Pourquoi la vente controversée d’Alstom à General Electric fait à nouveau parler d’elle

Article du Figaro en 2019

Par Claudia Cohen
Publié le 24/07/2019 mis à jour le 25/07/2019


En 2014, la branche énergie du groupe Alstom est rachetée par l’américain General Electric. Cinq ans plus tard, cette cession continue de faire couler beaucoup d’encre. Le parquet national financier, notamment, a récemment indiqué s’être saisi de l’affaire après qu’un député a émis des soupçons quant à un potentiel «pacte de corruption» impliquant Emmanuel Macron.
Une enquête préliminaire ouverte, plusieurs plaintes déposées et un thriller politico-
industriel qui revient sur le devant de la scène. Hasard du calendrier ou concertation
entre les différents acteurs, le dossier ô combien épineux du rachat de la branche
énergie d’Alstom par General Electric en 2014 fait de nouveau polémique depuis
quelques jours. Cette transaction, de près de 13 milliards d’euros, était – et est toujours –
qualifiée par ses opposants de «scandale d’État», celle-ci revenant, entre autres, à
confier à un groupe étranger la maintenance des turbines des 58 réacteurs nucléaires français.


La semaine dernière, le Parquet national financier (PNF) a confirmé avoir pris le
relais du parquet de Paris, saisi en janvier 2019 par le député LR Olivier Marleix pour
enquêter sur les circonstances de la vente. Dans le cadre de la commission d’enquête
sur «les décisions de l’État en matière de politique industrielle», qui englobe la
cession d’Alstom, créée en 2017, l’élu d’Eure-et-Loir avait mené une série d’auditions pour comprendre le contexte et les conditions de la cession d’Alstom Énergie à General Electric. Il en est venu à soupçonner un «pacte de corruption» qui aurait pu bénéficier à Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie au moment de la signature de la vente, dans le cadre de sa campagne pour la présidence de la République.
L’enquête du PNF intervient dans un contexte particulièrement sensible, puisque
l’intersyndicale de GE a mis en demeure jeudi 18 juillet le gouvernement de faire
respecter par le groupe américain son engagement de préserver l’emploi. Or General Electric a amorcé un vaste plan social devant conduire à la suppression de 1050 postes, bien loin des 1000 emplois qu’il avait promis, en novembre 2014, de créer d’ici fin 2018.

En outre, dès le lendemain, des employés de General Electric à Belfort ont lancé
une procédure de signalement de «danger grave et imminent» pour les salariés du
groupe, pointant le décès de trois d’entre eux en trois semaines, a appris l’AFP de source syndicale.
Parallèlement, lors d’un dîner à Belfort avec l’intersyndicale fin juin, Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie de François Hollande, a appelé le
gouvernement à «annuler» la vente qu’il qualifie «d’erreur majeure». Une
recommandation qu’il a réitérée jeudi 11 juillet au palais du Luxembourg lors d’une
audition par des sénateurs, tout en accusant Patrick Kron, ancien PDG du groupe Alstom,
d’avoir «trahi son pays». De son côté, l’ONG française Anticor a déposé lundi 22 juillet
une plainte pour «corruption» et «détournement de fonds publics» auprès du pôle financier du tribunal de Paris.
Ces derniers rebondissements, qui portent sur des aspects très différents les uns des
autres, viennent rappeler la profonde complexité de l’affaire Alstom-General Electric.
Voici ce qu’il faut savoir pour comprendre les crispations encore vives autour de ce
dossier.
La vente controversée d’un fleuron de l’industrie française, sous le ministère de Macron
En avril 2014, l’annonce par Bloomberg de discussions entre General Electric et Alstom
pour le rachat du pôle Energie de ce dernier fait grand bruit. D’une part, le fleuron
industriel français dément immédiatement être au courant d’une possible offre publique d’achat, alors que l’agence de presse économique affirme que des négociations ont bien été entamées, d’autre part, l’exécutif assure ne pas avoir été mis au courant de ce projet d’acquisition d’une partie d’une entreprise que l’État avait sauvée de la faillite dix ans plus tôt, via la montée au capital de Martin Bouygues à la demande de Nicolas Sarkozy.
« Des prestataires qui ont été rémunérés grâce à la vente d’Alstom Power
figuraient parmi les donateurs de la campagne d’Emmanuel Macron »
Olivier Marleix, députe LR en charge de la commission d’enquête
Pourtant, quelques mois plus tôt, en janvier 2014, le ministre de l’Économie Arnaud
Montebourg «apprend aux détours d’un couloir la possibilité d’un accord passé, entre Alstom et l’américain, par la présidente de GE France. Il convoque alors Patrick Kron, qui l’assure que le groupe n’a aucunement l’intention de vendre le pôle énergie et nie en bloc l’information. En avril, la possibilité d’une vente est annoncée, et Montebourg se retrouve désemparé», raconte Olivier Marleix au Figaro. Le défenseur du Made in France tente alors de trouver une alliance européenne avec Siemens et dégaine
surtout un décret visant à bloquer la vente. Ledit décret repose sur l’article L151-3 du
code monétaire et financier indiquant que des entreprises jugées utiles aux intérêts
nationaux ne peuvent être vendues sans une autorisation administrative du ministre de l’Économie. Mais ses efforts sont contrecarrés par son départ du gouvernement en août.
Trois mois plus tard, le 4 novembre 2014, Emmanuel Macron, devenu ministre de
l’Économie, donne son accord à la vente et la présente comme une «alliance  industrielle». Le 19 décembre 2014, l’Assemblée générale d’Alstom valide le rachat de la branche Énergie par GE.
Dès cette époque les opposants à la vente soupçonnent que si Arnaud Montebourg se
trouvait dans l’ignorance des préparatifs, c’est parce que Patrick Kron s’était assuré des préparatifs de la vente directement au plus haut niveau de l’État ou auprès d’autres ministres. «Par élimination, nous avons conclu qu’Emmanuel Macron, à l’époque secrétaire général adjoint de l’Élysée, avait commandé en 2012 une étude à l’Agence des participations de l’État sur les conséquences d’une éventuelle vente, dans le dos de ministère de l’Économie. Il connaissait la possibilité de la vente, et n’a pas pris la peine d’élaborer un scénario qui aurait permis de sauver Alstom», affirme le député. En avril 2015, Emmanuel Macron, convoqué par la Commission des affaires économique dans le cadre de l’enquête, dément avoir eu connaissance au préalable du projet de cession.
Dans sa lettre de janvier au procureur, qui a conduit à l’ouverture de l’enquête confiée
désormais au PNF, Olivier Marleix émet l’hypothèse d’un possible «pacte de corruption» au bénéfice d’Emmanuel Macron. «Si j’en crois la presse et d’autres interlocuteurs, des personnes qui avaient à l’époque intérêt à la vente, tels que les intermédiaires financiers, et qui ont été rémunérés en termes de success fees («rémunération au succès») grâce au deal, figuraient parmi les donateurs et organisateurs de levées de fonds pour la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron», affirme-t-il au Figaro.
Avec l’enquête du PNF, le député espère «une évaluation sérieuse du financement de la campagne de Macron».
La guerre économique, sur fond de corruption
Mais les ramifications de l’affaire ne s’arrêtent pas là. Fin 2013, soit quelques mois avant la vente d’Alstom Power, l’entreprise reconnaît auprès de la justice américaine des faits de corruption commis par des officiels en Arabie saoudite, Indonésie, Egypte, ou encore à Tawaïn, entre 2000 et 2011. Des enveloppes de cash servaient à s’assurer que le groupe remporte des contrats importants à l’international. À l’issue de ce procès, Alstom
doit payer une amende de 772 millions de dollars. Et alors qu’il était prévu, dans les
modalités de la vente avec GE, que l’américain s’en acquitte, c’est finalement le français qui, à l’arrivée, paiera l’addition. Autre conséquence des aveux de corruption, plusieurs dirigeants d’Alstom se font arrêter aux États-Unis, et certains se retrouvent même incarcérés.
À l’époque, Alstom fini par payer l’amende de 772 millions de dollars, imposée par la justice américaine, alors que le deal entre Alstom Power et GE stipulait que l’américain s’en acquitte.
Plusieurs ex-cadres d’Alstom soupçonnent les États-Unis d’avoir ouvert, dès 2010,
une enquête pour corruption à l’encontre de l’industriel français dans le seul but de
s’en emparer. L’ex-PDG Patrick Kron, qui défendait en avril 2014 la proposition de
GE, a toujours démenti cette version des faits : la vente d’Alstom Power n’a en rien été précipitée par les poursuites judiciaires américaines, ni par la menace d’une
quelconque inculpation. Dans les colonnes du Figaro en juin dernier, Patrick Kron
affirme que la vente «fut une bonne décision pour Alstom et pour la France», et
justifie la cession par un nécessaire sauvetage économique dans «l’intérêt social de l’entreprise». Après la vente d’Alstom Power, l’ancien PDG part de l’entreprise fin 2015 avec un bonus de 4 millions d’euros en plus de sa retraite chapeau de 10
millions d’euros, ce qui n’a pas manqué de lui attirer des critiques de tous bords.
Parmi les documents révélés par Edward Snowden en 2015 dans les cadre des
WikiLeaks, certains prouvent que l’espionnage économique des entreprises françaises par les agences de renseignement américaines est chose commune. La justice
américaine compte même sur la NSA pour réunir des informations sur des contrats
aux montants faramineux. En janvier 2019, dans son livre Le piège américain, un
ancien dirigeant d’Alstom incarcéré deux ans outre-Atlantique affirme même
que GE avait fait pression sur l’équipe dirigeante pour l’obliger à vendre l’entreprise.
Ancien président de la filiale chaudières d’Alstom, Frédéric Pierucci avait été arrêté
en 2013 aux États-Unis pour une affaire de corruption en Indonésie. Selon lui, les
poursuites américaines visaient bien à décomposer Alstom et à faire chanter ses
dirigeants, dont Patrick Kron, directement menacé à titre personnel. Ce dernier ne
s’est pas rendu aux États-Unis, échappant ainsi à une éventuelle incarcération.
À l’instar de la lettre du député Marleix au procureur, le premier volet de la plainte
d’Anticor déposée lundi vise à ce que la justice française enquête également sur les
faits de corruption reconnus par Alstom auprès de la justice américaine, ainsi que sur les responsabilités éventuelles des dirigeants.

