Stocks d’uranium en France : seulement 4 ans ?

Ce document répond à deux questions :

1)- Quelle évaluation du stock d’uranium appauvri en France ? Quelle estimation de l’énergie potentielle ainsi stockée, en utilisant cet uranium appauvri dans des RNR (Réacteurs à Neutrons Rapides ou surgénérateurs) ?

2)- Quelle évaluation des stocks d’uranium naturel et enrichi en France, utilisables dans les REP (Réacteur à Eau sous Pression) actuels ? En cas d’embargo total sur les importations d’uranium, combien de temps peut fonctionner le parc actuel de REP d’EDF?

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1)- Stock d’uranium appauvri et énergie correspondante

D’après le site INTERNET du CEA [référence 1] :

« …la France importe 8000 tonnes d’uranium naturel par an, qui donnent environ 1000 tonnes d’uranium enrichi et 7000 tonnes d’uranium appauvri qui est entreposé (sur les sites du Tricastin et de Bessines) …Aujourd’hui, le stock (en France) estenviron 250 000 tonnes. »

« En 2008, on estimait que (au plan mondial, avec des réacteurs de 2ème et 3ème générations REP) les ressources eu uranium naturel s’élevaient à 40 Gtep[1], contre 150 pour le gaz et 165 pour le pétrole. »

« …comme ces machines (les réacteurs à neutrons rapides RNR ou surgénérateurs) utilisent comme matière première l’uranium 238, et non plus l’uranium 235, les ressources mondiales bondiraient de 40 Gtep à plus de 4000 Gtep, dix fois plus que le charbon. »

Dans son livre [référence 2], Francis SORIN, chef du service communication de la SFEN, cite :

– Anne LAUVERGEON et Michel JAMARD (AREVA) – [référence 3] : « En France, les réserves accumulées d’uranium appauvri représentent environ 5000 ans de consommation (actuelle) dans un parc de surgénérateurs. »

– Bertrand BARRÉ (AREVA) et René BAUQUIS (IFP)[référence 4]: « Les quelques 2 millions de tonnes d’uranium appauvri entreposées dans le monde pourraient fournir 20 millions de TWh[2] dans les surgénérateurs, soit plus de 1000 fois la consommation mondiale d’électricité en 2005. »

Sachant que : 1 MWh = 0,26 tep, donc 1 TWh = 0,26 Mtep

on déduit de ces informations l’énergie potentielle (en TWh et en Gtep) des stocks d’uranium appauvri mondial et français, par leur utilisation dans des RNR :

2)- Stock d’uranium naturel et d’uranium enrichi en France et autonomie en cas d’embargo sur les importations d’uranium

Dans le résumé de l’inventaire national des matières et déchets radioactifs 2012 (ANDRA) – chapitre « Les matières valorisables » – (pages 36 et 37 en annexe) [référence 5], sont indiqués les stocks 2010 (et les prévisions 2020 et 2030), en tonnes de métaux lourds (tML).

Pour 2010, ces stocks sont :

– Uranium naturel 15 913

– Uranium enrichi 2 954

– Uranium appauvri 271 481

– Uranium appauvri de retraitement 24 100

– Combustibles en utilisation 4 932

– Combustibles usés 13 929

– Plutonium 80

– Thorium 9407

Cet inventaire 2010 confirme l’ordre de grandeur indiqué en 1 pour le stock français d’uranium appauvri : environ 250 000 tonnes.

Il permet d’évaluer le stock d’uranium naturel + uranium enrichi existant en France (15 913 + 2 954 = 18 887) à environ 19 000 tonnes.

