La tribune ici.
Bonjour Monsieur Elie Cohen,
Je viens de prendre connaissance de votre tribune parue sur TELOS (Les trois défis de la relance du nucléaire) et partage largement les éléments de votre argumentation, leur articulation et la chute réaliste qui est la vôtre.
Avec vous je me réjouis de cette conversion, tellement tardive, tout comme, « en même temps», je m’inquiète, qu’elle charge démesurément un outil EDF durablement affaibli pour les raisons que vous décrivez trop bien…l’image des chevaliers caparaçonnés d’Azincourt m’est funestement venue à l’esprit.
Le baiser d’un preux ne suffira pas à revivifier une belle, décatie et décharnée, par plusieurs décennies de négligence, de mauvais traitements et surtout d’absence de perspectives, qui ont détourné des promos d’ingénieurs et de techniciens vers d’autres métiers (souvent hors du champ technique d’ailleurs).
Par ailleurs, en imaginant même que la mécanique se répare, se rode et recommence à produire en temps, en heure, mais aussi en qualité, ces réacteurs arriveront sur un champ déjà bien planté de mats éoliens (on et offshore) et couvert de panneaux PV.
Prioritaires pour l’accès au réseau (une forme de parade économique à leur intermittence physique…), ils contraindront les productions pilotables, dont le nouveau nucléaire créé à dessein, à une l’intermittence forcée, parfaitement incompatible avec la rentabilité des énormes investissements qu’il aura fallu consentir.
Mais le tableau est plus noir encore, si on considère l’impact (physique et économique) des flux transfrontaliers provoqué par les bouffées (en excès et en carences) des énormes parc éolien et solaires allemands, qui devraient se développer encore plus vite et plus fort que sur notre périmètre, surtout si on redimensionne nos interconnexions, comme le souhaite une Europe (sous influence teutonne…).
Si on considère maintenant la période pré-renouveau nucléaire, même à imaginer que le parc actuel de réacteurs recouvre ses performances d’antan une fois franchis les chausse-trapes de la mise à niveau réglementaire (+ EPR de Flamanville…on peut rêver), le déficit de production nationale demeurera considérable, surtout dans un contexte vert-vertueux, poussant à accroitre les usages de l’électricité.
Sauf à vouloir copier l’Italie électrique, le pays ne peut rester durablement à un niveau d’importations tel qu’il se profile, qui grève notre économie et accroit sa vulnérabilité, sans parler du risque physique pris au moment des pointes de consommation.
Dans un tel contexte, il faudrait sans tarder lancer un programme conséquent de CCgaz (en piétinant la PPE, geste qui en réjouirait beaucoup), nos terminaux gaziers permettant l’accueil de méthaniers plus nombreux, dans l’hypothèse crédible de pipes durablement fermés à l’Est (opportunité que ne possède pas l’Allemagne), mais il faudrait aussi développer les connexions et les stockages.
Mais c’est une charge financière considérable (nous payons ainsi 15 années électriquement chimériques !) encore faudra-t-il trouver les fournisseurs et les ensembliers, pas forcément dans le giron EDF d’ailleurs, ce qui pourrait faire (doublement) l’affaire de Total…fournisseur et exploitant.
Ingénieur retraité, ayant pleinement participé à l’aventure industrielle nucléaire, TELOS avait bien voulu publier ma réaction outrée à la mauvaise part qui était réservée (une fois de plus) à EDF pour parer à l’envolée des tarifs de l’électricité.
Appréciant grandement vos analyses, je vous remercie pour votre lecture de celle-ci, si vous l’avez poursuivie jusque-là.
Bien cordialement à vous.
Gérard Petit