Voici deux notes bien informées pour prendre le mesure de la catastrophe en cours, bien peu comprise par les électeurs : pourtant, l’électricité est déjà décarbonée !
Energies Marines Renouvelables (EMR)
Hydroliennes. On estime à environ 1 Md€ les dépenses engagées dans cette filière très médiatique, mais peu productive. Aucune série temporelle de production régulière publiée à ce jour qui permette de juger de son avenir.
Houlomoteur, la plupart des prototypes ont été victimes de « fortunes de mer ». Le Pelamis (Portugal) n’a pas tenu plus de 3 mois. La tempête Bejisa a eu raison du CETO (La Réunion). Le prototype HACE a coulé lors de sa mise à l‘eau à La Rochelle…
Energie Thermique des Mers (ETM). Ne concerne que les zones tropicales. Mais la thermodynamique laisse présager un futur incertain.
Eolien en mer, la seule qui se développe actuellement.
La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) prévoit 5,2-6,2 GW à l’horizon 2028. Ils viendraient s’ajouter aux 3,5 GW attribués à la suite des appels d’offres déjà lancés.
Le pacte écologique (Green Deal) de la Commission Européenne fixe pour 2050 un objectif de 450 GW éoliens, posé et flottant confondus. L’objectif fixé à la France serait de 57 GW, soit l’équivalent de 114 parcs du type de celui programmé en Baie de Saint Brieuc.
La Commission prépare actuellement un document d’orientation visant cette fois 300 GW en 2050 (offshore posé et flottant) : installer un dispositif intégré, une sorte de marché commun de l’électricité éolienne offshore qui nécessiterait un investissement évalué à 789 Md€ dont les 2/3 consacrés au réseau de câbles. ..
Difficile de ne pas voir dans cette orientation la marque de l’Allemagne, très influente dans la Commission. Devant la faillite de son Energiewende l’Allemagne envisage selon un nouveau scénario « green » d’importer 43% de ses besoins énergétiques avec, pour l’électricité, une importation depuis les pays nordiques (hydraulique, 150 GW)), la France (éolien en mer 85 GW) et même du solaire d’Afrique du Nord. Par ce biais, Allemagne et Europe mettent en train une stratégie de suppression de subsidiarité, qui devrait s’imposer, contraignant ainsi l’Europe à adopter la stratégie allemande. Ce n’est pas le rôle de la Commission qui est de proposer des ambitions climatiques, chaque pays ayant autorité à définir sa stratégie énergétique.
France. Les 6 parcs déjà attribués en Manche et Atlantique, ainsi que celui de Dunkerque, en Mer du Nord, sont qualifiés d’ « offshore ». Ils sont en réalité côtiers. Ils affectent des zones où de puissants courants marée sont à l’origine d’une grande variété de fonds et, partant, d’une riche biodiversité qu’exploite de manière raisonnée la pêche côtière. Dans beaucoup de zones très « ventilées » les sédiments sont absents, laissant la roche à nu avec pour conséquences des difficultés et donc des coûts élevés pour les fondations et les connexions au réseau terrestre.
L’exemple allemand est souvent évoqué pour justifier ces investissements.
Le Fraunhofer Institut publie de manière hebdomadaire la production éolienne allemande.
Nous pouvons ainsi observer que le 8 août 2020 à 10.15 la puissance éolienne disponible allemande (terrestre et offshore confondus) n’était que de 139 MW, alors que la puissance installée était de 61790 MW, soit un facteur de charge de 0,23%. Un record d’intermittence !
La puissance installée allemande est du même ordre de grandeur que celle du parc nucléaire français, 61,330 GW après fermeture de Fessenheim. Mais produit 3,3 fois moins et oblige l’Allemagne à maintenir ses centrales fossiles pour pallier l’irrégularité de l’éolien et du solaire. On n’investit pas dans ces technologies, on surinvestit.
Un dossier annexe : le Polder EMR du port de Brest. Construit sur de la vase. Le rideau de palplanches constituant le quai n’a pas résisté à son propre poids. Le port est une compétence de la Région. Il est loin le temps des services maritimes des Ponts et Chaussées ! Pour sauver la face, il a été décidé de monter à Brest les éléments métalliques légers des jackets du projet Ailes Marines en Baie de Saint Brieuc. Ces jackets seront intégrés en Espagne et convoyés vers la baie. Un surcoût, mais qui va payer ?
Conflit d’usage Les marins pêcheurs, qui disposent d’une bonne image de marque dans le public, et déjà menacés par le BREXIT se déclarent de plus en plus opposés aux projets existants.
Surcoûts. Faute de ressources énergétiques nous devrions évoluer vers une société de plus en plus structurée autour de l’électricité. Les surcoûts intrinsèques à ces énergies renouvelables et la nécessité de disposer de backup, seront insupportables avec des risques de désordres comme nous l’avons connu il y a deux ans. Ils, renforcent l’opposition à ces projets.
19 novembre 2020
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Projet éolien de la Baie de Saint Brieuc. (Ailes Marines)
Vis à vis du projet d’Ailes Marines, Le Comité National des Pêches Maritimes et Elevages Marins (CNPMEM) vient d’aligner sa position sur celle du Comité Départemental des Pêches (CDPMEM) de Saint Brieuc qui demande l’arrêt immédiat du projet. Suite à ces prises de position, le Préfet des Côtes d’Armor a déclaré (Ouest France du 27 janvier) que « la date de démarrage du chantier n’est pas arrêtée », qu’ellerestait précisément à déterminer et « à débattre avec les pêcheurs ». Sauf nouveau rebondissement faisant suite à une reprise en main du dossier par le Ministère de l’Ecologie, on peut comprendre que l’ouverture des travaux, prévue au printemps, est repoussée.