Il indique que les combustibles en utilisation représentent 4 932 tonnes d’uranium;

Sachant que le parc électronucléaire d’EDF a environ les caractéristiques suivantes :

– Puissance = 63 GWe,

– Electricité produite = 420 TWh/an (91,6% de la production d’EDF),

– Consommation de combustible = 1200 t/an,

– Approvisionnement en uranium naturel = 8000 t/an

– Production d’uranium appauvri « naturel »= 7000 t/an

– Production d’uranium appauvri de retraitement = 1100 t/an

– Production de plutonium = 15 t/an,

– Production de produits de fission et actinides = 50 t/an,

on en déduit que :

– le stock d’uranium enrichi (2954 t) permet d’approvisionner en combustible pour environ 2 ans,

– le stock d’uranium naturel (15913 t) permet de produire de l’uranium enrichi pour environ 2 ans supplémentaires.

Donc, en cas d’embargo total sur les importations d’uranium, les stocks existant d’uranium enrichi et d’uranium naturel en France permettent de faire fonctionner le parc actuel des REP d’EDFpendant environ 4 ans.

Une telle situation hypothétique laisserait sans doute assez de temps pour remettre en exploitation quelques uns des 250 sites miniers exploités en France dans le passé, et abandonnés du fait de la teneur en uranium insuffisante de leur minerai par rapport aux teneurs des gisements découverts dans d’autres pays.

3)- Stock de plutonium et potentiel des RNR surgénérateurs [référence 6]

L’inventaire de l’ANDRA indique que le stock de plutonium séparé après traitement des combustibles usés est de 80 tonnes.

Les combustibles usés et en cours d’utilisation contiennent environ 1% de plutonium :

13 929 + 4 932 = 18 861 t, soit 188,6 t de plutonium

D’où un total d’environ 260 tonnes de plutonium.

Actuellement, 10 tonnes de plutonium par an sont recyclés dans les combustibles MOX (mélange d’oxydes d’uranium et de plutonium) utilisés dans les REP d’EDF. Ceci permet de stabiliser le stock de plutonium.

Sachant qu’il faut 15 à 20 tonnes de plutonium pour le premier chargement d’un RNR (1 GWe), le stock actuel de plutonium permettrait de démarrer une quinzaine de ces RNR.

Chacun de ces RNR fonctionnerait en consommant seulement 1 à 2 tonnes d’uranium naturel ou appauvri par an.

Le problème des ressources en uranium serait résolu pour des siècles.

C’est pourquoi, dans le cadre de la coopération internationale sur les réacteurs de la génération IV, après les travaux sur cette filière RNR de la pile expérimentale RAPSODIE (40 MWth) à Cadarache, le prototype de démonstration PHENIX (250 MWe) qui a fonctionné 35 ans à Marcoule au prototype industriel SUPERPHENIX (1200 MWe) à Creys-Malville, les études se poursuivent en France avec le projet ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration – 600 MWe).

Jean-Michel GAMA

Orsay, le 2 novembre 2012

Références

1)- CEA – ASTRID une option pour la quatrième génération

Voir sur le site du CEA :

http://www.cea.fr/energie/astrid_une_option_pour_la_quatrieme_generation

2)- « Le nucléaire et la planète, 100 clés pour comprendre » de Francis SORIN (édition GRANCHER).

3)- « La 3ème révolution énergétique » de Anne LAUVERGEON et Michel JAMARD (édition PLON).

4)- « Comprendre l’avenir, l’énergie nucléaire » de Bertrand BARRÉ et René BAUQUIS (édition HIRLÉ).

5)- ANDRA –  » Inventaire national des déchets et matières radioactifs 2012″

Voir sur le site du ministère du développement durable :

Cliquer pour accéder à 466.pdf

6)- CEA – Les réacteurs à neutrons rapides

Voir sur le site du CEA :

http://nucleaire.cea.fr/fr/nucleaire_futur/generalites.htm

Annexe : extrait du résumé de l’inventaire national des déchets et matières radioactifs de l’ANDRA

[1] 1 Gtep (Gigatep)= 1 milliard de tonne équivalent pétrole

[2] 1 TWh (Térawattheure) = 1000 milliards de wattheure = 1 milliard de kWh

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