Négawatt 2022 est-il un scénario crédible au vu des premiers éléments diffusés ?

Henri Prévot

Le 21 octobre 2021

Le nouveau scénario Négawatt – premières observations

Au vu de l’article publié par Enerpress

La consommation

                La consommation par l’industrie :

On lit : « dans l’industrie la demande d’énergie passe de 370 TWh en 2015 à 192 TWh grâce à la relocalisation des filières compatibles avec la transition énergétique, les autres étant réorientées ». Cette phrase est incompréhensible.

La SNBC, qui s’appuie sur le scénario Négawatt suppose quant à elle que la consommation de l’industrie sera en 2050 de 270 TWh.

Grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique, la réindustrialisation du pays ne fera peut-être pas augmenter la consommation d’énergie. Mais il faut aussi prévoir une consommation d’hydrogène produit à partir d’électricité. Au total, il est prudent de prévoir que la consommation d’énergie serait de 410 TWh, soit plus du double de ce que dit Négawatt.

                La consommation d’énergie pour se chauffer

Nous sommes d’accord pour constater qu’il faudra dépenser plus qu’aujourd’hui pour consommer et économiser l’énergie de chauffage. Mais le programme de Négawatt conduirait à dépenser 15 à 20 milliards d’euros par an de plus que ce qui serait suffisant pour ramener à zéro les émissions de CO2 du chauffage. Cela diminuerait d’autant la part du pouvoir d’achat qui n’est pas utilisée pour la consommation et les économies d’énergie. Contrairement à ce que dit Négawatt, cela ne créera pas d’emplois car l’argent utilisé pour payer des travaux excessivement coûteux aurait pu financer d’autres activités elles-mêmes créatrices d’emploi.

Par ailleurs Négawatt suppose que l’on ne construise pratiquement plus de maisons individuelles, ce qui ne répond pas aux désirs des Français.

Négawatt suppose que tous les bâtiments seront rendus aussi bien isolés que les bâtiments neufs. Ce n’est pas de la sobriété, c’est du gaspillage. En effet, si l’on compte le total des dépenses d’énergie et d’économie d’énergie, il serait possible de réduire à zéro les émissions CO2 en dépensant beaucoup moins. Si les logements mal isolés sont mis, non pas en classe A ou B du DPE (diagnostic de performance énergétique) comme le veut Négawatt, mais en classe D, et s’ils sont équipés de pompes à chaleur ou raccordés à un réseau de chaleur, le chauffage n’émettra pas de CO2 et les dépenses d’énergie et de travaux d’isolation thermique seront au total inférieures de 15 à 20 milliards d’euros à ce qu’il faudrait dépenser selon Négawatt : 8 milliards de plus de dépenses d’électricité et 25 à 30 milliards d’euros de moins en travaux d’isolation.

Négawatt dit que l’isolation des bâtiments créera de l’emploi. Certes mais l’argent que l’Etat et les ménages mettront dans ces travaux ne sera pas disponible pour d’autres dépenses qui créeraient elles aussi de l’emploi. Donc l’argument de création d’emploi est mensonger.

Le pouvoir d’achat des ménages n’aura peut-être pas été diminué par ces travaux d’isolation poussés à l’extrême mais la part du pouvoir d’achat disponible pour autre chose que la consommation ou l’économie d’énergie aura été réduite bien au-delà de que serait suffisant pour réduire à zéro les émissions de CO2.

Le transport

L’article d’Enerpress ne dit rien de la consommation d’énergie pour le transport. Selon la SNBC, les distances parcourues sur route par les véhicules légers diminueraient alors que la population aura augmenté.

Sur la production d’énergie

Si la demande totale d’énergie est de 1060 TWh, sur le papier et avec un tableur excel il n’est pas difficile d’imaginer un parc de production qui y répondre sans nucléaire. Il suffit de mettre la quantité nécessaire d’éoliennes et de photovoltaïque.

Pour ne pas occuper trop de terrains, Négawatt met la plus grande partie du photovoltaïque sur les toitures et suppose une forte capacité éolienne en mer notamment flottante. Comme personne ne peut prévoir assurément l’évolution des coûts, il est facile de faire des hypothèses.

Mais il est sûr que la gestion d’un réseau électrique sans les machines de production tournantes (les groupes turbo-générateurs) sera très compliquée et nul ne peut affirmer aujourd’hui qu’elle serait possible.

Malgré les hypothèses invraisemblables faites sur la consommation, Négawatt ne parvient pas à éviter toute consommation à partir de gaz fossile, émettant 52 MtCO2/an. Négawatt dit qu’elles seraient compensées par le stockage dans des « puits naturels ». S’il s’agit de forêt, il ne faut pas oublier que ce stockage ne peut pas croître sans fin car les arbres poussent, certes, puis meurent et pourrissent.

Interview de François Jacq (CEA) à propos de l’abandon du projet Astrid

Propos retranscris par Michel Gay

Bande sonnore ici

Verbatim François Jacq

« L’avant-projet détaillé d’ASTRID a été réalisé et capitalisé.