Patrick Kron: «Ma vérité sur la vente d’Alstom»

Article du Figaro de 2019

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Mis en cause dans nos colonnes, notamment par Jean-Pierre Chevènement, l’ancien patron d’Alstom se défend et présente son analyse de la cession, en 2015, du pôle énergie du
fleuron industriel français.
La cession du secteur Energie d’Alstom à General Electric a fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup de réactions ou de critiques. Certaines sont légitimes et il est utile, à froid, d’apporter des réponses ; d’autres relèvent du fantasme, d’idées complotistes et il importe de rappeler la réalité dans sa plus grande simplicité.
Commençons par un peu d’histoire. À mon arrivée à la direction d’Alstom en janvier
2003, le groupe était au bord de la faillite. Il a pu se redresser grâce à l’effort de tous au
prix d’une restructuration drastique: un tiers des activités a été cédé, les capacités ont été ajustées conduisant à de douloureuses réductions d’effectifs, les actionnaires ont été appelés à refinancer l’entreprise après les pertes massives subies. L’État français a accompagné ce plan en acquérant 20 % du capital de l’entreprise. À l’époque, peu nombreux étaient ceux qui croyaient au sauvetage de l’entreprise mais, en 2006, grâce au travail acharné de tous et à cette lourde restructuration, Alstom avait pu retrouver son équilibre et reprendre la voie de la croissance dans les équipements de génération d’électricité et le transport ferroviaire. L’État, comme il s’y était engagé auprès de la Commission européenne, a alors cédé sa participation dans des conditions dont les contribuables n’ont pas eu à se plaindre car, acquise 18 mois plus tôt pour 800 millions d’euros, elle a été revendue pour 2 milliards.
Pendant qu’Alstom luttait pour sa survie, ses concurrents consolidaient leurs positions et
se développaient.
Les années de croissance qu’a ensuite connues le groupe lui ont permis de se
renforcer en entrant dans de nouveaux métiers et de nouvelles zones géographiques
mais n’ont pas totalement effacé les effets de la crise de 2003/2005: pendant
qu’Alstom luttait pour sa survie, ses concurrents consolidaient leurs positions et se développaient. Et Alstom a dû vendre certains actifs malgré leur intérêt stratégique car il fallait financer le redressement ou répondre aux exigences de la Commission européenne formulées lors de l’entrée de l’État français au capital. Alstom en 2006 était donc toujours un acteur de taille modeste dans le domaine de la génération d’électricité face à des mastodontes comme General Electric et Siemens, et face à l’émergence de concurrents chinois bénéficiant d’un énorme marché domestique et de conditions de financement particulièrement favorables, en particulier pour attaquer les marchés internationaux. Bref, le groupe était redevenu capable de saisir les opportunités sur des marchés bien orientés, mais demeurait fragile en cas de
retournement économique. Ce retournement n’allait pas tarder à se produire avec la crise économique mondiale de 2008-2012.

Lorsque j’ai compris que la combinaison d’un changement structurel du marché de
l’énergie et de la crise économique mondiale mettait en danger la pérennité d’Alstom,
j’ai recherché, en plein accord avec le Conseil d’administration, les solutions pouvant donner un avenir aux activités Énergie d’Alstom avec une seule préoccupation : celle de l’intérêt social de l’entreprise et de l’avenir de ses 90 000 salariés. Le diagnostic était clair : les activités Énergie d’Alstom n’avaient plus la taille critique pour survivre et leur effondrement entraînerait dans leur chute les activités dans le transport ferroviaire compte-tenu des imbrications – notamment financières – entre les deux.
Le statu quo était devenu impossible face à la baisse structurelle de la demande en
équipements de production d’électricité d’origine thermique (gaz, charbon, nucléaire) pour une combinaison de raisons tenant au changement climatique, à la mutation vers les renouvelables ou à l’impact de l’accident de Fukushima sur l’industrie nucléaire – et face à l’exigence nouvelle des clients qui demandaient désormais à leurs fournisseurs de centrale de leur apporter également les financements correspondants
(créant un désavantage concurrentiel majeur par rapport à General Electric, Siemens ou les acteurs asiatiques qui en avaient les moyens). J’ai exploré toutes les options envisageables, en commençant bien entendu par des solutions françaises, puis les alliances possibles (y compris avec des concurrents chinois) au sein desquelles
Alstom garderait le contrôle ou le partagerait de manière équilibrée. Faute d’avoir pu trouver une telle solution, j’ai dû ensuite étudier les voies d’un adossement à un grand concurrent et c’est avec General Electric, dont la stratégie évoluait de moins de services financiers vers plus d’industrie, qu’un accord de principe a été conclu en avril

  1. Une fuite dans la presse quelques heures plus tard a mis prématurément celui-ci sur la place publique nous privant de la possibilité d’en expliquer «à froid» les raisons et le contenu à l’ensemble des parties prenantes. Et que n’a-t-on entendu depuis ce 23 avril 2014 ? La méconnaissance des réalités industrielles, l’attrait pour des scenarii complotistes les plus extravagants, des jeux politiciens ont conduit à
    l’expression de théories absurdes et sans rapport avec les faits.
    Soyons clairs : cette opération avec General Electric a sauvé Alstom, a redonné une perspective à ses activités Énergie et les moyens de son développement à Alstom Transport.
    Mais la réalité est têtue : non seulement le diagnostic industriel de l’époque a été confirmé par ce qui s’est ensuite passé mais la tendance qui mettait Alstom en danger mortel s’est accélérée… Quelques exemples : le marché mondial des turbines à gaz a
    été divisé par trois créant une surcapacité massive, la capacité chinoise de fabrication
    de centrales à charbon (dont Alstom était le leader du monde occidental) représente aujourd’hui plus de trois fois la demande mondiale, etc. Il suffit d’ailleurs de regarder ce qui s’est passé chez les grands concurrents du secteur, dont la capacité de résistance est pourtant sans commune mesure avec ce qu’était celle d’Alstom :
    Siemens a engagé des plans de restructurations à répétition dans ses activités de génération d’électricité, portant sur 15 à 20 000 salariés et a annoncé il y a quelques
    semaines qu’il se séparerait de cette activité et n’en conserverait qu’une minorité du capital. General Electric a passé en pertes plusieurs dizaines de milliards d’euros, a vu sa valorisation s’effondrer et réduit les effectifs dans ce secteur d’un même ordre de
    grandeur. Soyons clairs : cette opération avec General Electric a sauvé Alstom, a redonné une perspective à ses activités Énergie et les moyens de son développement à Alstom Transport. C’est d’ailleurs ce qu’a conclu une récente Commission d’enquête Parlementaire qui, après six mois de travaux intenses et l’audition d’une cinquantaine de personnes, a conclu que le statu quo était intenable pour Alstom et que le projet avec General Electric répondait le mieux aux problèmes d’Alstom, reconnaissant
    donc sans ambiguïté la nécessité et la logique industrielle de ce qui a été fait.

Quand on voit comment des géants comme General Electric et Siemens sont secoués
par le bouleversement du marché de l’énergie, qui peut douter de ce qui serait arrivé à Alstom en cas de statu quo ? Cette opération avec General Electric a évité une
catastrophe industrielle majeure qui aurait mis en danger mortel les 20 000 salariés
d’Alstom et les 50 000 salariés chez ses fournisseurs et sous-traitants qui travaillent
en France tant dans l’énergie que le transport. Le douloureux plan social qui vient d’être annoncé à Belfort (et qui ne porte en rien sur les activités Turbines à vapeur apportées par Alstom mais sur les Turbines à gaz fabriquées par General Electric sur ce site depuis 20 ans) est hélas une des conséquences de ce séisme qui frappe le secteur de l’énergie et qui a été à la base de la décision de céder les activités Énergie d’Alstom à General Electric. Même si je considère que la France a été plus protégée que tout autre pays quand on analyse les restructurations menées dans le monde par General Electric ou ce qui s’est passé chez Siemens y compris en Allemagne, j’espère de tout cœur que les efforts de tous permettront d’en limiter l’impact sur celles et ceux qui sont concernés. Certains pourfendent cette cession au motif qu’elle mettrait en danger l’indépendance nationale pour ce qui touche à nos centrales nucléaires et notre force de dissuasion ! Étrange car ce qui a été fait avec General Electric respecte strictement les termes de l’accord tripartite signé en juin 2014 entre General Electric, Alstom et l’Etat français représenté par M. Montebourg. Pour les centrales nucléaires françaises, le Ministre avait demandé et obtenu des réponses qui l’ont satisfait (puisque l’Etat a signé), comme un droit de veto de l’Etat sur des décisions
importantes, la mise sous séquestre de la technologie nucléaire d’Alstom permettant
à l’Etat, EDF ou Areva d’y accéder en cas de besoin, un engagement de maintenir en
France la direction et les équipes intervenant dans les centrales nucléaires françaises, etc. D’autres vont même jusqu’à considérer que la force de dissuasion française serait en danger car les turbines équipant les sous-marins nucléaires français, prétendument fournies par Alstom, seraient désormais dans des mains américaines.
En fait, Alstom n’a jamais fabriqué ces turbines ; elles sont produites au Creusot par une société rachetée à Areva il y a près de vingt ans par… General Electric !
Ce fut une bonne décision pour Alstom, une bonne décision pour la France.
À ces raisons industrielles incontournables qui ont fondé le projet avec General
Electric, certains préfèrent des théories contraires à la réalité mais qui permettent
d’alimenter thèses complotistes ou desseins politiciens. Je l’ai affirmé sous serment et
l’avocat américain assermenté d’Alstom l’a répété devant la Commission d’enquête
Parlementaire, il n’y a AUCUN rapport entre le déroulement d’une enquête par la
Justice américaine (DOJ) sur un nombre limité de faits anciens de corruption et le
rapprochement avec General Electric. Il n’y a jamais eu de discussion avec le DOJ au
sujet d’un éventuel projet avec General Electric jusqu’au moment où la fuite dans les médias a rendu public celui-ci et a conduit le DOJ à interroger les parties sur le
contenu de ce projet et ses éventuelles conséquences sur la procédure en cours. Et
rien, je dis bien rien, n’est venu infirmer mon témoignage et celui de l’avocat
américain niant une quelconque prétendue intervention du DOJ dans les choix
stratégiques d’Alstom. Dans un groupe où l’on signe plusieurs milliers de contrats par
an avec des acheteurs souvent publics dans une centaine de pays, la lutte contre la
corruption passe par un principe de tolérance zéro à toute infraction, une solide
formation des commerçants, des procédures adaptées et des contrôles stricts. C’est ce
qui a été mis en place et que j’ai renforcé jour après jour tant au niveau des
procédures que des contrôles, exécutés par des spécialistes rigoureux et compétents.
Une dizaine de problèmes, isolés et anciens (et pour certains antérieurs à l’acquisition
par Alstom des sociétés concernées), n’ont hélas pu être évités et la Justice a sévi, punissant ceux qui ont fauté et condamnant la société à des amendes. Mais cela ne
saurait aucunement ternir les 20 milliards d’euros de commandes gagnées chaque
année grâce aux technologies et aux moyens industriels et humains d’Alstom, et non
par un quelconque autre moyen. Quant aux quelques cadres concernés par des
procédures judiciaires, ils ont reçu le plein soutien de l’entreprise tant que la
présomption d’innocence prévalait, soutien qu’il n’était évidemment plus possible de
maintenir en cas de reconnaissance de culpabilité ou de condamnation. Il y a donc
bien eu une procédure du DOJ commencée largement avant les discussions avec
General Electric et conclue après la fin de celles-ci, mais je répète solennellement que
les deux sujets sont distincts et les mélanger pour alimenter la théorie du complot n’a
strictement aucune base factuelle.
Les fantasmes sont multiples mais la réalité est beaucoup plus simple. J’ai pris mes
responsabilités de PDG quand, face à des perspectives qui mettaient en risque la
survie d’Alstom et l’avenir des dizaines de milliers d’hommes et de femmes qui y
travaillaient, j’ai entrepris la recherche d’une solution répondant à ces défis et mis en œuvre ce projet avec General Electric. J’ai été soutenu par le Conseil d’administration unanime, 99% des actionnaires et une majorité des organisations syndicales. Ce fut
une bonne décision pour Alstom, une bonne décision pour la France.

