑡 ∈ [0,1] are the charging and discharging efficiencies.
Power production by biogas and OGT coupled with méthanation
As shown in Figure 1, two renewable gas technologies are considered; biogas and methanation. Both of them produce renewable methane, which can be used in gas power plants. In the model, the latter is considered to be an open cycle gas turbine (OCGT) due to its high operational flexibility and equation (12) shows the relationship of the power production from these two methane resources:
G gas, h = ∑ comb G h comb (12)
where Gcomb h, is the power production from each renewable gas resource, and Ggas h, is the power production from the OCGT power plant which uses these two resources as fuel.
It is worth mentioning that the efficiency of this combustion process is considered in the discharge efficiency of the methanation process as defined in equation (5).
Storage-related constraints
To prevent optimization leading to a very high amount of stored energy in the first hour represented and a low one in the last hour, we add a constraint to ensure the replacement of the consumed stored electricity in every storage option (equation 14):
STORED str, h=0 ≤ STORED h, 8759 (14)
While equations (5) and (14) define the storage mechanism and constraint in terms of power, we also limit the available volume of energy that can be stored by each storage option (equation 15):
STORED str, h ≤ VOLUME str (15)
Le volume de stockage d’énergie/méthane semble donc être de 7,69 TWh pour 3,8 GW (d’où vient ce chiffre? Temps de décharge possible de 2000h ) Il est à comparer avec le maximum d’énergie en stockage batteries de 80 GWh pour 30 GW (ce qui fait un temps de décharge max de 2,6h ) et les STEP de 9,3 GW avec 180 GWh (temps de décharge max de 20h environ)
Equation (16) limits the energy entry to the storage units to the charging capacity of each storage unit, which means that the charging capacity Sstr cannot exceed the discharging capacity:
STORED str, h ≤ Sstr ≤ Qstr (16)
Références
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CEEM- Villavicencio, M. (2017). “A capacity expansion model dealing with balancing requirements, short-term operations and long run dynamics.” CEEM Working Papers (Vol. 25)
[1] Chercheur associé au CIRED jusqu’en 2021
[2] Shirizadeh B., Perrier Q., Quirion P., 2020. How Sensitive are Optimal Fully Renewable Power Systems to Technology Cost Uncertainty? The Energy Journal, Vol. 43, n° 1. (Exercice S/P/Q)
Shirizadeh B., Quirion P. 2020 « Low-carbon options for the French power sector: What role for renewables, nuclear energy and carbon capture and storage? » Energy Economics, n°, on line november 2020. (Exercice S/Q)
[3] Ademe [2016]: Mix électrique 100% renouvelable? Analyses et optimisation, juin 2016. Accès par le lien https://www.ademe.fr/mix-electrique-100-renouvelable-analyses-optimisations.
[4]OECD-NEA (auteurs Cometto et J.H. Keppler ) [2019]: The Costs of Decarbonisation: System Costs with High Shares of Nuclear and Renewables. Paris, OECD.
[5] On met volontairement de côté la question des conditions institutionnelles qui permettraient d’arriver à un tel système, avec une coordination du développement de toutes les opérations et de leur exploitation harmonisée (quelle place pour le marché? Quelle nécessité des dispositifs de soutien aux EnR et au stockage? Quelle planification? Quelle sortie du nucléaire? Quelle centralisation de l’ensemble?) , question qui n’intéresse pas du tout les auteurs.
[6]Sepulveda, Jenkins,Sisternes et Lester, The Role of Firm Low-Carbon Electricity Resources in Deep Decarbonization of Power Generation. Joule (2), Novembre 2018, p.2403 et suiv
[7] Le rendement de la turbine à gaz utilisé dans l’opération de méthanation PtoGtoGtoP (production de H2 puis de CH4 puis d’électricité par TAG) est de 45% alors qu’il sera au mieux de 38%
[8] Les facteurs de charge du PV au sol est de 16%, celui de l’éolien à terre de 33% et celui de l’éolien en mer de 55%, ce qui semble excessif pour les deux derniers (l’ADEME prend % pour celui-là et 47% pour celui-ci en 2050)
[9] Par un calcul en coin de table, on peut trouver que les capacités trouvées en éolien à terre 70 GW (250 TWh) conduisent à environ 10 000 km2 d’emprise au sol et 110 GW de PV au sol (160 TWh) à 1600 km2.
[10] On pourrait aussi ajouter la présence d’une production d’électrique par turbine à gaz à partir de biogaz produit par pyrolyse
[11] En gros l’opération biogas-power produirait en fonction des raretés sur le marché de service système, du marché de l’énergie horaire et… des besoins de cO2 de l’opération de transformation de l’H2 en CH4 vert….
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En réponse, la note du CIRED ici