Maintenant que ça va coûter et que les perspectives de déploiement sont lointaines, la réponse a été non de manière partagée entre le CEA les industriels et l’Etat.

Aujourd’hui, avec une G3 qui n’est pas encore déployée, avec des problèmes de compétitivité de cette G3, un RNR qui est encore moins compétitif, et que l’aspect différentiel du prix du combustible n’est pas suffisant pour assurer cette compétitivité, on est arrivé à une conclusion partagée qui était que mieux valait renvoyer la réalisation d’objets de cette nature dans la deuxième moitié de ce siècle, et plutôt près de la fin. Ça se discute.

Après, il y a un deuxième sujet qui est pourquoi on fait ce genre de réacteur.

Les deux arguments principaux :

1)    Fermeture du cycle, économie de matière, aspect surgénérateur

2)    Les déchets. Argument inexact. Dès lors que vous faites de la fission vous faites des PF. Le principal élément contributif à la dose à l’exutoire d’un stockage, ce sont les PF, il y aura des déchets. Sinon on s’expose à des problèmes. Si on met en équation Cigeo et Astrid.

Je reviens sur l’argument matière. Il faut être vigilant si des pénuries devaient surgir, si des difficultés d’approvisionnement devaient surgir, quand bien même le prix de la matière c’est 5 % à 10 % du prix de l’électricité produite aujourd’hui, on voit bien que ça peut devenir sensible. Mais les constantes de temps sont longues puisqu’avant qu’il y ait pénurie d’uranium, on est sur des cycles de décennies.

J’insiste. On parle beaucoup réacteur et on fait un réacteur pour traiter des problèmes de cycles, pour mieux utiliser la matière et fermer le cycle.

Or, je persiste à dire que la question du cycle associé au réacteur n’est pas le sujet sur lequel on a le plus braqué le projecteur. Dès lors qu’il faudra produire le combustible pour ces réacteurs et le retraiter et assurer le cycle, le degré de complexité obtenu ne sera pas La Hague ni Mélox. Là où il y a des boites à gants il faudra des chaines blindées et il y a un travail à faire sur le cycle.

La stratégie posée n’est pas un optimum économique, ni une merveille, mais le fait de poser comme une étape intermédiaire un multirecyclage en REP qui est écrit dans la PPE et que nous demande de déployer le gouvernement, a, sans être miraculeux ni optimal, 2 vertus :

1 : Ca oblige a travailler sur un cycle intermédiaire et donc à manipuler des quantités de Pu plus importante, à réfléchir au cycle et aux conséquences que ca peut avoir sur l’ensemble du processus de retraitement. Je pense que c’est quand même quelque chose qui nous […] et sur la voie technique d’une avancée et d’une réalisation de quelque chose.

Et puis l’autre aspect de ça me semble être un peu plus social et politique car on est alors potentiellement en situation de montrer à l’opinion publique que non, il n’y a pas de mox sur étagère qui vont attendre 70, 80,90 ans et être réputé être des déchets mais qu’on se donne la possibilité de leur faire repasser un tour qui nous permet d’attendre la suite mais qui montre aussi qu’il y a une gestion active.

Ce n’est pas un argument technique, c’est plus un argument sociologico-politique qui n’est pas brillant mais je voulais quand même le formuler.

De ce point de vue-là, cette stratégie elle vaut ce qu’elle vaut. J’entends parfois beaucoup de noms d’oiseaux là-dessus, mais moi j’y crois beaucoup dans la mesure où même si elle n’est pas parfaite, et qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, il ne s’agit pas de refaire du mox2 (deuxième tour en REP) qui va être un miracle mais elle peut nous aider à nous préparer sur un certain nombre de choses.

En plus elle cadence un horizon de temps et elle montre aux jeunes qu’il y a des projets et que tout çà ne se résume pas à un truc unique qui disparaît et après lequel il n’y a plus de stratégie.

De ce point de vue là, c’est çà qui a été forgé [..]

Ce n’est pas qu’une affaire CEA, je le redis. Le travail qui a été mené là-dessus a été mené conjointement entre les grands acteurs de la filière. »

Pourquoi une mauvaise législation sur le climat est pire que l’absence de législation sur le climat (par MS)

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NDLR : à chacun d’en penser ce qu’il veut :

Pourquoi une mauvaise législation sur le climat est pire que l’absence de législation sur le climat

Les sénateurs démocrates modérés Joe Manchin et Krysten Sinema ont raison de s’opposer au programme de performance énergétique propre.

Par Michael Shellenberger

Les progressistes sont furieux que le sénateur démocrate modéré Joe Machin se soit opposé à l’inclusion d’une législation liée au climat dans le budget du président Joe Biden. « C’est absolument la politique climatique la plus importante du paquet », a déclaré Leah Stokes, une politologue canadienne qui a aidé à rédiger la législation. « Nous en avons fondamentalement besoin pour atteindre nos objectifs climatiques. C’est la réalité. »

Mais ce n’est pas la réalité. Le « Programme de performance énergétique propre » n’est pas nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques, et pourrait même les compromettre.