Arabelle, la turbine des centrales nucléaires, redevient française après deux ans de péripéties

Article du Figaro.

A Flamanville dans la Manche, où se prépare la mise en service de l’EPR,
« Christine » a manqué son rendez-vous avec Emmanuel Macron. Le président
de la République devait prendre la parole le 16 mai dernier devant la turbine du
nouveau réacteur, baptisée, comme toutes celles qui équipent le parc français, du
prénom de l’assistante de direction du site au moment du lancement du projet. Le
déplacement du chef de l’État, qui devait être le premier dans une centrale nucléaire
depuis son élection en 2017, a été annulé à la dernière minute pour cause de Conseil
de défense réuni en urgence au sujet de la Nouvelle-Calédonie.
Emmanuel Macron ira plus tard à Flamanville célébrer la prochaine mise en route de l’EPR. Mais il révèle enfin ce qu’il aurait voulu annoncer le 16 mai : la finalisation du rachat des opérations nucléaires du groupe américain General Electric par EDF. « Ce 31 mai, EDF reprend officiellement les activités nucléaires de General Electric (GE) et notamment les activités de maintenance et de fabrication des turbines Arabelle. Les accords conclus assurent la pérennité de cette activité qui est une véritable fierté française », a déclaré le président dans un entretien aux journaux du groupe Ebra. Les turbines de la gamme Arabelle, celle de Christine, redeviennent
françaises. Arabelle Solutions sera une filiale à 100 % d’EDF.
« Arabelle Solutions vient renforcer notre maîtrise industrielle de la chaîne de
valeur du nucléaire aux côtés de Framatome ; Bernard Fontana, président de Framatome, est nommé président du conseil d’administration d’Arabelle Solutions », précise Luc Rémont, PDG d’EDF.
L’opération, annoncée ce 31 mai à 14 heures, conclut un cycle de négociations
mouvementées. Elles ont commencé début 2021, dès lors que le groupe américain a
signifié son intention de sortir des activités nucléaires. Sa filiale GEAST, dont
l’essentiel des opérations industrielles se situe à Belfort, est donc à vendre. EDF est
l’acheteur naturel. L’État français y tient, et l’électricien aussi : il est impératif que cet
actif « reste entre des mains sûres et fiables », explique un proche du dossier.
GEAST, c’est en effet à la fois les turbines qui équipent le parc nucléaire existant et
celles des EPR en construction (Hinkley Point, en Angleterre) ou en projet en France
comme à l’international, ainsi que leurs alternateurs. Autrement dit, l’îlot
conventionnel d’une centrale nucléaire. « Cette opération est fondamentale pour
accompagner la relance du nucléaire par une intégration verticale de la filière,
gage de notre indépendance », explique au Figaro le ministre de l’Économie Bruno
Le Maire.
En septembre 2021, des « discussions préliminaires » sont ouvertes entre les deux
groupes. Elles sont intenses. « Cela m’a occupé chaque semaine ou presque
depuis deux ans », raconte Bruno Le Maire. Le ministre a notamment réuni à
plusieurs reprises par visioconférence les PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, et de
General Electric, Larry Culp. Il faut attendre cinq mois pour que cela se traduise, dans
un premier temps, en une lettre d’intention en bonne et due forme, dont les derniers
détails se négocient encore dans la nuit du 9 au 10 février 2022. Juste à temps pour
que le président de la République puisse annoncer, à Belfort le 10 février, « l’accord
trouvé entre EDF et General Electric pour reprendre les activités liées au
nucléaire de General Electric, notamment les activités de maintenance ou de
fabrication des turbines Arabelle, compétence unique dont nous sommes fiers
de disposer en France ». « Ces turbines équiperont les EPR 2 que nous
construirons », ajoute alors le chef de l’État, qui annonçait ce jour-là le lancement
d’un nouveau programme nucléaire, véritable tournant pour la politique énergétique

du pays. Pour faire cette déclaration devant une turbine rutilante en fabrication,
Emmanuel Macron avait attendu d’être sûr qu’Arabelle serait bien de retour sous
pavillon français.
Un enjeu stratégique et un enjeu politique pour le chef de l’État, auquel il a souvent
été reproché, à Belfort et sur les bancs de l’opposition, d’avoir accepté comme
ministre il y a dix ans la vente d’Alstom Energy, y compris Arabelle, à General
Electric. La France disposait depuis d’un atout important dans sa manche, une
« golden share » lui permettant « d’influencer » le choix du repreneur. Dès la fin 2020 et les premières velléités de GE de se défaire des turbines, l’État français expliquait qu’il fallait qu’elles « soient françaises ».
Mais deux semaines seulement après le discours de Belfort, la situation bascule : la
Russie envahit l’Ukraine. Le 10 février 2022, Emmanuel Macron promettait de garantir
« à tous nos grands partenaires industriels -russes et d’autres nationalités- la
fiabilité, la force de notre offre industrielle ». Le 24 février, la Russie devient un État
paria. « On risquait une remise en cause de l’opération, rappelle Bruno Le Maire, la
négociation entre alors dans le champ géopolitique. »
Une part significative du carnet de commandes du futur Arabelle Solutions provient de contrats signés avec le groupe étatique russe Rosatom, bien avant l’invasion de
l’Ukraine. Posant un double problème, commercial et technique. Pour EDF, pas
question de payer au prix fort un actif industriel privé d’une partie de ses débouchés.
GE avait conclu quatre contrats avec le Russe et prévoyait même de créer une
coentreprise pour les honorer. Quatre pays étaient concernés pour la construction de
réacteurs nucléaires de technologie russe, équipés de turbines Arabelle. Dès le
printemps 2022, les Finlandais ont décidé, pour d’évidentes raisons géopolitiques, de
renoncer à confier à leur voisin belliqueux la construction du réacteur Hanhikivi-1.
Restaient, dans la corbeille de la mariée, les contrats avec la Hongrie, la Turquie et
l’Égypte. Un pays européen et membre de l’Otan, un pays membre de l’Otan et tous
alliés de la France. Pas question de leur tourner le dos. Ni de renoncer à la charge
industrielle, que ces contrats représentent à court terme à Belfort. Elle est même  indispensable pour faire tourner les usines, en attendant les prochaines commandes
du nucléaire français.
Pour déminer tous ces sujets, abordés en tête-à-tête par Bruno Le Maire et par Larry
Culp le 21 juin 2022, un nouveau cycle de négociations s’enclenche. Le 7 août 2022,
un accord de principe est acté, qui prévoit la révision des termes financiers de la
transaction et l’abandon de la coentreprise, qui devait être créée avec Rosatom.
Le 3 novembre 2022, le conseil d’administration d’EDF valide l’acquisition de GEAST, sans participation au vote des représentants de l’État. « Nous pensions, enfin, y être parvenus », se souvient Bruno Le Maire. Mais à Washington, les réflexions vont bon train pour étendre peu à peu le champ des sanctions contre la Russie dans le
domaine nucléaire. Le 23 juin 2023, Luc Rémont, nouveau PDG d’EDF, s’inquiète
auprès de Bercy des conséquences d’un décret américain (« executive order »), dont
la portée pourrait affecter potentiellement les trois contrats de projets à
l’international. Il faut négocier pied à pied. Les échanges avec Larry Culp se
multiplient pour intégrer ce risque à l’accord final. Il faut surtout obtenir des États-Unis les licences nécessaires pour exécuter les contrats en cours avec Rosatom.
Licences qui ne viennent pas. Ou s’assurer de la pleine propriété intellectuelle et
s’affranchir de tout risque de veto américain sur des contrats d’exportation futurs.
Ballet diplomatique. Le ministre de l’Économie échange avec Jake Sullivan, conseiller à la sécurité de Joe Biden, avec Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, à trois reprises notamment en marge des réunions du G7 ou du G20. Il y a des dizaines
d’autorisations à obtenir pour boucler définitivement le deal, notamment au
Royaume-Uni, où les autorités s’inquiètent des systèmes de propulsion navale qui
équipent certains bâtiments de leur Marine.
L’opération devait être bouclée le 30 novembre 2023. Un avenant au contrat avec GE a été signé, soldant, croyait-on, les derniers différends ; toutes les parties ont alors suffisamment de confiance pour organiser une fête à Belfort, le 1er décembre, pour sceller le retour d’Arabelle. Las, il faut l’annuler à la dernière minute : tant pis pour le repas prévu pour 2 000 personnes. Le rebondissement fait des heureux dans les
associations locales qui en héritent.
Fin 2023, Emmanuel Macron écrit à Joe Biden. Mais il faudra encore près de cinq mois pour finaliser cette opération hors norme. Avec toutes les assurances requises. « Nous avons sécurisé l’octroi des licences américaines nécessaires à l’opération »,
explique Emmanuel Macron dans son interview à la presse régionale. Les licences de l’ensemble reviennent aussi à Arabelle Solutions : c’est un périmètre plus large que
celui qui avait été cédé à GE par Alstom en 2014.
Aux enjeux géopolitiques s’ajoutent la complexité de l’opération en elle-même et le
fait que GE et EDF ont changé de dimension. L’Américain s’est scindé en plusieurs
sociétés, les turbines et leur alternateur étant désormais logés chez GE Vernova ; EDF a été nationalisé. Sur le plan pratique, il ne s’agit pas d’une transaction unique mais
« d’une addition de mini-transactions dans plusieurs pays, avec des transferts de
propriété intellectuelle ou immobilière, des documents annexes… Des pays où la
signature se fait devant un notaire, d’autres où il faut un témoin », relate un
proche du dossier.
Avec cette opération, EDF poursuit son intégration verticale. Le groupe remet la main sur ce qui constitue l’îlot conventionnel des réacteurs nucléaires, c’est-à-dire les turbines Arabelle et l’alternateur Gigatop, moins connu mais qui est une autre pièce maîtresse de cette activité. Les deux sont fabriqués à Belfort.
La transaction concerne aussi la propulsion navale, qui équipe notamment les sous-
marins nucléaires français. Des entités industrielles plus petites que l’emblématique usine de Belfort sont aussi concernées, comme un atelier de maintenance à La Courneuve, un atelier de production de cartes électroniques à Nancy, un site britannique, ou encore un autre en Inde. Au total, quelque 3 300 emplois reviennent chez EDF, dont 70 % sont dans l’Hexagone. « La totalité du cycle nucléaire est donc désormais consolidée en France, de l’approvisionnement en uranium à la
fabrication des centrales et à leur exploitation, jusqu’au retraitement des  déchets. C’est une démarche de souveraineté », affirme dans son entretien le chef de l’État.
Mais pour en arriver là, il a fallu opérer un détourage : identifier les organisations, les
salariés, les services informatiques, les actifs immobiliers, etc. qui restent chez GE, et
ceux qui sont transférés à Arabelle Solutions. Chacune de ces opérations requiert des autorisations dans de nombreux pays. Ce détourage méticuleux a aussi permis de sortir les activités américaines du périmètre du groupe français, réduisant d’autant
les risques de sanctions extraterritoriales émanant de Washington. Symbole de cette
prudence, aux activités « nouveau nucléaire » concernées par la transaction, s’ajoute la maintenance d’environ 200 turbines installées dans le monde, à l’exception de la base installée aux Amériques, officiellement « faute de synergies avec l’Europe ».