Ceci n’est pas sans conséquence pour le chantier du Polder Energies Marines de Brest. Le quai destiné à recevoir des charges lourdes, élément essentiel de cette plateforme industrielle et logistique, n’a pas été capable de soutenir son propre poids et s’est déformé (cf. ma note du 19 novembre 2020). Aux 220 M€ du projet initial s’ont venus s’ajouter 45 M€ de travaux de consolidation. Dans l’urgence (réponse au démarrage du projet de Saint Brieuc) et sans attendre la résolution du contentieux, la région a conçu un montage financier autorisant le démarrage rapide des travaux: Vinci (constructeur) avance 30 M€, la région met 15 M€ sur la table, le bureau d’ingénierie EGIS continuant à exercer ses missions de maître d’œuvre sans rémunération complémentaire. Mais y a-t-il encore urgence ?
Perspectives de développement de l’éolien en mer.
Aux chiffres annoncés par la Commission Européenne (cf. note ante) se sont ajoutés ceux contenus dans la déclaration de Madame Girardin, Ministre de la Mer (Journal du Dimanche du 29 novembre 2020) qui fixe pour l’éolien en mer un objectif de 25 % de l’électricité produite en France en 2050. Ceci nécessiterait l’implantation de quelques 4000 machines de 10 MW le long des côtes françaises. Les différents usagers de la mer, et pas seulement les marins pêcheurs peuvent légitimement s’inquiéter !
L’élaboration du dossier de la Baie de Saint Brieuc, et celui d’autres parcs ont duré suffisamment pour qu’apparaissent leurs faiblesses. Il n’est que de lire la réponse de Madame Barbara Pompili à une question posée par le député Sébastien Jumel, le 14 janvier : « J’ai vu les erreurs qui ont été faites au départ. (…) Oui, le zonage a été pensé au départ sans associer suffisamment les différents acteurs, sans réfléchir aux conséquences que ça pouvait avoir, et résultat, je crois que tout le monde, y compris les porteurs de projet ont bien compris que faire sans concertation, ne pas tenir compte des pêcheurs, ne pas tenir compte de l’écosystème local quelque part, c’était une erreur absolue, tout le monde l’a bien compris, le temps qui a été perdu, n’a pas été rattrapé ».
Suffisamment duré en tous cas pour que les marins pêcheurs, gens éduqués, comme le sont d’ailleurs l’ensemble de nos concitoyens, et donc capables en particulier de faire des règles de trois se rendent peu à peu compte des faiblesses de cette énergie, tant en matière de prix que de réponse aux besoins en électricité du pays et de lutte contre les émissions de GES.
Les prix auxquels le consommateur français devra payer le courant électrique issu de ces parcs offshore ont été communiqués par la Commission Européenne, reprenant les éléments fournis par le Gouvernement Français : 155€/MWh pour Saint Brieuc, auxquels il faudra ajouter selon toute vraisemblance 20€ pour couvrir les frais de raccordements rendus difficiles par la nature des fonds. En ce qui concerne l’éolien flottant la CE donne un prix se situant aux alentours de 350 €/MWh alors même que dans le récent débat public relatif au projet en Sud Bretagne, il n’est question que de 120…Et ce, alors que le prix de marché moyen se situe aux alentours de 50€ et qu’EDF est tenue de vendre à ses concurrents un quart de sa production nucléaire au titre de l’ARENH au prix de 42 €.
Fourniture d’Energie. L’irrégularité de la production et son incapacité à répondre de manière fiable à la consommation apparaît de manière de plus en plus criante. Il suffit d’examiner la situation du système électrique français le vendredi 8 janvier dernier. Lors de cette journée froide, c’est le pilotable (nucléaire en premier) qui a constitué à la pointe la majeure partie (94,8%) de la production, les énergies intermittentes n’en fournissant que 2,7%.
En conclusion. S’ajoutant à la fermeture de Fessenheim, la loi de programmation énergétique prévoit de supprimer 12 tranches nucléaires d’ici 2035. Pour assurer la sécurité du réseau il faudra les remplacer par des Centrales à Gaz émettrices de CO2, du type de Landivisiau ! Ces fermetures sont surprenantes, alors qu’une relance du nucléaire se fait jour dans au moins 7 pays européens: Grande Bretagne, Pologne, Roumanie, Hongrie, Tchéquie, Pays Bas, Suède. La France, principal pays européen pour cette industrie, n’est-elle pas en train de se mettre hors-jeu ? A cet égard la taxonomie européenne excluant le nucléaire de la liste des activités économiques durables n’est pas rassurante, elle risque de contrarier le financement de projets. Et que dire des barrages, dont la France devrait conserver la maîtrise. ?
La vraie solution serait de maintenir le parc nucléaire existant, le prolonger et le remplacer peu à peu par des EPR nouvelle génération, en particulier sur les sites côtiers dont les marins pêcheurs semblent s’accommoder ? Une politique de long terme se devrait également de développer la génération 4 (réacteurs à neutrons rapides) en vue d’une fermeture du cycle de l’uranium, de façon à affranchir notre pays pour des siècles de la limitation des ressources naturelles en uranium 235.
A ces conditions, renouant avec cette vision volontariste de long terme qui fut celle de nos gouvernants au début des années 70, il sera possible de fournir aux français à un prix raisonnable une énergie décarbonée, de qualité et en quantité suffisante pour répondre aux développements inéluctables des usages de l’électricité.
Dans l’immédiat, le programme éolien en mer, ruineux et inefficace, devrait être arrêté pour que les moyens de la France s’investissent dans des actions véritablement utiles à la tenue de nos engagements climatiques.
4 février 2021