Prenons l’exemple de Waxman-Markey. C’est le nom de la législation climatique « cap and trade » qui a été adoptée par la Chambre des représentants mais a échoué au Sénat en 2010. L’objectif climatique était de réduire les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis de 17 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020. Au lieu de cela, les États-Unis ont réduit leurs émissions de 22 %.

Si la législation sur le plafonnement et l’échange avait été adoptée par le Sénat, les émissions auraient diminué de moins de 22 %, car le projet Waxman-Markey subventionnait fortement le charbon et les autres combustibles fossiles. Comme le rapportait le Los Angeles Times à l’époque, « l’Agence de protection de l’environnement prévoit que même si les limites d’émissions entrent en vigueur, les États-Unis utiliseront davantage de charbon à forte teneur en dioxyde de carbone en 2020 qu’en 2005 ».

La même chose aurait probablement été vraie pour le programme de performance énergétique propre, qui verrouille le gaz naturel. Prenons l’exemple de la France. Selon la Commission de régulation de l’énergie, 29 milliards d’euros (33 Mds de dollars) ont été utilisés pour acheter de l’électricité éolienne et solaire en France métropolitaine entre 2009 et 2018. Mais l’argent dépensé pour les énergies renouvelables n’a pas permis de produire une électricité plus propre. En fait, l’intensité carbone de l’électricité française a augmenté.

Après des années de subventions pour le solaire et l’éolien, les émissions de la France en 2017, soit 68g/CO2 par kWh, étaient plus élevées que n’importe quelle année entre 2012 et 2016. La raison ? La production record d’énergie éolienne et solaire n’a pas compensé la baisse de la production d’énergie nucléaire et la hausse de la consommation de gaz naturel. Et maintenant, le coût élevé de l’électricité renouvelable se manifeste dans les factures d’électricité des ménages français.

Certaines personnes pro-nucléaires ont soutenu le programme de performance énergétique propre proposé. Ils ont affirmé qu’il aurait permis de sauver les centrales nucléaires existantes menacées de fermeture. Selon l’Administration américaine d’information sur l’énergie, la fermeture de centrales nucléaires, dont Diablo Canyon en Californie, entraînera une baisse de 17 % de l’énergie nucléaire aux États-Unis d’ici 2025. Selon certains pro-nucléaires, si le programme avait été adopté, des centrales comme Diablo Canyon auraient pu être sauvées.

Mais le Clean Energy Performance Program n’aurait pas sauvé Diablo Canyon pour la même raison qu’il n’aurait pas sauvé la centrale nucléaire d’Indian Point, qui a fermé ses portes à New York au début de l’année : les politiciens démocrates progressistes forcent les centrales nucléaires à fermer, et ce à un coût très élevé pour les contribuables.

Si le programme de performance énergétique propre avait été adopté, le propriétaire de Diablo Canyon, Pacific Gas & Electric, aurait simplement répercuté sur les contribuables la pénalité de 500 millions à 1,5 milliard de dollars imposée par le programme, ainsi que les autres milliards de dollars de coûts liés à la fermeture de Diablo Canyon 40 ans plus tôt que nécessaire. La même chose se serait produite avec Indian Point.

Lorsqu’il existe un soutien politique pour sauver les centrales nucléaires, les législateurs et les gouverneurs des États sauvent les centrales nucléaires, comme ils l’ont fait dans l’Illinois il y a quelques semaines, et comme ils l’ont fait dans le Connecticut, le New Jersey, et avec les centrales nucléaires de l’État de New York. Dans d’autres États, les centrales nucléaires sont protégées du gaz naturel bon marché par les marchés réglementés de l’électricité. Et maintenant, avec la hausse spectaculaire des prix du gaz naturel, les centrales nucléaires qui risquaient d’être fermées pour des raisons économiques ne sont plus en danger.

Ce qui menace la poursuite de l’exploitation des centrales nucléaires, et de l’énergie nucléaire en général, c’est la poursuite du subventionnement des énergies renouvelables, que le Programme de performance énergétique propre aurait mis aux stéroïdes. Dans le cadre de ce programme, les services publics auraient reçu 18 dollars pour chaque mégawattheure d’énergie sans émissions qu’ils produisent entre 2023 et 2030, en plus de la subvention existante de 25 dollars par mégawattheure pour l’énergie éolienne.

Dans un tel scénario, note l’analyste de l’énergie Robert Bryce, une entreprise d’énergie éolienne « pourrait gagner 43 dollars par mégawattheure par an pour chaque nouveau mégawattheure d’énergie éolienne qu’elle vend. Il s’agit d’une somme astronomique si l’on considère que le prix de gros de l’électricité à New York était de 33 dollars par mégawattheure l’année dernière. Au Texas, le prix de gros du jus était de 22 dollars par MWh. »

M. Manchin est rejoint dans son opposition au plan par la sénatrice démocrate modérée de l’Arizona, Krysten Sinema, et cela se comprend. Selon les analystes de l’énergie Isaac Orr et Mitch Rolling, la législation coûterait aux contribuables de l’Arizona près de 120 milliards de dollars en coûts d’électricité supplémentaires.

Traduit avec http://www.DeepL.com