B.
B. ET E. B.

Relancer les centrales nucléaires allemandes ? Certains pensent que c’est encore possible mais les Verts ont en fait gravement compromis les installations.

Alors que les pro-nucléaires allemands se mobilisent pour tenter de faire relancer leurs centrales nucléaires (cf. Mother For NuclearNuklearia…) des ingénieurs spécialisés allemands (Framatome GmBH, un physicien spécialiste allemand) démentent (sous couvert d’anonymat) cette plausibilité.

Les opérations de décontamination chimiques, qui ont été réalisées sans publicité pour ne pas faire éclater le scandale, sont agressives puisqu’elles sont prévues pour extirper toutes les particules actives intégrées aux parois du circuit primaire. Ce lessivage chimique endommage donc le revêtement interne du circuit primaire (ce qui est une bonne façon de réduire les doses reçues par les exploitants et facilite grandement les opérations de déconstruction), mais a pour inconvénient de rendre le matériau du circuit primaire non conforme pour une reprise d’exploitation.

Sur le papier c’est peut-être possible de remettre en route, tous les composants sont, a priori, encore en place, mais le circuit primaire (CP) n’est plus opérationnel car il n’est plus dans son état d’origine, ses caractéristiques ont été modifiées. Il faudrait se lancer dans une requalification complète du circuit primaire, avec des essais sur éprouvettes prélevées, ce qui prendrait des années, sans garantie. Donc il est peu probable que de tels investissements soient engagés sans garantie.

Parmi les 6 dernières centrales arrêtées, cette opération de décontamination a été réalisée très rapidement sur 5 d’entre elles, la dernière, sur ISAR2 (qui a longtemps été candidate pour un redémarrage), il y a quelques semaines seulement. Le gouvernement a donc hésité avant de prendre sa décision irrémédiable.

On peut être être pronucléaire et clamer que rien n’a été « détruit » et que les centrales peuvent redémarrer en claquant des doigts, mais la réalité est malheureusement toute autre.

Pas de chance pour les pro-nucléaires, ils vont devoir convaincre qu’il faut reconstruire, ce qui est bien plus difficile.

D’où la tactique des anti-nucléaires qui consiste à tout miser sur les SMR, a priori loins d’être compétitifs sur ce créneau en 2040. Sans parler de la fusion.

Pourtant une stratégie gagnante est à portée de main : construire des réacteurs rapides à sûreté passive (RNR G4), recyclables grâce à l’économie circulaire. 20 % plus chers au début mais qui rassureront les allemands… même si les maigres risques du sodium resteront un épouvantail facile.

Le CRI ou la CRIM et les rôles de la CRE.

Un texte de l’excellente Bertille Bayart sur le site du Figaro.

Quand on oppose aux requins des sardines!

Bertille Bayart

Big Business – Les sagas et les stratégies de l’éco | par Bertille Bayartle mercredi 27 mars 2024

Chers abonnés, 

L’actualité est chargée sur le front des finances publiques, avec la révélation mardi par l’Insee du chiffre définitif du déficit public de la France en 2023, qui a atteint 5,5%. Un dérapage, une «déroute» même avons-nous titré en «une» du Figaro publié ce mercredi, qui va lourdement peser dans les débats politiques des mois à venir. 

De multiples facteurs ont participé à ce très mauvais résultat. Arrêtons-nous sur l’un d’eux : la crise énergétique. Celle-ci a affecté l’activité économique. Et cela se lit dans l’essoufflement de la croissance en fin d’année 2023, dans les comptes des entreprises, et donc dans les recettes fiscales, et aussi dans le bilan carbone du pays, excellent en 2023 pour de bonnes raisons (efforts de transition, production nucléaire)… et de mauvaises (baisse de production dans l’industrie). 

La crise énergétique a aussi pesé sur les dépenses de l’État, avec les différentes aides, boucliers, chèques. Un «quoi qu’il en coûte» dont la facture nette brute depuis l’automne 2021 s’est élevée à 72 milliards d’euros, pour un coût net de plus de 36 milliards, selon un récent rapport de la Cour des comptes

Cela aurait dû être un peu moins. Car l’État pensait gagner davantage avec la «Contribution sur les rentes inframarginales» des énergéticiens. La fameuse «CRI» ou «CRIM», selon la préférence de chacun – les énergéticiens choisissant généralement la deuxième version de l’acronyme, allez savoir pourquoi. 

La «CRIM», donc, n’a rapporté que 2,8 milliards d’euros en 2022 et 2023, contre 12,3 milliards attendus au moment de sa conception. En 2023, Bercy n’a encaissé que 300 millions d’euros, «soit dix fois moins que prévu», a expliqué Bruno Le Maire. Les calculs qu’avait faits la Commission de régulation de l’énergie (CRE) se sont donc avérés faux. 

Que s’est-il passé ? La Cour des comptes s’est longuement penchée sur la question – la Cour choisit pour sa part de parler de «CRI» – dans le rapport déjà cité. «La CRI était censée permettre à l’État de capter les surrémunérations des producteurs, issues des rentes inframarginales en excès de leurs coûts de production, pour financer les dépenses budgétaires consenties en faveur des consommateurs. Or, la CRI, telle que configurée en loi de finances initiale pour 2023, ne paraît pas à même de financer des aides à la hauteur d’un alignement des prix sur les coûts de production nationaux», écrivaient les magistrats mi-mars. Ils estimaient à 42,5 milliards d’euros les marges réalisées dans la vente d’électricité par rapport aux coûts de production.  Les marges sur la vente d’électricité, selon la Cour des comptes. Cour des comptes   

Où sont passées ces marges que la CRIM n’a pas su capter ? Une grosse part a en fait été avalée par les pertes subies par EDF en 2022, et que l’entreprise publique a pu reporter en 2023. «Aussi aucune contribution nette n’était-elle attendue d’EDF, selon les dernières prévisions disponibles, pour l’année 2023, ce qui explique en bonne part que les recettes de la CRI soient estimées désormais à un niveau nettement inférieur aux prévisions initiales. Dans ces conditions, l’État ne peut pas compter sur la taxation des marges d’EDF sur 2022-2023 pour financer le bouclier tarifaire», décrit le rapport de la Cour. 

Cette explication suffit-elle ? Probablement pas. Nul doute que les activités de trading d’électricité se sont régalées de la volatilité des prix pendant deux ans sans que le bras fiscal de Bercy ne parvienne à capter tout son dû. Comme l’a relevé ma consœur Elsa Bembaron dans son article, « EDF trading s’est très bien porté avec un bénéfice en hausse de 5 milliards, note aussi la cour. Ce qui donne une tendance du type de gains que certains acteurs ont engrangés ». Je repense à cet article publié en janvier par le spécialiste de l’énergie chez Bloomberg Javier Blas, et que j’avais mis de côté pour vous tant il m’avait marqué. Le journaliste raconte son voyage au Danemark, la «Silicon Valley du trading d’énergie» en Europe. «Il y a cinq ans, cette industrie était petite, et ses principales sociétés réalisaient environ 100 millions de dollars de profits au mieux. Aujourd’hui, c’est un poids lourd – les mêmes sociétés ont encaissé environ 5 milliards de profits cumulés en 2022». 

La CRIM n’était donc pas parfaite du tout. Ni financièrement, ni politiquement alors qu’elle avait vocation à soutenir le discours du gouvernement quand il affirmait ne pas avoir laissé prospérer de profits indus sur le dos de cette crise. C’était l’argument anti-taxe sur les superprofits face aux velléités de l’opposition – et d’une partie de la majorité – sur ce thème. 

Il va falloir corriger le tir. « Je suis opposé aux augmentations d’impôts, mais je n’aime pas les rentes », a dit mardi Bruno Le Maire. L’exécutif doit réécrire la version de la CRIM inscrite dans sa loi de finance 2024, d’autant qu’il l’avait lui-même… allégée ! «Si la prolongation d’une taxation au titre de la CRI est bien prévue par l’article 80 de la loi de finances initiale pour 2024, ses paramètres ont été modifiés de sorte à limiter son rendement (en particulier l’abattement sur la marge est porté à 50%)», rappelait la Cour des comptes qui ajoutait « Au contraire, la nécessité de capter au mieux les marges bénéficiaires des acteurs du marché de gros pour financer un bouclier rapprochant les prix des coûts de production sans alourdir le déficit budgétaire de l’État appellerait à réviser les seuils unitaires de recettes au plus près des coûts et à élargir le champ des revenus entrant dans le calcul de la CRI pour 2024 (hydraulique à réservoir, revenus tirés du mécanisme de capacité), voire le périmètre des acteurs de marché concernés». »

Chères ! les renouvelables ont-elles une place à côté du nucléaire ?

Ce 21 mars 2024, La Libre publiait en pages 18 & 19 un article de L. Lambrecht :’

’Cher, le nucléaire pourra-t-il être compétitif face aux énergies renouvelables ?

https://www.lalibre.be/economie/conjoncture/2024/03/21/cher-le-nucleaire-pourra-t-il-etre-competitif-face-aux-energies-renouvelables-TDNC5AS37VABDCQC2WBOMDWQFI

Voici la réaction de Marc Deffrennes, Ingénieur civil, Retraité Commission Européenne et OCDE
Fondateur de weCARE https://www.wecareeu.org

Chères ! les renouvelables ont-elles une place à côté du nucléaire ?

On peut s’étonner du peu de visibilité donnée par La Libre Eco au Sommet Énergie Nucléaire qui s’est tenu le 21 mars à Bruxelles sous l’égide de l’AIEA et du Premier Ministre De Croo. Seulement neuf lignes en tout petits caractères, coincées entre deux articles, alors qu’il s’agissait là d’un Sommet international réunissant plusieurs Chefs d’État et de Gouvernement ou de hauts représentants de pays se déclarant, dans la foulée de la COP28, du GIEC et de l’AIE, en faveur d’une contribution du nucléaire dans un mix énergétique décarboné… excusez du peu…

De plus le premier article est à connotation volontairement négative pour le nucléaire. Son titre laisse sous-entendre que le nucléaire ne pourra pas être compétitif par rapport aux énergies renouvelables, car (trop) cher. Pour justifier cette approche, l’article fait référence au dernier livre de Michel Allé, ingénieur et économiste, Professeur à l’ULB, « Nucléaire contre Renouvelables ».

L’article se focalise sur le calcul du coût de production d’électricité à la borne d’une installation (sortie de la centrale ou de l’éolienne ou du panneau photovoltaïque), appelé LCOE (Levelized Cost of Electricity – en jargon anglophone). Il met en avant les échecs économico-financiers (réels) des EPRs européens et de l’AP1000 construit aux USA (la Chine a fait beaucoup mieux, et donc ce n’est pas une fatalité technologique). Les leçons devront en être tirées à tous les niveaux car les responsabilités sont partagées – politiques, industrielles et régulatoires. L’article mentionne aussi que le coût en capital des EPR2 a été revu à la hausse par EDF, passant à 66 Milliards pour 6 réacteurs (de 1700 MWe chacun), et que le LCOE estimé par RTE pour ces réacteurs utilise un taux d’actualisation de 4%. Tout ceci est vrai, peut se discuter entre spécialistes, mais à la façon dont c’est présenté amène le lecteur non averti à conclure que le nucléaire futur ne sera pas compétitif et qu’il faut donc tout miser sur le renouvelable, slogan Ecolo bien connu, encore répété ad nauseam ces derniers jours en campagne électorale.

Et c’est bien là que le bât blesse, car l’article pèche par omission en, d’une part, n’insistant pas suffisamment sur les autres coûts dits de « système et, d’autre part, sur les grandes inconnues en termes de faisabilité technique et économique d’un déploiement important des moyens intermittents que sont le solaire et l’éolien… à moins de revenir à la chandelle de manière récurrente.

Pour corriger cette omission, on peut d’abord rappeler la situation d’aujourd’hui.  En 2022, l’Allemagne, qui est sortie du nucléaire, a produit 250 TWh (45% de sa consommation totale) avec un parc renouvelable de 150 GWe, comparé à la France qui a produit 300 TWh (55% de sa consommation) avec un parc nucléaire de 60 GWe. En gros c’est équivalent mais avec trois fois moins de capacités installées. Pour parvenir à ce résultat, l’ Allemagne a investi 500 Milliards d’Euros sur 20 ans (2005-2025) en subsides au renouvelable et 150 Milliards supplémentaires pour un début d’adaptation du réseau électrique à ce renouvelable. La Cour des Comptes allemande vient de publier un rapport estimant à 450 Milliards additionnels le coût du réseau pour les 20 années à venir (2025-2045) – en tout cela fera donc 1100 Milliards pour une période de 20 ans. On comparera cela au coût du grand carénage du nucléaire existant en France qui sera de 50 Milliards pour une durée de vie supplémentaire de 20 ans aussi. Et, cerise sur le gâteau, l’empreinte carbone de la production électrique en Allemagne en 2022 a été de 385 g CO2/kWh contre 85 en France.

En conclusion, l’Energiewende à l’Allemande est un échec total. C’est pourtant l’exemple que l’Union Européenne et la Belgique ont suivi depuis quelques années, sortant du nucléaire, poussant le renouvelable et investissant dans le fossile… en attendant que les rêves alternatifs de compensation de l’intermittence se concrétisent… Cherchez l’erreur… La Libre Eco pourrait se pencher sur la question…

On objectera que tout ceci est vrai pour le nucléaire existant et que cela ne vaut pas pour le nucléaire futur. C’est ici qu’il faut introduire les coûts « système ». En effet il ne suffit pas de s’arrêter à la borne des installations. Il faut aussi prendre en compte les coûts « système » induits par un mode de production. Pour les renouvelables cela couvre les coûts de gestion de l’intermittence – en termes de stabilité de réseau, de remplacement de la production par d’autres moyens quand le vent et le soleil ne sont pas au rendez-vous, etc… auxquels il faut rajouter les coûts d’adaptation nécessaire des réseaux de transport et de distribution pour être à même d’intégrer les productions renouvelables.

Des études de l’OECD et du MIT analysant l’optimum économique du « système » électrique montrent qu’aller au-delà d’une pénétration de l’ordre de 30 à 40% d’énergie renouvelable intermittente n’est plus économique, et que cela le devient de moins en moins plus on décarbone et plus la pénétration du renouvelable intermittent est importante. De plus ces études n’intègrent pas les coûts d’adaptation du réseau, dont on perçoit les montants astronomiques dans les analyses de la Cour des Comptes allemande mentionnés ci-dessus.

On pourra ajouter que si des incertitudes existent quant aux estimations pour les coûts en capital des EPR2 et autre AP1000, que dire des incertitudes techniques et économiques des moyens magiques supposés venir en soutien à l’intermittence des renouvelables, que ce soit les batteries, la capture et stockage du carbone, l’hydrogène vert, etc… sans même parler du facteur quatre pour le coût de panneaux photovoltaïques à fabriquer en Europe plutôt qu’en Chine, et des difficultés que rencontrent les vendeurs d’éoliennes européens ayant accepté des contrats ne leur permettant pas d’être rentables.

 Tout ceci démontre que même si le vent et le soleil sont gratuits, aller chercher et distribuer leur potentiel de manière économique et fiable est très loin d’être la solution merveilleuse que nous promettent les écolos.

En conclusion, il ne faut pas réfléchir en terme « nucléaire contre renouvelables » comme le fait Michel Allé, mais en terme d’optimum économique et de fiabilité du système électrique, pour une durabilité sociétale. En faisant cela de manière correcte, on arrive à la conclusion que le nucléaire devra avoir une place prépondérante dans le mix électrique décarboné du futur. D’autant plus qu’investir aujourd’hui dans une centrale nucléaire, même si cela est « cher », qui aura une durée de vie de 60 à 80 ans, et qui sera « remboursée » en 30 ans, c’est faire un cadeau énorme aux générations futures qui profiteront d’une électricité peu chère… comme nous aurions pu le faire si la bêtise politique n’avait pas amené la Belgique à sortir du nucléaire, comme l’Allemagne. Vu sous cet aspect, le nucléaire n’est pas un passif négatif à gérer, mais un bien commun porteur d’avenir[1]
                                                                                                      

Marc Deffrennes              26/03/2024

[1] Et qu’on ne revienne pas ici nous bassiner avec le « passif » des déchets nucléaires que l’on laisse aux générations futures. Les solutions techniques existent (voir la Finlande) à des coûts tout à fait acceptables (rappelons les 15 milliards transférés à la Belgique par ENGIE – pour la gestion de combustibles usés venant de 50 ans de fonctionnement des centrales qui ont produit 50 % de toute l’électricité consommée en Belgique durant  cette période… cela ne fait pas cher le déchet au kWh… Le problème est donc la perception que le public non averti en a… sur laquelle les écolos jouent très bien à faire peur…  

NDLR : une illustration du FSLCOE

Est-il si simple d’augmenter la puissance d’un réacteur nucléaire en France ?

La SFEN a proposé un article à ce sujet.

https://www.sfen.org/vos-questions/comment-augmenter-la-puissance-dun-reacteur-nucleaire

Article un peu léger ?

1) L’augmentation de puissance des 900 MW qui ne met pas en cause la chaudière est facile et a du sens. Il suffit essentiellement de remplacer les rotors BP des turbines par de nouveaux rotors dont les aubes ont des profils optimisés, ce qui peut se faire en environ 3 semaines en temps masqué lors d’un arrêt pour maintenance (pas un simple arrêt pour rechargement). Il y a cependant un problème industriel : fabriquer tous ces rotors de remplacement ne peut se faire que dans la durée. Il faut une programmation de moyen-long terme et le résultat ne peut donc être que relativement lent.

2) Par contre, l’augmentation de puissance des 1 300 MW qui implique la chaudière nucléaire semble beaucoup plus lourde que ce que dit l’article. Cela implique de reprendre de très nombreuses études, y compris des études d’accident, processus forcément lourd et long compte tenu des discussions avec l’ASN. De plus, cela aurait deux inconvénients : une diminution probable de la manœuvrabilité des réacteurs si les marges de sûreté sont plus faibles, et une augmentation de la fluence des cuves due à l’augmentation du flux neutronique. Cette augmentation serait certes faible, mais elle existerait.

Bref, il n’y a pas de solution magique pour augmenter facilement la puissance du nucléaire existant, qui ne fonctionne pas en base comme dans d’autres pays.

3) N’y a-t-il pas une solution plus simple et plus rapide pour gagner 500 MW : faire du réglage primaire de fréquence avec 500 à 600 MW de batteries et éviter ainsi de faire fonctionner un grand nombre de réacteurs à 98 ± 2 % de Pn pour assurer cette fonction. Cela soulagerait aussi les mécanismes de grappes qui ne feraient plus ce réglage. De sources fiables, on devrait atteindre cette capacité de batteries dans 2 à 3 ans (il s’agit de batteries dimensionnées en puissance mais qui n’ont pas besoin d’une capacité importante, de l’ordre de 1 à 1,5 heure pour fixer les idées. Mais elles doivent supporter des fluctuations de charge-décharge quasi-permanentes).

Le débat est ouvert…

Faire fonctionner tous les REP du parc a minima à 100% de PN (au lieu de la marge de 2% imposée pour le réglage de fréquence) est une bonne idée qui est régulièrement évoquée. L’utilisation de batteries dédiées au réglage de fréquence est une bonne suggestion qui permettrait d’emporter la décision.

L’augmentation de puissance en jouant sur le réacteur n’est pas simple. Il y a eu plusieurs tentatives dans le passé, dont le projet AP1300 (Augmentation de puissance du parc 1300 MWe) qui a duré de 2005 à 2015. L’objectif du Projet AP1300 était d’augmenter la puissance électrique des tranches 1300 MWe, par l’intermédiaire d’une augmentation de la puissance thermique, jusqu’à atteindre la valeur maximale définie dans le Décret d’Autorisation de Création (DAC) actuel des tranches P4/P’4 : 4817 MWth. C’est donc une augmentation de +7,8% de la puissance thermique de la chaudière qui était visée. Une démarche prudente avait été adoptée pour ce dossier très lourd (il fallait, entre autres, commander des rotors de turbines HP, faire évoluer les système de grappes d’arrêt, etc.,) qui a occupé beaucoup de monde pendant pas mal d’années. Le planning était grosso modo:

–             Etude de faisabilité jusqu’en 2008 (3 ans),

–             Etudes de sûreté (il faut effectivement refaire toutes les études) pendant 4 à 7 ans

–             Démonstrateur (tête de série) vers 2019/2020

–             Déploiement progressif à partir de 2022-2023

Donc une généralisation n’était pas prévue en moins de 18 ans (!). Mais en 2015 la faisabilité industrielle n’était toujours pas  acquise à 100 %. Il restait des incertitudes sur l’intégration des modifications post Fukushima et surtout l’ASN ne voulait pas s’engager sur une autorisation d’Augmentation de Puissance à périmètre de DAC constant (ce qui était le but d’EDF en limitant l’objectif à +7,8% d’AP).

Donc ceux qui disent que l’on pourra générer jusqu’à 2 à 3 EPR avant la fin de la décennie grâce aux AP de tous les réacteurs du parc existant se trompent : nous ne sommes pas aux USA où le référentiel de sûreté a très peu changé depuis l’origine (les marges de sûreté identifiées grâce aux progrès des connaissances ne sont pas systématiquement captées par l’autorité de sûreté comme en France).

Fermeture de Fessenheim : l’addition

Un représentant de la CFDT a lu un texte, dans un silence de plomb. C’est ce texte qu’à la demande des anciens salariés, nous publions.

L’addition

« 31 août 2023, dernier jour d’existence du CNPE Fessenheim : Centre nucléaire de production d’électricité. Dernier jour après plus de quarante ans d’exploitation. Et pour ce dernier CSE, nous n’allons pas faire un “bilan”… nous allons vous présenter la note. L’addition. Aujourd’hui, quarante années s’achèvent par la destruction de cet outil de production, dans une indifférence à peu près générale. Seuls les antinucléaires s’en frottent les mains… Mais ont-ils un cerveau ?

2020, arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, la France perd 1 800 MW d’énergie non carbonée. L’issue d’une décision prise par un gouvernement qui avait besoin des antinucléaires pour arriver au pouvoir, et confirmée par un autre gouvernement qui n’en avait pas besoin… Ont-ils progressé, vingt ans après la décision de détruire Superphénix, point d’orgue d’une saga politicienne lamentable qui dura plusieurs années ? Avec Superphénix, disparaissaient 1 200 MW. Avaient-ils un cerveau ?

Fessenheim et Superphénix totalisent donc aujourd’hui 3 000 MW manquants sur le réseau. Mais ce n’est pas tout ! En vingt ans, combien de centrales thermiques ont été détruites ? Vingt-six, au total. Les voici :2003 : Le Havre, 125 MW

2004 : Montereau, 750 MW, Loire-sur-Rhône, 250 MW

2005 : Champagne-sur-Oise, 250 MW, Vaires-sur-Marne, 500 MW

2006 : Pélissier, 250 MW

2009 : Martigues, 250 MW

2011 : Martigues, 250 MW

2012 : Le Havre, 250 MW, Martigues, 250 MW

2013 : Gardanne, 250 MW

2014 : Le Havre, 125 MW, Blénod, 500 MW.

2015, hécatombe : Saint-Avold, 468 MW, Hornaing, 250 MW, Lucy, 270 MW, Bouchain, 250 MW, Le Havre, 330 MW, La Maxe, 500 MW, Vitry, 500 MW

2016 : Aramon, 1 400 MW

2017 : Cordemais, 700 MW, Porcheville, 2 400 MW

2018 : Cordemais, 700 MW

Soyons honnêtes, 2018 voit également la mise en service d’une unité de production sur Gardanne 4 : 150 MW de biomasse pour remplacer les 250 détruits cinq ans plus tôt. Et n’oublions pas, ironie de l’histoire, la mise en service de Datteln 4 en 2020 chez nos amis allemands, champions internationaux de la transition énergétique – eux aussi ont un cerveau – avec ses 1 100 MW du pire charbon de la terre, le lignite, qui vient “avantageusement” remplacer les 1 800 détruits à Fessenheim.

Mais ce n’est pas fini…

2021 : Gardanne 5, destruction de 595 MW

2021 : Le Havre, 600 MW – Centrale détruite après y avoir investi 160 millions d’euros. Faut-il qu’on ait un cerveau !

Enfin, 2022 : mise à l’arrêt de Saint-Avold, 1 478 MW. Et la bonne blague, c’est de l’avoir redémarrée six mois plus tard à cause de la crise de l’énergie… Certaines blagues, cependant, ne sont pas vraiment drôles. Il est certain qu’avec un tout petit peu de cerveau, on aurait pu se douter qu’à force de détruire des moyens de production, nous allions manquer d’énergie…

Soyons honnêtes jusqu’au bout, les centrales au charbon et fuel mises à l’arrêt ont été remplacées par des centrales moins polluantes : cycles combinés gaz (et comme il s’agit de “gaz naturel”, ça sonne écolo !), turbines à combustion (on ne dit plus “turbine à gaz”, le mot faisait sale…), et biomasse (dès qu’on met “bio” dans un mot, cela devient la panacée, comme si la biomasse ne produisait pas de gaz à effet de serre…). Au total, 14 698 MW détruits et 5 812 MW moins polluants créés, n’importe quel enfant de 7 ans peut vous dire que le compte n’y est pas.

Donc, aujourd’hui, 3 000 MW non carbonés sont absents du réseau pour des raisons politiciennes, et 9 000 MW de thermique à flamme sont absents du réseau. 9 000 MW, détruits au nom de quoi ? De l’écologie, parce que comme chacun sait, le charbon, ça pollue… À quoi bon avoir un cerveau, si c’est pour s’arrêter à cette découverte ?

Tout le monde sait que le charbon, “ça pollue”… Par contre, peu de gens savent de combien ça pollue. En 2003, la production électrique des centrales à charbon représentait 4 % de la production annuelle d’EDF… Ça ne polluait donc pas beaucoup, mais c’était présent quand on en avait besoin. Et peu de gens savent que si l’ensemble des producteurs fournissent 99 % de la demande, le petit 1 % manquant fait s’écrouler l’ensemble du système. Il n’y a plus de marge, d’où l’actuelle crise de l’énergie, actuelle mais durable.

Peu de gens ont compris que la bonne question, ce n’est pas de savoir si le charbon pollue… La bonne question, c’est de savoir s’il pollue plus ou s’il pollue moins que ce que l’on va mettre à la place. Or, l’année 2022 est celle du début de la crise de l’énergie (crise qui, rappelons-le, a commencé avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie) et dès l’annonce de possibles coupures, les grandes surfaces de bricolage ont été dévalisées de leurs groupes électrogènes… 12 000 MW de nucléaire et de charbon détruits, pour brûler quoi à la place ? De l’essence. A-t-on un cerveau ?

Cela fait vingt ans qu’on nous fait croire que le nucléaire est une énergie du passé, qu’il faut faire une “transition” vers les énergies du futur, dites “renouvelables”. Quand on sait qu’une éolienne produit 20 % de son temps… Si mon boulanger était alimenté par une éolienne, il ferait du pain le lundi, mais pas le mardi, pas le mercredi, pas le jeudi ni le vendredi. C’est cela, 20 % du temps. C’est cela l’énergie de “l’avenir”…

Quant au photovoltaïque, n’importe quel enfant de 5 ans peut vous expliquer que la nuit, il n’y a pas de soleil, et bizarrement, la nuit, c’est là qu’on allume les lumières… Il faut savoir que le 10 janvier 2023, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture un projet de loi pour monter la puissance installée en éolien à 40 000 MW – pour comparaison, la production nucléaire, c’est 63 000 MW – et en photovoltaïque à 80 000 MW. Ont-ils un cerveau ?

Honte

Comment peut-on vivre dans une société assez immature pour tuer la planète à petit feu sans avoir honte ?

Comment ne pas avoir honte des gouvernements successifs qui ont tué l’industrie française, vendu notre patrimoine et nos richesses à des intérêts étrangers – rappelons par exemple la lamentable affaire Alstom, vendue à nos “amis” américains, et ce n’est qu’un exemple. Pour rappel, en 2013 – il y a seulement dix ans –, la France était la 5e puissance économique mondiale, en 2018, elle était la 6e, en 2021, la 7e… et cela ne va pas s’arrêter. En tout cas, ce n’est pas en tuant la filière nucléaire que l’on retrouvera de la richesse…

Et ne soyons surtout pas naïfs sur une prétendue “relance du nucléaire en France”. La politique énergétique d’un pays comme le nôtre se conçoit à 50 ans minimum, 100 ans dans l’idéal ; pas à 5 ans, durée d’une mandature présidentielle, et encore moins 5 mois, durée d’une campagne électorale. Alors une “relance du nucléaire” qui a pour coup d’envoi l’arrêt d’une centrale nucléaire, c’est d’une ironie douteuse…Comment ne pas avoir honte de la direction d’EDF qui n’a pas su empêcher ce désastre ? Elle s’est battue pourtant, mais s’est-elle battue avec assez de conviction ? Ou bien s’est-elle accommodée de changements soi-disant “inéluctables” ? Le slogan des années 1970, c’était “en France on n’a pas de pétrole mais on a des idées”. C’est sur cette idée qu’on a construit le plus grand parc nucléaire au monde. Dans les années 1990, on commençait à détruire des moyens de production. En 2007, la grande idée a été de vendre notre production à prix coûtant à nos concurrents, pour qu’ils puissent nous prendre nos clients… d’où l’apparition d’une multitude de vendeurs d’électricité qui n’ont fait que s’enrichir sans rien produire, sur le dos d’EDF, c’est-à-dire sur le dos des Français. En biologie, on appelle cela des parasites. Rappelons qu’en 2013, il y a seulement dix ans, les particuliers payaient le kWh d’EDF 12 centimes, aujourd’hui 22. N’est-il pas temps de demander des comptes à tous les puissants cerveaux qui ont conduit à cette situation ?

Face aux antinucléaires, EDF s’est-elle battue avec assez d’énergie ? Sa direction de la communication a-t-elle été à la hauteur des enjeux ? Quand on sait qu’aujourd’hui, et pour encore plusieurs décennies, seule l’énergie nucléaire aurait une chance de sauver le monde de la surchauffe… et la direction de la communication n’a pas été capable de faire comprendre cela ? Elle s’est bornée à remplacer les gobelets en plastique par des mugs, et à nous faire réaliser la Fresque du climat. Comment peut-on faire la Fresque du climat et s’en satisfaire, sans avoir honte ?

Comment a-t-on pu présenter le plan de sobriété du groupe : “Bien éteindre sa lumière, travailler à deux dans le même bureau pour gagner 10 watts d’éclairage, bien débrancher ses appareils en veille”… On a détruit 1 800 MW, mais on va les compenser en débranchant nos cafetières ? Comment peut-on compter les pulls en laine et installer des thermomètres dans les bureaux sans avoir honte ?

Bien sûr, tout le monde peut se dire que nous n’avons pas à avoir honte des conséquences d’une fermeture que nous n’avons pas voulue, que nous avons même combattue. C’est vrai, et d’ailleurs il serait faux d’accuser la direction du site de complaisance, parce que cela n’a pas été le cas. Au passage, on peut noter qu’elle a fait des efforts importants en ce qui concerne le plan social – quand c’est bien, il faut le dire. Alors que lui reproche-t-on ?

La direction n’a pas été complaisante quant à la fermeture du site, c’est vrai, mais elle s’en est accommodée. En passant rapidement de l’indignation aux “grands enjeux industriels”, en affichant fièrement à l’entrée du site “Réussir la transition vers le démantèlement en toute sûreté et sécurité” – transition, quel mot bien choisi !

En somme, c’est un peu comme un enterrement : après, “il faut que la vie continue”, et on s’en est accommodé.

Comment ne pas avoir honte ?

Le 1er septembre 2023, le Centre nucléaire de production d’électricité de Fessenheim perdra définitivement son existence légale, le site passera alors sous le contrôle du service de démantèlement. Fessenheim expire, et voilà l’addition. Qui va la payer ? »

2003 : Le Havre, 125 MW

Fessenheim et Superphénix totalisent donc aujourd’hui 3 000 MW manquants sur le réseau. Mais ce n’est pas tout ! En vingt ans, combien de centrales thermiques ont été détruites ? Vingt-six, au total. Les voici :

2003 : Le Havre, 125 MW

Doute sur l’impact des faibles doses radioactives ? Réflexions d’un médecin nucléaire depuis les premiers papiers relatifs à Inworks

https://www.bmj.com/content/bmj/382/bmj-2022-074520.full.pdf

En médecine nucléaire je le rappelle, on injecte des médicaments radioactifs pour explorer l’organisme.

Cette étude est une rente, les articles continueront longtemps de sortir, mis à toutes les sauces (leucémies, tumeurs solides, etc…). La méthodologie est effectivement « top level », du coup parfois je ne comprends pas tout – ce qui du reste permet aux auteurs dont je respecte infiniment la compétence mais qui sont [parfois] dogmatiques, de trancher la discussion lorsqu’on les met en difficulté par un péremptoire « il est vrai que c’est difficile à appréhender pour un non épidémiologiste ».


Mais peu importe, car le problème n’est pas là : en réalité l’ [les] étude[s] Inworks (comme nombre d’autres) repose[nt] sur une formidable pétition de principe… A savoir :

1) on admet implicitement la RLSS (Relation Linéaire Sans Seuil) comme scientifiquement fondée, ce qui est absolument faux (Cf l’abondante analyse faite par Calabrèse, à partir du prix Nobel usurpé de Müller, de l’orientation des crédits de recherche dans le contexte traumatique post-projet Manhattan et Hiroschima Nagasaki – très bien décrit dans le film Oppenheimer – et de l’application insidieuse du principe « de précaution » depuis bientôt un siècle…)

2) on part du POSTULAT voulant que les faibles doses donnent des cancers, en se proposant de vérifier si (que) c’est vrai…Donc « l’hypothèse nulle » (au sens des statisticiens) est celle-ci, alors que cela devrait être  : « tester l’hypothèse que les faibles doses sont inoffensives », puisqu’on ne constate pas de SURINCIDENCE (par rapport à une mortalité par cancer dans la population générale comprise entre 20 et 30 % selon l’age, le sexe, les conditiosn socio-économiques, l’amimentation, etc.) significative des cancers dans la population étudiée. Au lieu donc de chercher un facteur causal à un excès de cancers qu’on ne constate pas, on cherche à voir si un facteur SUPPOSÉ CAUSAL conduit ou non à un excès de cancers

3) cet excès supposé (imaginaire ! postulé !) étant très faible, dans un contexte général de 25 % d’incidence de cancer mortel dans la population globale (+/- 5%, CF supra), il n’est pas démontrable, mais la conclusion est néanmoins positive au motif que « les données sont compatibles avec le modèle ». Ce qui n’est pas scientifique, un modèle est explicatif mais pas une démonstration de causalité : or si on compare l’incidence des cancers entre les individus ayant eu moins ou plus de 100 mSv, on trouve un excès dans le second groupe, c’est parfaitement connu (Cf Life Span Study et autres). En revanche, aucune vérification expérimentale n’est possible pour comparer des doses  < 100 mSv à…absence de dose ! 
C’est donc, quelque part, un tour de passe passe au service d’une croyance.
Dans ce papier, comme dans les autres, ça ne rate pas :  les « statistical methods » démarrent avec la litanie habituelle :


  The statistical methods used were similar to those used in previous international studies of nuclear workers.18 We quantified radiation dose-mortality associations by using a stratum specific model for mortality rates, Ik , of the form Ik =exp(αk )(1+βZ), where k indexes strata, Z is the cumulative dose in Gy, and β is excess relative rate (the relative rate minus 1) per Gy.32-34 The excess relative rate is expressed as a proportional increase in the rate over baseline, per unit dose, where a value of 0 indicates no radiation associated increase in the mortality rate.   

Ce qui clairement appelle les commentaires suivants :- exprimer le risque relatif en 1+βZ c’est bien… admettre la RLSS ! Mais comme il est dit : « on utilise une méthode similaire à… » donc c’est bien. Bientôt 100 ans que ça dure- d’ailleurs, on impose que la courbe de la fameuse figure 1 passe par zéro (on prend le 100 % de référence pour une dose nulle, au nom de quoi ? la radiobiologie accumule depuis 10 ans les arguments en faveur d’un effet hormesis)- on découpe en classes de dose, pourquoi ? Les puissances de calcul actuels permettent de faire de la régression sur l’ensemble du nuage de points… mais ramener à 10 points a plusieurs avantages ; cela donne beaucoup de poids aux doses élevées, et donc d’effacer comme par enchantement le (les ?) point le plus bas qui est au dessus de la droite ; ensuite, cela conduit immanquablement à dire que le modèle qui fitte le mieux est la droite… ben oui, si on pousse le bouchon, en ne gardant que deux points, pas besoin de faire des calculs, c’est la droite qui marche le mieux ! 
Avant même de lire l’article, j’étais persuadé que j’allais y trouver, comme dans les articles précédents, l’ élément suivant (effectivement il suffit de chercher, c’est page 4) :  Over the restricted range of 0-200 mGy cumulative dose, the association between cumulative dose and solid cancer mortality was well described by a linear model, and the addition of a parameter for the square of cumulative dose led to minimal improvement in model goodness of fit compared with the linear model (likelihood ratio test=0.54, df=1; P=0.46). 
 Passons sur les intervalles de confiance à 90 %, qui agacent depuis le début des publications Inworks (très habituellement, on prend des IC à 95 %)…
Par ailleurs, tout ça est fondé sur des reconstitutions de dose extrêmement fragiles ; d’ailleurs, les auteurs le discutent, à la suite des critiques faites aux premiers articles (idem d’ailleurs pour les facteurs confondants comme le tabac) :  » To address concerns about potential inaccuracies in dose estimation in the early years of operations, we examined the association between cumulative radiation dose and solid cancer mortality restricted to the 238639 workers hired in 1958 or later (excess relative rate 1.22 (0.74 to 1.72) per Gy) and restricted to the 189386 workers hired in 1965 or later (1.44 (0.65 to 2.32) per Gy) (supplementary table D)… »

Cependant, cela ne règlera jamais la question de savoir, puisqu’on est dans les faibles doses (< 100 mSv) et très faibles doses (< 10 mSv) au sens de l’UNSCEAR, quelles doses d’origine naturelle (lieux de résidence, de vacances, voyages en avion, alimentation…) et aussi médicales se superposent aux doses professionnelles. Or la RLSS ne fait pas la distinction !
Mais surtout, pour réaffirmer haut et fort ce qui avait été écrit en 2016 dans SPS, la réalité de terrain n’est pas cet acharnement des épidémiologistes à vouloir démontrer un effet indétectable – avec tout le respect que j’ai pour eux – des faibles doses de RI. Ils font comme dans le Petit Prince : à force de dire qu’il y a un mouton dans le carton, on finit par s’en persuader. Médicalement, le problème est la prévention des cancers. Or on sait que ceux-ci ont une origine multifactorielle, mêlant génétique et environnement, et que leur genèse fait intervenir plusieurs dizaines voire centaines de facteurs variés. Ce qui clairement veut dire qu’en pratique, on ne peut agir que sur un (ou quelques) facteurs qui ont un poids anormalement élevé, ce qui suppose qu’ils soient présents en quantité anormalement élevée par rapport aux autres facteurs. En pratique, cela revient à poser l’existence d’un seuil en dessous duquel ce facteur ne peut pas être nié, mais dont la responsabilité par rapport aux autres n’a aucune valeur pour une attitude interventionnelle (on ne changera pas l’incidence en s’acharnant sur ce facteur). C’est vrai pour les RI, mais c’est vrai de tout facteur considéré comme cancérigène A PRIORI (id est : quand le CIRC le suggère avec des études in vitro, ou quand le principe de précaution le suppose…). Il vaudrait donc mieux parler d’absence d’effet détectable plutôt que d’absence d’effet, et cela résume le biais intrinsèque aux études Inworks.


Au total, multiplier les papiers ne supprimera pas ce biais originel de l’étude et de ses attendus. Pour moi ce papier comme les précédents (et probablement les suivants !) ne montre rien en dehors de confirmer qu’un sujet sur 4 en Europe mourra d’un cancer… et que sans pouvoir affirmer que les RI n’y sont strictement pour rien, lutter contre chaque mSv n’y changera rien.


Mais c’est le problème : « les données sont compatibles avec le modèle.. » donc, le modèle est vrai, et donc l’hypothèse est vraie. Alors que, bien entendu, démontrer que les faibles doses NE DONNENT PAS de cancers, c’est une hypothèse infalsifiable au sens de Popper… Mais ce n’est pas parce qu’on ne peut pas soumettre une hypothèse, ici la nocivité supposée des faibles doses (le terme utilisé est celui de « détriment ») à la validation expérimentale que cela fait du modèle fondé sur cette hypothèse une explication causale… en l’occurrence une explication de l’apparition de  cancers, dont le déterminisme est complexe et multifactoriel. D’ailleurs, lorsqu’ensuite avec les auteurs de l’article, comme j’ai pu le faire avec certains, ils admettent très bien que ce qu’ils prétendent avoir démontré pour les doses < 100 mSv correspond… à 5 cancers supplémentaires « possibles ». Ce qui médicalement, par rapport à 25 000 +/- 5% pour 100 000 dans la population générale, n’a médicalement aucun sens, au sens où en tenant compte des fluctuations statistiques, ne permet aucune intervention de santé publique qui conduirait à observer une diminution significative du nombre de cancers. Dit autrement, en supposant qu’on puisse (et à quel coût !) assurer une irradiation professionnelle de ZÉRO [sachant qu’il restera toujours l’irradiation naturelle, de 3,5 mSv par an en moyenne en France], on ne pourra en aucun cas contacter une diminution de l’incidence des cancers dans la cohorte.

Jean-Philippe VUILLEZ

Climat : proposons un but qui puisse enthousiasmer la jeunesse !

Henri Prévot www.hprevot.fr

Abîmer des œuvres d’art au nom de la lutte contre les émissions de CO2, ou encore s’enchaîner ; ou encore hurler contre les entreprises du secteur pétrolier en leur imputant des émissions de CO2 causées par les consommateurs de fioul, de gaz ou de carburant – actions insensées qui montrent qu’une partie de la jeunesse, ne voyant pas que faire d’efficace, fait n’importe quoi. Et on la comprend !

Cessons de jouer « les idiots utiles du village mondial » !

L’Union européenne et la France furent très fières d’ouvrir leurs marchés, notamment à la Chine. Nos importations ont contribué à diminuer la pauvreté dans ce pays au grand dam de nos emplois industriels, divisés par deux en trente ans – ce que Jérôme Fourquet (à France Inter le 12 mai 2023) a présenté dans un langage fleuri comme un comportement « d’idiots utiles du village mondial ». Après le textile et bien d’autres secteurs, nous avons fait mieux : nous avons créé artificiellement, c’est-à-dire administrativement, des marchés pour les offrir à la Chine qui, ayant anticipé nos intentions de plusieurs années (comme au jeu de go ?), s’y était préparée : les éoliennes, le photovoltaïque.

Et cela pour quoi ? Pour être « neutres en carbone » dès 2050 avant les autres. Pour quoi ? Pour leur donner l’exemple – à la Chine ? qui doit bien sourire ; à l’Afrique ?

Le rapport Pisani- Mahfouz montre combien cela coûtera. Il montre aussi que les contraintes imposées aux ménages les forceront à des renoncements.

Pour pouvoir financer des travaux sur les logements qui les rendent aussi bien isolés que les logements neufs comme le préconise une stratégie nationale bas carbone (SNBC) votée sans étude d’impact préalable, il faudra diminuer la surface des logements. Ce rapport nous dit aussi que les dépenses d’acquisition de véhicules diminueront alors que les véhicules électriques coûteront cher : pour beaucoup, il faudra renoncer à la voiture. Tout cela pour être neutres en carbone dès 2050.

Or :

1- la France pourra être neutre en carbone en dépensant beaucoup moins lorsqu’elle aura augmenté suffisamment ses moyens de production d’électricité, nucléaire ou autre, c’est-à-dire vers 2070 ,

2- le CO2 ignore les frontières ;

3- il serait possible pour beaucoup moins cher d’éviter depuis des pays d’Afrique en 2050 autant d’émissions que ce que nous émettrions en 2050.

De mon côté, j’ai calculé qu’avec suffisamment d’électricité, les dépenses d’économie et de consommation d’énergie de chauffage sont minimisées en mettant les bâtiments en classe D du DPE ; elles sont alors inférieures de 15 à 20 milliards par an à ce qu’elles seraient selon la SNBC.

Un avenir dynamique : le progrès technique ; avec l’Afrique, pour réussir ensemble – Chasser les faux motifs d’inquiétude ; l’humanité ne manquera pas de sources d’énergie sans CO2.

Sans même compter les énergies fossiles avec stockage du CO2, le soleil déverse en une heure autant d’énergie que l’humanité en consomme en un an. Et les surgénérateurs nucléaires produisent autant de ressource d’énergie qu’ils en consomment. On peut y voir le fruit d’une coopération proposée par la Nature à l’intelligence humaine, qui serait coupable de ne pas y répondre pour le bien de l’humanité : cf. le chapitre 12 de Avec le nucléaire (Seuil 2012).

– Faire un autre rapport Pisani-Mahfouz visant la neutralité carbone en 2070 et avec la capacité de production d’électricité, nucléaire ou autre, dont nous pourrons alors disposer.

– Disons aussi à la jeunesse : « Allez vers de nouvelles conventions avec des pays d’Afrique pour élaborer conjointement des stratégies bas carbone qui nous conduisent à être ensemble et en même temps neutres en carbone en 2070 ». Nous avons de quoi apporter à cette démarche conjointe. Tout d’abord, pour des réseaux photovoltaïques ou autres, une partie des 15 milliards par an que nous éviterons de dépenser sottement chez nous (plus qu’un doublement de l’aide au développement). Et, aussitôt que possible, des petits réacteurs nucléaires surgénérateurs à sécurité passive. Avec l’éolien et le photovoltaïque, ils fourniront l’énergie dont ont besoin ces pays. Pour ces stratégies conjointes, il y aura des conventions entre Etats qui, débordant largement le champ de l’énergie, pourraient porter sur la formation, le transfert des technologies, les échanges commerciaux, la gouvernance. Sur www.hprevot.fr/eurmonde.html : la France, non pas l’Union européenne, est responsable de son approvisionnement en énergie ; des liens vers des articles parus dans Le Monde et la Revue de l’énergie.